Rappel des difficultés de preuve auxquelles sont confrontées les sociétés étrangères pour bénéficier de l'exonération de la taxe de 3% sur les immeubles notamment lorsqu'elles revendiquent l'exercice d'une activité para-hôtelière.
La taxe annuelle de 3% codifiée aux articles 990 D et s du CGI vise les entités juridiques étrangères qui possèdent, directement ou par entité interposée, des immeubles situés en France. Cette imposition, qui s'inscrit dans une logique de lutte contre l'évasion fiscale, connaît toutefois plusieurs exonérations énumérées à l'article 990 E dudit code.
Parmi ces exonérations, celle prévue à l'article 990 E-a-2° permet d'exclure de l'assiette taxable les actifs immobiliers affectés directement ou indirectement à une activité professionnelle autre qu'immobilière. Cette disposition suppose néanmoins que le contribuable établisse de manière concrète et documentée la réalité de cette affectation professionnelle.
La doctrine BOFIP précise à ce sujet :
L’entité juridique qui possède en France, directement ou par entité interposée, des actifs immobiliers dont la valeur vénale représente moins de 50 % de la valeur vénale de l'ensemble de ses actifs français détenus directement ou indirectement n'est pas soumise à la taxe de 3%.
Pour l'appréciation de ce rapport, il n'est pas tenu compte, au numérateur, des actifs immobiliers détenus directement ou indirectement que l’entité juridique concernée ou une entité juridique interposée affectent à leur propre activité professionnelle, autre qu'immobilière, ou à celle d’une entité juridique avec laquelle elles ont un lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 du Code général des impôts.
Rappel des faits :
La société I entité de droit suisse constituée en 2011, détient l'intégralité du capital de la société française Y qui a acquis en 2013 un terrain sur lequel elle a fait édifier un chalet achevé en mars 2015.
L'administration fiscale, après plusieurs mises en demeure restées sans suite entre 2017 et 2018, a procédé à une taxation d'office pour les années 2014 à 2017, réclamant un montant total de 960 866€ au titre de la taxe de 3%, des intérêts de retard et des majorations. TJ de Bonneville ayant confirmé cette taxation par jugement du 9 novembre 2022, la société suisse a fait appel.
La société I fonde sa défense sur l'affectation prétendue du chalet à une activité para-hôtelière, estimant que cette dernière constitue une activité professionnelle autre qu'immobilière au sens de l'article 990 E 2° a). Elle produit à l'appui de ses prétentions un contrat de mandat confié à la société A pour la recherche de clients en vue de la mise à disposition du bien "assortie de prestations para-hôtelières", diverses factures d'aménagement et d'entretien, ainsi que les comptes annuels de la société propriétaire.
L'administration fiscale conteste quant à elle la réalité de ces prestations para-hôtelières, soulignant l'absence de justificatifs probants quant à leur mise en œuvre effective et se prévaut de l'insuffisance des éléments produits pour caractériser une activité à prépondérance non immobilière. Selon elle, les pièces produites ne démontraient qu'une simple location meublée, activité immobilière par essence et donc soumise à la taxe.
La Cour d'appel de Chambéry vient de confirmer le jugement de première instance.
Si elle reconnaît que le contrat de mandat "est de nature à étayer les affirmations de la société appelante", elle considère qu'il "ne peut néanmoins à soi seul établir la réalité concrète de l'activité commerciale qui doit être confirmée par des éléments complémentaires".
- Elle constate que les factures de nettoyage concernent "principalement les vitrages", ce qui peut correspondre "à la seule activité de location qui nécessite un entretien minimal", et qu'un seul nettoyage complet a été facturé sur la période ;
- Elle relève que le montant annuel des prestations de nettoyage (3 565 €) est manifestement incompatible avec une prestation de type hôtelier pour un chalet de cette nature. si l'on considère une occupation minimale de six mois par an ;
- Elle souligne l'absence de charges liées à l'achat de linge de maison, de fleurs, ou de services de conciergerie dans les comptes de la société, ainsi que l'absence de tout contrat type proposé aux clients ou d'éléments relatifs aux prestations de restauration ;
- Elle estime que les factures de mobilier ou d'entretien de la piscine sont inopérantes, car elles sont inhérentes à toute location meublée de standing.
Partant, la société a "échoué à démontrer" que les prestations offertes étaient d'une nature et d'une ampleur suffisantes pour que l'activité soit considérée comme "autre qu'immobilière". La charge de la preuve n'étant pas satisfaite, l'exonération est refusée.