Art : Jean Hélion, à contre-courant

13/05/2024 Par Artprice
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Jean Hélion, à contre-courant de son époque, voit son œuvre réexaminée par le Musée d’Art Moderne de Paris, vingt ans après sa dernière rétrospective au Centre Pompidou en 2004. C’est une occasion majeure de remettre en lumière l’impact de ce précurseur peu connu du grand public, mais inspirateur des peintres de la Figuration narrative. L’occasion pour l’équipe d’Art Market Insight de revenir sur son parcours et sa cote en ventes publiques.

 

Jean HÉLION émerge comme l’un des pionniers de l’abstraction, qu’il introduit aux États-Unis dans les années 1930, avant d’évoluer vers un retour au réel et à la figuration à l’aube de la deuxième guerre mondiale. À seulement 26 ans, il commence à compter dans l’histoire de l’art moderne, fondant en 1930 la première avant-garde française vouée à un art radicalement abstrait (Art concret qui devient rapidement Abstraction-Création), avec Théo van Doesburg, Otto Carlsund et Léon Tutundjian. Derrière un manifeste de l’Art concret prônant que l’œuvre d’art “ne doit rien recevoir des données formelles de la nature, ni de la sensualité, ni de la sentimentalité”, Hélion et ses compagnons d’avant-garde cherchent à élaborer un langage universel compréhensible par tous. En ce tout début des années 1930, l’esprit pionnier d’Hélion se distille en Angleterre (création de la revue Axis) et aux Etats-Unis où il va construire une grande partie de sa vie et de sa carrière.

 

Bientôt, Hélion renonce pourtant au formalisme de l’art géométrique : l’appel de la nature se fait sentir et les volumes de ses compositions vont devenir des objets et des corps dans les années suivantes. Les rencontres et les expositions s’enchaînent dans ces années 30 : New-York, Paris, Londres, Chicago Oxford… cependant, malgré la notoriété qu’il vient d’acquérir, Hélion interrompt l’élan de sa carrière pour s’engager aux côtés de l’armée française pendant la guerre. Il est fait prisonnier en 1940, s’évade en 1942, traverse l’Allemagne, se rend à Paris, Marseille puis rentre aux Etats-Unis où il donne de nombreuses conférences pour dénoncer le nazisme. C’est à ce moment qu’il renonce définitivement à l’art abstrait et revient au réel, à rebours du puissant de l’abstraction lyrique d’après-guerre. Dès lors, son œuvre peine à trouver sa place sur une scène artistique parisienne happée par l’abstraction et la reconnaissance sera difficile dans les années suivantes. En 1962, sa carrière connaît un sursaut grâce à une exposition à la galerie Louis Carré, puis au cours des vingt années qui suivent, son œuvre d’Hélion trouve peu à peu sa place dans les musées et dans quelques collections, tant en France qu’à l’étranger.

 

L’aventure plastique de Jean Hélion se raconte ainsi à contre-courant des mouvements à la mode. Il échappe aux dogmes, trace sa propre voie, depuis une abstraction radicale jusqu’au retour à une figuration revisitant des thèmes classiques qui fera finalement de lui une référence majeure pour les peintres de la Figuration Narrative comme Gilles Aillaud et Eduardo Arroyo, puis pour ceux de la Figuration Libre des années 1980.

 

Évolution du taux d’œuvres invendues de Jean Hélion aux enchères (copyright Artprice.com)

Plus faible qu’à l’accoutumée, le taux d’œuvres invendues suggère que l’actualité de sa rétrospective au Musée d’Art Moderne de Paris a une influence positive sur la demande. Vingt-quatre œuvres ont déjà été trouvées aux enchères depuis le début de l’année 2024.

 

Réception de l’oeuvre aux Etats-Unis

Jean Hélion, arrivant aux États-Unis dans les années 1930, s’immerge rapidement dans le cercle des artistes émigrés de l’époque, côtoyant des géants tels que Piet Mondrian, Fernand Léger, Alexander Calder, et se liant d’amitié avec Marcel Duchamp. Sa présence devient incontournable dans la vie artistique américaine, devenant même une figure influente à la Gallery of Living Art à New York, une institution majeure dédiée aux grands artistes européens du siècle dernier, et offrant des conseils éclairés à de grands collectionneurs. Ces années aux États-Unis marquent une période de croissance artistique et personnelle, contribuant à façonner son œuvre et son identité artistique.

 

Pendant les années 1930 et 1940, il expose dans diverses galeries et musées américains, des villes animées de Chicago et Los Angeles à l’épicentre artistique de New York et la côte ouest représentée par San Francisco. Son travail est ainsi ancré dans le milieu de l’art américain depuis des décennies, faisant partie intégrante des collections de musées prestigieux tels que le Met, le MoMA, et le Guggenheim à New York, ainsi que le San Francisco Museum of Art en Californie.

 

Répartition géographique du produit de ventes de Jean Hélion depuis 2000 (copyright Artprice.com)

 

Malgré un marché des enchères américain parfois sporadique, ses œuvres les plus prisées ont trouvé leur place à New York, notamment avec un record absolu atteint en 2015 à 3,4 millions de dollars pour une puissante abstraction datant de 1935. L’empreinte indéniable d’Hélion sur la scène artistique américaine d’avant-guerre est ainsi reconnue par les collectionneurs sur place. En France, deux de ses œuvres ont dépassé le million de dollars aux enchères. Une toile figurative de 1944 a été vendue pour le double de son estimation haute en 2022 (L’escalier), tandis qu’une toile abstraite créée dix ans plus tôt a été cédée pour 1,1 million de dollars en octobre 2023 à Paris. Deux choses à retenir dans ces résultats français : la première est que l’aspect figuratif de l’oeuvre d’Hélion est aujourd’hui tout aussi valorisé que son aspect abstrait; la seconde reflète l’importance de l’actualité sur la cote, les deux résultats français ayant été enregistré en pleine préparation de la rétrospective de l’artiste au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Bien qu’aucune toile majeure n’ait encore été présentée en salles des ventes depuis le début de cette année, le marché nous réserve peut-être des surprises dignes du résultat obtenu l’automne dernier.

 

Jean Hélion : Podium des ventes aux enchères 

Abstraction (1935)

145,7 x 199,7 cm

Prix avec frais: 3 413 000 $. Estimation: 600 000 $ – 800 000 $

Christie’s, New York, 12/11/2015

 

Équilibre (1936)

114 x 147 cm

Prix avec frais: 1 690 000 $. Estimation: 1 000 000 $ – 1 500 000 $

Sotheby’s, New York, 09/05/2016

 

L’Escalier (1944)

130 x 97 cm

Prix avec frais: 1 143 134 $. Estimation: 315 783 $ – 526 305 $

Christie’s, Paris, 28/06/2022

 

Exposition “Jean Hélion. La prose du monde”

Musée d’art moderne, Paris. Jusqu’au 18 août 2024

Communiqué d'Artprice