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Prix de transfert et avances intragroupe : la détermination du taux d'intérêt de référence à l'aune du marché local

Le juge de l'impôt nous rappelle que face à une présomption de transfert indirect de bénéfices, il appartient au contribuable de démontrer que le taux retenu par l'administration excède celui qu'auraient pu obtenir les filiales emprunteuses auprès de prêteurs indépendants dans les conditions du marché. À défaut, seule la preuve de contreparties peut renverser la présomption.

 

Pour mémoire, aux termes de l’article 57 du CGI, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code :

Pour l’établissement de l’impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (…) .

 

Ces dispositions instituent, dès lors que l’administration fiscale établit l’existence d’un lien de dépendance et d’une pratique entrant dans les prévisions de l’article 57 du CGI, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l’entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu’elle a consentis ont été justifiés par l’obtention de contreparties.

 

Rappel des faits :

La société F, détentrice de participations dans quatre sociétés roumaines, a été soumise à une vérification de comptabilité et à un contrôle sur pièces par l’administration fiscale. Celle-ci a conclu que, entre 2011 et 2014, F avait consenti des sommes financées par emprunt et par fonds propres, mises gratuitement à la disposition de ses filiales roumaines, constituant ainsi des transferts indirects de bénéfices au sens de l’article 57 du CGI.

Il s'agissait de des prêts sans intérêt pour une durée inférieure à un an, renouvelables pour la même durée, avec possibilité de rembourser à tout moment ces prêts d'un montant total de près de 26 M€ en 2011, de plus de 33M€ en 2012 et de plus de 35,5 M€ en 2013 et 2014, lesquels ont été financés pour l'essentiel au moyen d'emprunts contractés par F.

L'administration fiscale a évalué le montant de ces renonciation à recettes en appliquant aux sommes en cause les taux d'intérêt moyens auxquels la société F s'était elle-même endettée, soit 5,66 % en 2011, 7,74 % en 2012, 8,94 % en 2013 et 5,85 % en 2014.

En conséquence, l’administration a réintégré ces montants aux résultats déclarés par F, entraînant une réduction de ses déficits déclarés et l’imposition de cotisations supplémentaires ainsi que de pénalités.

Contestant ces redressements, F a saisi le tribunal administratif de Pau, qui a rejeté sa demande le 30 décembre 2020. En appel, la CAA de Bordeaux a partiellement réformé ce jugement. Elle a tout d'abord estimé que F ne justifiait d'aucune contrepartie à ces prêts sans intérêts. Partant, elle a jugé que c'était à bon droit que l'administration avait estimé que les avantages consentis par la société requérante à ses filiales étaient constitutifs de transferts indirects de bénéfices. Toutefois, elle a réduit le montant des transferts indirects de bénéfices pour les exercices clos de 2011 à 2014, appliquant des taux d’intérêt spécifiques aux avances sans intérêt accordées sur fonds propres.

 

Le ministre s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, contestant notamment la fixation des taux d’intérêt appliqués par la cour d’appel. Il estime que les taux d’intérêt appliqués par la cour d’appel sont insuffisants et ne reflètent pas les conditions du marché auxquelles F aurait pu accéder via des établissements financiers indépendants.

 

Le conseil d'Etat vient de faire droit à la demande du ministre.

 

 

Pour mémoire, pour réduire le montant des transferts indirects de bénéfices la Cour d'appel a établi une distinction entre deux situations : les avances financées par emprunt et celles réalisées sur fonds propres.

  • Pour les premières, elle retient comme référence les taux d'intérêt effectivement supportés par la société mère sur ses propres emprunts.
  • Pour les secondes, elle accepte comme référence les taux moyens des avances sur titres de la Banque de France significativement plus bas (entre 2,4% et 4,25%) faute pour l'administration d'établir la possibilité d'obtenir une meilleure rémunération sur le marché.

Le Conseil d'État vient de censurer cette approche en rappelant qu'en matière de prix de transfert, la référence pertinente n'est pas le taux que la société prêteuse aurait pu obtenir en plaçant ses fonds, mais celui auquel les filiales emprunteuses auraient pu emprunter auprès de prêteurs indépendants sur leur marché. Cette solution s'inscrit dans la logique du principe de pleine concurrence qui exige une comparaison avec des transactions comparables entre parties indépendantes.

La haute juridiction précise également que la charge de la preuve incombe au contribuable. C'est à lui de démontrer que les taux retenus par l'administration sont supérieurs à ceux du marché roumain pour des emprunteurs comparables. Cette règle découle directement de la présomption de transfert de bénéfices instituée par l'article 57 du CGI.

 

Publié le vendredi 27 décembre 2024 par La rédaction

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