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Impôt sur les sociétés

Vers une neutralisation fiscale lors de la transformation d'une EIRL en société de capitaux ?

Une question parlementaire met en lumière une incohérence de notre système fiscal français concernant les transformations d'entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL) en sociétés de capitaux. L'interrogation du député s'inscrit dans le contexte de l'extinction programmée du statut d'EIRL par la loi du 14 février 2022 et révèle les difficultés pratiques rencontrées par les entrepreneurs souhaitant faire évoluer leur structure juridique. 

 

Pour mémoire, l’article 1er de la loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (n° 2010-658 du 15 juin 2010) a créé et défini le régime juridique de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, dont le patrimoine professionnel est distinct du patrimoine personnel, sans qu’il y ait néanmoins création d’une personne morale. Ce dispositif a été codifié aux articles L. 526-6 à L. 526-21 du code de commerce et les règles fiscales applicables aux EIRL ont été définies à l’article 1655 sexies du CGI.

Le statut de l'EIRL, jugé complexe, n'a pas rencontré un grand succès (moins de 100 000 EIRL en juin 2021) et a été supprimé par la loi n° 2022-172 en faveur de l'activité professionnelle indépendante du 14 février 2022.

Depuis le 15 février 2022, il n'est donc plus possible de créer une EIRL. Le nouveau statut unique d’entrepreneur individuel est entré en vigueur à compter du 15 mai 2022 pour toute création d’entreprise individuelle. Les EIRL existantes avant l’entrée en vigueur de la loi peuvent continuer d’exercer leur activité sous ce régime et continuent d’être régies par les règles qui existaient avant la réforme du statut de l’entrepreneur individuel.

La question ministérielle du député Jean-Didier Berger met en évidence un régime fiscal particulièrement pénalisant pour les entrepreneurs ayant choisi d'exercer leur activité en EIRL soumise à l'IS. Contrairement à d'autres structures, la transformation de cette forme juridique en société de capitaux, ou l'apport de son patrimoine à une nouvelle entité, est actuellement assimilée à une dissolution-liquidation.

 

Cette qualification entraîne des conséquences fiscales lourdes et immédiates : l'EIRL est imposée sur les plus-values latentes qu'elle a réalisées, et le boni de liquidation est taxé comme revenu de capitaux mobiliers (RCM) chez l'entrepreneur.

 

Cette imposition constitue un obstacle pour les entrepreneurs désireux de faire évoluer leur activité, par exemple pour lever des fonds, s'associer ou simplement optimiser leur structure.

 

Cette situation est d'autant plus critiquable qu'elle crée une inégalité de traitement manifeste au sein de notre paysage fiscal.

 

En effet, les entreprises individuelles (EI) classiques et les EIRL ayant opté pour l'impôt sur le revenu (IR) peuvent bénéficier d'un report d'imposition des plus-values latentes lors de leur transformation ou apport en société, grâce à l'application de l'article 151 octies du CGI. De même, les restructurations impliquant des sociétés de capitaux bénéficient de dispositifs de neutralité fiscale, notamment via l'article 150-0 B ter du CGI. L'EIRL à l'IS se trouve ainsi isolée, privée d'un régime fiscal de faveur dont bénéficient pourtant des situations comparables, ce qui entrave la mobilité juridique des entrepreneurs.

 

L'interrogation du député pointe également une incohérence juridique profonde. L'article 1655 sexies du CGI prévoit déjà la possibilité pour un entrepreneur individuel en EIRL d'opter pour l'assimilation à une EURL. Si une EIRL peut être fiscalement traitée comme une EURL par simple option, il serait logique que sa transformation effective en une véritable EURL (ou une autre société) soit également neutre fiscalement, sous réserve du maintien des valeurs d'inscription des biens. Le fait que les positions des centres des impôts locaux divergent sur cette question ajoute à l'insécurité juridique et accentue les disparités territoriales, ce qui est inacceptable pour les acteurs économiques.

 

Dans la lignée de la loi du 14 février 2022 susvisée, qui a  acté l'extinction progressive du régime de l'EIRL au profit du nouveau statut d'entrepreneur individuel, il serait bon que le Gouvernement fasse évoluer la législation. La modification des articles 151 octies ou 150-0 B ter du CGI, comme suggéré par le député, permettrait d'élargir les possibilités de neutralité fiscale à la transformation des EIRL à l'IS. 

 

Affaire à suivre...

Publié le mercredi 11 juin 2025 par La rédaction

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