Après Basquiat et Warhol, c’est à un autre géant américain que la Fondation Louis Vuitton consacre une exposition inédite. Première rétrospective en France dédiée au travail prolifique de Mark ROTHKO (1903-1970) depuis celle du musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1999, l’exposition présentée à la Fondation à partir du 18 octobre 2023 réunit quelque 115 œuvres provenant des plus grandes collections institutionnelles et privées internationales, notamment de la Tate Gallery de Londres, du Museum of Modern Art de New York (MoMA) et de la famille de l’artiste. Mark Rothko retrace l’ensemble de la carrière de l’artiste, de ses premières peintures figuratives jusqu’aux œuvres abstraites qui définissent aujourd’hui son œuvre.
” Cette rétrospective a l’ambition d’introduire à l’ensemble de l’œuvre depuis les peintures figuratives initiales et d’en pénétrer, à travers les ruptures formelles, la permanence et la profondeur d’une même quête, d’un même questionnement “, explique Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton et commissaire de l’exposition.
- 1930 : vers une nouvelle peinture américaine
Le parcours de l’exposition débute donc dans les années 1930 : les différents tableaux présentés dépeignent un monde tragique, solitaire, un New-York marqué par les atrocités de la Première Guerre mondiale. Dans le climat social d’anxiété qui domine ces années, les images de la vie quotidienne commencent à lui paraître quelque peu démodées. S’il pensait que l’art devait exprimer la tragédie de la condition humaine, il lui faut trouver de nouveaux sujets et un nouveau langage.
- 1946-1950 : sa période classique
Au cours des années 1940, alors très intéressé par la philosophie, en particulier par les écrits de Nietzsche et la mythologie grecque, ses œuvres deviennent de plus en plus symboliques. Après avoir expérimenté l’expressionnisme abstrait (dans lequel il côtoiera notamment Jackson POLLOCK, Adolph GOTTLIEB) et le surréalisme, il renouvelle son vocabulaire formel. En effet, hostile à l’expressionnisme de l’Action Painting, Mark Rothko (ainsi que Barnett Newman et Clyfford Still) invente une nouvelle façon, méditative, de peindre que le critique Clement Greenberg définit comme le Colorfield Painting composé de “champs colorés”. Dans ses toiles, il s’exprime alors exclusivement au moyen de la couleur qu’il pose sur la toile en aplats à bords indécis, en surfaces mouvantes, parfois monochromes ou composées de bandes diversement colorées suivant un rythme binaire ou ternaire, caractérisées par des tons jaunes, rouges, ocre, orange, mais aussi bleus, blancs… Il atteint ainsi une dimension spirituelle particulièrement sensible.
” Je ne m’intéresse qu’à l’expression des émotions humaines fondamentales – tragédie, extase, plus et j’en passe – et le fait que beaucoup de gens s’effondrent et fondent en larmes lorsqu’ils sont confrontés à mes tableaux montre que je communique ces émotions humaines fondamentales. “ Mark Rothko.
En 1958, Rothko reçoit la commande d’un ensemble de peintures murales destinées au restaurant Four Seasons conçu par Philip Johnson pour le Seagram Building – dont Ludwig Mies van der Rohe dirige la construction à New York. Rothko renonce finalement à livrer celle-ci et conserve l’intégralité de la série. Onze ans plus tard, l’artiste fera don à la Tate Gallery de neuf de ces peintures qui se distinguent des précédentes par leurs teintes d’un rouge profond, constituant une salle exclusivement dédiée à son travail au sein des collections. Cet ensemble exceptionnel sera montré à l’occasion de cette rétrospective.
- 1960-1970 : de l’ombre à la lumière
En 1960, la Phillips Collection de Washington lui dédie une salle permanente, la première « Rothko Room », étroitement conçue avec lui, qui sera également reconstituée dans l’exposition. Le MoMA de New York, lui consacre également une exposition personnelle importante en 1961. Après les tournoiements de couleur de la période classique, la palette du peintre s’assombrit, en témoigne la série des Black and Grey de 1969-1970, que l’on retrouve sur les murs intérieurs de la chapelle interconfessionnelle à Houston au Texas. Alors rongé par l’hypertension, il perd peu à peu ses capacités physiques, il ne peut plus peindre de grands formats et met fin à ses jours le 25 février 1970, dans son atelier de New York.
Cette sélection de chefs-d’œuvre est réunie dans la plus haute salle du bâtiment de Frank Gehry aux côtés des grandes figures d’Alberto Giacometti, créant un environnement proche de ce que Rothko avait imaginé pour répondre à une commande de l’UNESCO restée sans lendemain.
Un artiste qui a la cote
Au cours des dernières décennies, les peintures de Mark Rothko ont été vendues à des prix records lors de ventes aux enchères prestigieuses. Ses toiles emblématiques, caractérisées par leurs vastes champs de couleur et leur puissante expressivité, ont suscité un intérêt croissant parmi les collectionneurs et les institutions d’art du fait de leur rareté sur le marché. En 20 ans, seulement 156 toiles du maître ont été mises à l’encan. Les expositions et rétrospectives dédiées à son art ont également contribué à accroître l’intérêt pour ses peintures. Avec cinq résultats supérieurs à 70m$ depuis 2007, Rothko domine le Marché de l’Art Abstrait sur le long terme.
Artiste | Œuvre | Prix | Date | Maison de ventes | ||
1 | Mark ROTHKO | Orange, Red, Yellow (1961) | 86 882 500 $ | 08/05/12 | Christie’s | New York |
2 | Kasimir MALEVICH | Suprematist Composition (1916) |
85 812 500 $ | 15/05/18 | Christie’s | New York |
3 | Barnett NEWMAN | Black Fire I (1961) | 84 165 000 $ | 13/05/14 | Christie’s | New York |
4 | Mark ROTHKO | “No. 10” (1958) | 81 925 000$ | 13/05/15 | Christie’s | New York |
5 | Mark ROTHKO | No. 7 (1951) | 82 468 500 $ | 15/11/21 | Sotheby’s | New York |
6 | Mark ROTHKO | “No. 1 (Royal Red And Blue)” (1954) | 75 122 500 $ | 13/11/12 | Sotheby’s | New York |
7 | Mark ROTHKO | White Center (1950) | 72 840 000 $ | 15/05/07 | Sotheby’s | New York |
8 | Cy TWOMBLY | Untitled (New York City) (1968) | 70 530 000 $ | 11/11/15 | Sotheby’s | New York |
9 | Cy TWOMBLY | Untitled (1970) | 69 605 000 $ | 12/11/14 | Christie’s | New York |
10 | Fernand LÉGER | Contraste de formes (1913) | 70 062 500 $ | 13/11/17 | Christie’s | New York |
Top 10 œuvres abstraites vendues aux enchères ©artprice.com |
En 2012, l’une de ses toiles intitulée “Orange, Red, Yellow” s’est vendue aux enchères à plus de 87m$, établissant un record pour une œuvre d’Art Contemporain vendue aux enchères à l’époque.
Parmi ses adjudications les plus récentes et remarquables, sa toile No. 7 de 1951 s’est vendue en 2021 pour 72m$ lors la dissolution de la collection Macklowe chez Sotheby’s, l’une des collections les plus chères jamais vendue aux enchères.
Avec ses 163m$ de chiffre d’affaires annuel (2022) pour seulement 14 œuvres vendues, Mark Rothko est l’un des 10 artistes les plus performants du marché de l’art mondial et son héritage artistique continue de fasciner.