Analyse du marché des œuvres du duo Warhol-Basquiat, exposé à la Fondation Louis Vuitton

28/04/2023 Par Artprice
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Alors qu’une toile d’Andy Warhol est devenue l’an dernier la deuxième œuvre la plus chère de tous les temps aux enchères (195 millions $) et qu’une pièce de Jean-Michel Basquiat a dépassé les 110 m$ en 2017, le prix des œuvres réalisées par les deux artistes à quatre mains plafonne à 14 m$, depuis presque neuf ans. La Fondation Louis Vuitton consacre néanmoins une grande exposition à l’association de ces deux figures les plus emblématiques de la scène new-yorkaise des années 1960-1980.

 

Véritables piliers du Marché de l’Art, classés 1er et 7ème dans le classement des artistes Artprice 2022, toutes périodes de création confondues, Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat ont travaillé pendant trois ans sur une œuvre commune » précise thierry Ehrmann, Président d’Artmarket.com et Fondateur d’Artprice. « Ensemble, ils ont créé des pièces monumentales, certaines de plusieurs mètres de long, mais qui n’ont pas toujours la force des œuvres qu’ils ont créées en solitaire. C’est du moins ce que le Marché de l’Art laisse entendre, à travers les résultats de ventes aux enchères.”

Une collaboration bien orchestrée

En 1982, le galeriste Bruno Bischofberger présente officiellement le jeune Jean-Michel Basquiat au célèbre Andy Warhol. Bientôt, ils commencent à travailler ensemble, en compagnie de l’artiste italien Francesco Clemente, peignant l’un à la suite de l’autre sur les mêmes toiles. Fruit de cette triple collaboration, l’œuvre Origin of Cotton (1984) est vendue pour la première fois aux enchères en 1992 chez Christie’s à Londres pour 95 700$. Elle est adjugée une seconde fois chez Sotheby’s en 2018, à hauteur de 592 000$ (frais inclus). Pour une toile d’1m30 sur 1m80 signée par trois artistes aussi prestigieux, ce prix paraît presque trop raisonnable.

Rapidement, les deux stars américaines décident de poursuivre l’aventure entre elles. Celle-ci donnera lieu à une grande exposition new-yorkaise, organisée à l’automne 1985, soit moins de deux ans avant la mort d’Andy WARHOL et un peu moins de trois avant celle de Jean-Michel BASQUIAT. L’affiche de l’exposition devenue iconique les met en scène en boxeurs sur fond jaune, auréolés d’étoiles rouges. Les deux peintres sont placés à même hauteur, mais déjà ils s’écartent quelque peu l’un de l’autre.

 

C’est cette histoire que raconte la Fondation Louis Vuitton dans l’espace imaginé par Frank Gehry au Bois de Boulogne, du 5 avril au 28 août 2023. Une aventure qui a réuni deux géants de la peinture américaine, qu’une part d’ego sans doute n’a pas permis de connaître un véritable succès commun. L’exposition est peut-être plus encore l’occasion de revivre la rencontre de deux courants artistiques, symbolisés par deux hommes à la fois très proches et très différents, entourés de Keith Haring, de Madonna et de tant d’autres célébrités, sur fond de musique jazz et de rêve américain.

Portraits d’Andy Warhol et de Jean-Michel Basquiat ©thierry Ehrmann – Courtesy Musée L’Organe / La Demeure du Chaos – Abode of Chaos

Produit des ventes aux enchères (1995-2022) d’Andy Warhol et de Jean-Michel Basquiat par année de création

 

L’avis du Marché de l’Art

Les œuvres créées par le duo Warhol-Basquiat sont loin d’atteindre les prix records enregistrés pour les deux artistes individuellement. Cela ne signifie pas que de telles pièces soient sans valeur, mais leur qualité n’égale visiblement pas tout à fait, aux yeux des collectionneurs, la somme de leurs deux contributions. Finalement, ce sont leurs deux signatures qui portent les prix, car on reconnaît là sans trop d’hésitation le trait libéré de Jean-Michel-Basquiat mélangé aux sérigraphies d’Andy Warhol. L’un et l’autre ont parfois échangé de rôle et de technique paraît-il, sans qu’il y ait véritablement dans ces œuvres toute la puissance de Basquiat ou tout l’envoûtement de Warhol.

 

Le jugement des collectionneurs se traduit dans les résultats de ventes aux enchères : le record pour une toile du duo WARHOL & BASQUIAT reste aujourd’hui encore celui établi en 2014 par la toile Zenith (1985) à 11,4 m$, chez Phillips à New York. Depuis lors, 13 toiles signées par les deux artistes sont pourtant passées en salles des ventes, dont plusieurs sont actuellement exposées à la Fondation Louis Vuitton, sans jamais qu’aucune d’entre elles n’approche les records personnels des deux peintres, tous deux supérieurs à 100 m$ :

– Wood (1984) : 2,4 m$ en 2016

– Sweet Pungent (1984/85) : 5,7 m$ en 2017

– Taxi, 45th/Broadway (c.1984/85) : 9,4 m$ en 2018

 

En 2022, GE/Skull (1984/85) et 1/2 Keep Frozen (1984-1985) ont respectivement été vendues 4,6 m$ et 3 m$ par Christie’s à New York. Elles appartenaient pourtant à la collection de Thomas Ammann aux côtés de Shot Sage Marilyn Blue (1964) d’Andy Warhol, celle-là même qui a été adjugée 195 m$ (frais inclus) le 9 mai 2022. Thomas Ammann possédait en outre un tableau de Francesco Clemente intitulé The fourteen stations, No. XI (1981/82), lequel a enregistré un nouveau record personnel pour l’artiste à 1,8 m$, alors que les estimations de Christie’s avançaient une fourchette entre 80 000$ et 120 000$.

 

Une collaboration pour se relancer mutuellement

 

Quand ils commencent à travailler ensemble en 1984, Andy Warhol a 57 ans et Jean-Michel Basquiat en a 24. Pourtant, aux yeux du marché, le meilleur de leur production est déjà derrière eux. Les résultats de ventes aux enchères montrent en effet que les œuvres les plus recherchées d’Andy Warhol sont celles des années 1962-1964 ; quant à Jean-Michel Basquiat, l’année 1982 marque à elle-seule l’apogée de sa peinture.

 

Ce que les historiens décèlent dans cette union, c’est en partie au moins le désir d’un jeune peintre d’apprendre auprès d’une superstar, à développer son image de marque, et en contrepartie, l’envie d’Andy Warhol de travailler avec un jeune talent en pleine ascension. Curieusement, il semble que ce soit le plus âgé des deux qui ait le plus profité de cette relance, puisqu’il connaîtra une nouvelle année faste d’un point de vue artistique en 1986, avec entre autres la production d’une série d’autoportraits et de plusieurs toiles autour de la dernière Cène de Léonard de Vinci.

 

Lorsque Andy Warhol s’éteint le 22 février 1987, il laisse Jean-Michel Basquiat en proie à ses démons. Celui-ci décède à son tour un an et demi plus tard, le 12 août 1988 d’une overdose, à seulement 27 ans.

Communiqué d'Artprice