Art et Tech : Qui mise encore sur les NFT (et à quels prix) ?

20/12/2024 Par Artprice
8 min de lecture

NFT, intelligence artificielle (IA), œuvres génératives, créations robotiques… la tech bouleverse la création artistique et secoue le marché de l’art. Trois ans après le boom des NFT, que reste-t-il de ce phénomène ? Et quid du marché de l’IA quelques semaines après la vente d’une peinture d’humanoïde ?

 

Nous en sommes aux prémices, mais la rencontre entre l’art tech et le marché des enchères est déjà pleine de rebondissements. La première œuvre créée par IA aux enchères remonte seulement à six ans, et le premier NFT à 2021. Le mois dernier, c’est l’annonce d’une peinture entièrement réalisée par un robot humanoïde qui est venue bouleverser encore les normes établies.

 

Quelles sont les réactions du marché face aux nouvelles perspectives de l’art tech?

 

Artprice vous aide à faire le point sur un marché en quête d’équilibre.

 

Entre curiosité et prudence face aux oeuvres NFT et IA

L’art généré par IA et les NFT perce dans les musées mais peine encore à trouver sa place dans les collections. Entre questionnements sur le droit d’auteur et sur la notion d’originalité concernant l’IA ou sur l’importance du “fait mains”, des réticences persistent, surtout parmi les collectionneurs traditionnels.

 

Pourtant, les lignes bougent ! Selon le dernier rapport Art & IA de l’assureur spécialisé Hiscox, l’intérêt pour l’art généré par IA se renforce : 40 % des collectionneurs d’art envisagent d’acquérir davantage de créations IA au cours des 12 prochains mois.

 

Pourrons-nous éviter une bulle spéculative?

Pour que cet intérêt se concrétise, le marché doit éviter les erreurs du passé, notamment l’éclatement d’une bulle spéculative comme celle des NFT en 2021. Rappelez-vous : en mars 2021, la vente spectaculaire du NFT de BEEPLE chez Christie’s pour 69,3 millions de dollars a fait l’effet d’une bombe, catapultant les NFT sur le devant de la scène des enchères. Pour les amateurs de blockchain et de crypto, c’était une révolution ; pour les sceptiques, une source de méfiance. Une chose est sûre : la déferlante NFT a enfin permis aux créations technologiques de faire parler d’elles à grande échelle, et aux maisons de ventes aux enchères de s’y intéresser de près.

 

Trois ans après la bulle, quid du marché des NFT?

La vente du premier NFT chez Christie’s a été un choc médiatique : pas moins de 22 millions de personnes se sont connectées pour suivre cet événement historique, et près de 60 % d’entre elles avaient moins de 40 ans. Cet évènement a ouvert un champ immense pour les grandes maisons de ventes, qui se sont précipitées dans la course aux NFT. Christie’s, Phillips et Sotheby’s ont rivalisé d’innovations pour séduire un public technophile et capter l’audience des acheteurs crypto.

Rapidement, leurs efforts ont porté leurs fruits : dans les mois suivant la vente de Beeple, le marché des NFT a révélé ses nouvelles stars – Yuga Labs, Larva Labs, Pak, ou Mad Dog Jones – avec des adjudications de 4 à 24,4m$ entre avril et septembre 2021.

 

En 2021, les NFT ont généré 232 millions de dollars aux enchères.
En 2024, 
le contraste est saisissant : les NFT ne rapportent plus que 9 millions de dollars, malgré un volume de ventes plus important.
La fièvre spéculative a laissé place à une réalité mesurée, un terrain plus stable pour bâtir des bases solides, loin des frissons du buzz.

 2021 232,4 m$ pour 316 NFT vendus

 2024 : 9,2 m$ pour 350 NFT vendus

 

SCERBO, NFT Higheyeungem (2023) Pandolfini Casa d'Aste, vente en ligne, avril 2024 : 1 340 $

SCERBO, NFT Higheyeungem (2023)
Pandolfini Casa d’Aste, vente en ligne, avril 2024 : 1 340 $

 

Qui misent encore sur les NFT (et à quels prix)?

Depuis l’éclatement de la bulle NFT, certains marchés pionniers ont mis un sérieux coup de frein. En France, 2024 sonne presque comme une année blanche : aucun NFT n’a encore trouvé preneur, un repli inattendu compte tenu des 60 ventes enregistrées en 2023.

À l’inverse, l’Italie reste audacieuse. Pandolfini Casa d’Aste, la maison italienne les plus actives sur ce segment, a enregistré 17 ventes de NFT en 2024. Ces enchères sont même idéales pour qui souhaite débuter une collection sans se ruiner, les prix oscillant entre 330 et 8 000 dollars.

Les États-Unis, eux, gardent une longueur d’avance écrasante. Avec 93 % des ventes mondiales de NFT en 2024 et un résultat cumulé de 8,9 millions de dollars, le marché américain reste le champion incontesté du secteur. Il s’y vend les NFT les plus cotés. Sotheby’s New York en a vendu trois à plus de 250 000$ cette année et Christie’s, deux, notamment pour FARXCOPY et Deekay KWON.

 

Répartition géographique du marché des NFT aux enchères depuis 2021 (©Artprice.com)

Répartition géographique du marché des NFT aux enchères depuis 2021 (copyright Artprice.com)

 

Christie’s, Sotheby’s et Phillips ont adopté une approche parcimonieuse mais bien ciblée, privilégiant des artistes numériques accessibles comme Hideki Tsukamoto et Michael Connolly, dont les œuvres s’échangent parfois pour moins de 400$. Quant à la meilleure adjudication de l’année, elle revient à Tony Tafuro, avec un montant de 441 000$, un record certes, mais bien loin des ventes millionnaires qui faisaient vibrer le marché il y a trois ans.

Cette rareté stratégique semble payante. En novembre, Sotheby’s Metaverse a concentré la demande en ne proposant que 16 lots et n’a déploré que deux invendus. Cependant, les enchères restent prudentes : si 97,5% des lots ont trouvé preneur, 31% d’entre eux ont été cédés à des prix nettement inférieurs aux estimations (notamment Zhuk, Carav4gio et Per Kristian Stoveland), signe d’une grande prudence de la part des acheteurs.

 

Refik ANADOL (1985), Machine Hallucinations (2021) NFT(ERC-721 émis sur la blockchain Ethereum. Digital NFT) Estimation: 10 860 $ - 16 290 $. Non vendu Blanchet & Associés, Paris, 04/04/2024

Refik ANADOL (1985)Machine Hallucinations (2021)
NFT(ERC-721 émis sur la blockchain Ethereum. Digital NFT)
Estimation: 10 860 $ – 16 290 $. Non vendu
Blanchet & Associés, Paris, 04/04/2024

 

L’IA : ses oeuvres, ses enchères

L’IA s’impose aujourd’hui comme un allié créatif redoutable et ses œuvres passent régulièrement aux enchères. De Refik Anadol à Emily Xie, en passant par David Ariew, Claire Silver, Roope Rainisto ou NiceAunties (dont une œuvre illustre la couverture de notre Rapport sur le marché de l’art contemporain 2024), de plus en plus d’IArtistes et de créations génératives franchissent les portes des salles de ventes.

Certaines œuvres, toutefois, captent l’attention de façon spectaculaire. Le 7 novembre 2024, Sotheby’s a ainsi adjugé la première peinture réalisée par un robot-artiste : un portrait d’Alan Turing, pionnier de l’IA, immortalisé par l’humanoïde Ai-Da. Dotée d’une IA autonome, Ai-Da est capable de prendre des décisions créatives et de peindre seule, sans intervention humaine. Ce portrait symbolique s’est envolé pour un million de dollars, bien au-delà de son estimation initiale de 120 000 à 180 000$.

Bien qu’Ai-Da ait déjà fait une apparition discrète en salle des ventes en 2020 avec une œuvre co-signée et vendue 21 000$ chez Christie’s, sa dernière adjudication marque un tournant : le portrait de Turing est la première œuvre entièrement autonome, sans influence humaine sur le choix des traits ou des couleurs.

 

AI-DA (2019), Portrait of Alan Turing (2024) Technique mixte/toile, 162,5 x 230 cm Sotheby's Metaverse, 11/2024 : 1 084 800 $

AI-DA (2019)Portrait of Alan Turing (2024)
Technique mixte/toile, 162,5 x 230 cm
Sotheby’s Metaverse, 11/2024 : 1 084 800 $

 

Ce contraste est saisissant par rapport au Portrait d’Edmond de Belamy, vendu en 2018 pour 432 500$ – un montant plus de 40 fois supérieur à son estimation. Cette création d’IA, fruit d’un GAN entraîné sur 15 000 portraits, avait été finalisée par les artistes du collectif OBVIOUS. L’œuvre, bien qu’innovante, restait une co-création.

Le portrait de Turing incarne ainsi une avancée majeure : pour la première fois, une machine se mesure aux codes de la peinture traditionnelle, produisant une toile de plus de deux mètres, bien loin des impressions numériques du passé. Cette prouesse artistique rappelle que l’IA n’imite plus simplement ; elle explore désormais, et redéfinit, les frontières de l’art.

La leçon est claire : il ne suffit plus d’un simple NFT ou d’une œuvre co-créée pour séduire les collectionneurs. L’innovation est la clé. Cette vente d’une œuvre peinte par un robot humanoïde marque l’époque en repoussant les limites du possible.
Au-delà de cette création hors normes, l’art tech poursuit sa route avec des prix raisonnés. Pour les amateurs d’art, c’est une opportunité en or : le terrain reste à explorer, loin du bruit médiatique, mais avec la promesse d’une aventure artistique riche en découvertes inédites et en nouvelles perspectives.

 

Bonus: le langage NFT décrypté

L’écosystème crypto et NFT possède son propre langage. De quoi s’y perdre à défaut d’y être initié… Décryptage de quelques termes essentiels du “parlé NFT”, qu’artprice avait déjà définis en 2021, pour s’y retrouver dans les méandres numériques de la blockchain et des crypto-monnaies : Le langage NFT décrypté.

 

Communiqué d'Artprice