Sujets religieux, scènes de bataille, natures mortes, portraits… Sotheby’s et Christie’s donnaient leurs premières grandes ventes new yorkaises la semaine dernière, dédiées aux maîtres anciens.
Difficile de prévoir la réception des œuvres de Maîtres anciens… D’un jour sur l’autre, le marché envoie des signaux contradictoires, réalisant des résultats très satisfaisants puis manquant considérablement de souffle quelques heures plus tard.
Le 1er février, Sotheby’s mettait en vedette plusieurs peintures espagnoles, dont un des premiers El Greco récemment découvert ; une nature morte luxuriante de Luis Meléndez ; des œuvres de Jusepe de Ribera et Bartolomé Esteban Murillo. Parmi les autres œuvres remarquables : un Gustav Bauernfeind tout juste sorti sur le marché et deux autoportraits redécouverts de Peter Paul Rubens et Anthony van Dyck, deux titans de l’art baroque du Nord. Certains chefs-d’oeuvre annoncés se sont certes vendus avec enthousiasme : The Western Wall de Gustav BAUERNFEIND déborde son estimation haute en partant pour 3,4m$ et Carlo CRIVELLI renouvelle son record personnelle pour son Apôtre sur fond d’or tenant un livre bleu (milieu des années 1470) vendu 300 000$ au-dessus de l’estimation haute, au prix final de 1,5m$.
Salomon VAN RUYSDAEL, Navires sur le Boven-Merwede avec Gorinchem au loin (1659)
Mais la majorité des résultats s’avèrent tièdes, parfois même décevants. Il en va ainsi des quatre œuvres vendues, parmi les cinq issues de la collection du Metropolitan Museum of Art, qui rapportent seulement 1,5m$ au Fonds d’acquisition du musée. La plus belle adjudication parmi les oeuvres de cette collection muséale (donc de provenance exceptionnelle) affiche 571 500$, pour le Portrait de Nancy Parson de Joshua REYNOLDS, ce qui n’a rien d’exceptionnel compte tenue d’une estimation annoncée entre 600 000 et 800 000$. Le label muséal n’a pas suffit à pousser les prix avec entrain.
Sotheby’s a aussi manqué d’enchérisseurs pour la plus belle nature morte de sa vente, celle aux artichauts et tomates réalisée par Luis MELENDEZ qui est partie pour son estimation basse à deux millions de dollars, lorsqu’elle aurait pu en atteindre trois. Quant aux Navires sur le Boven-Merwede avec Gorinchem au loin (1659) de Salomon VAN RUYSDAEL, ils perdent de la valeur au prix de 1,99m$, comparé à une précédente vente à plus de 2,2m$ en 1995. Il est vrai que le prix de l’œuvre avait totalement flambé en 1995 (environ quatre fois l’estimation) pour établir à l’époque le record d’adjudication de Van Ruysdael. Néanmoins, deux œuvres du même acabit ont allègrement dépassé les deux millions dans les années 2010.
Le manque d’énergie de cette grande reprise des ventes est plus probant face à deux invendus concernant des oeuvres phares du catalogue Sotheby’s : un Autoportrait de Rubens en jeune homme (estimé entre 3 et 5 m$) et La Sainte Famille avec un jeune Saint Jean-Baptiste de Bartolomé Esteban Murillo (entre 400 000 et 600 000$) qui n’était passé en salle des ventes jusqu’alors.
Carlo Crivelli, Apostle Holding a Book
Des résultats en dents de scie
Il paraît étonnant que d’un jour sur l’autre, les mêmes artistes réalisent des résultats totalement différents : enthousiastes un jour puis décevants le lendemain. Le cas, qui s’est répété pour des œuvres majeures présentées par les deux maisons de ventes, peut laisser circonspect.
Le 31 janvier, un dessin de Anthonius VAN DYCK (1599-1641) double (image ci-contre) son estimation moyenne chez Christie’s et signe au passage le nouveau record personnel pour une œuvre sur papier de l’artiste à 2,1m$ (Portrait of Willem Hondius). Pourtant, le lendemain chez Sotheby’s, une œuvre plus importante, s’agissant d’un puissant autoportrait peint (et non dessiné) du même artiste, part sans élan dans son estimation moyenne, pour 2,4m$. Autre exemple avec deux oeuvres exceptionnelles de Giovanni SER GIOVANNI DI SIMONE n’ayant pas reçu le même accueil d’un jour sur l’autre bien que de dimensions et d’importance similaire : l’histoire de Coriolanus réalise le meilleur score de la vente de prestige de Christie’s le 31 janvier, en atteignant 1,56m$. Le résultat est louable sans être extraordinaire puisque l’œuvre reste dans son estimation moyenne et que son prix ne bouge absolument pas comparé à une précédente vente aux enchères opérée en 2010, déjà chez Christie’s. Mais le lendemain, l’oeuvre de Giovanni di Ser Giovanni Guidi que présente Sotheby’s, une toile encore plus dense que la première et qui raconte cette fois le triomphe de Lucius Aemilius Paullus, plafonne à 825 500$ alors qu’il en était légitimement attendu entre 1 et 1,5 millions de dollars.
Giovanni di Ser Giovanni Guid, The Story of Coriolanus: a cassone front
Les bonnes surprises de ces ventes – celles de Gustav Bauernfeind et de Carlo Crivelli citées plus haut chez Sotheby’s; mais aussi le record pour une oeuvre sur papier d’Anthony van Dyck et une toile d’Artemisia GENTILESCHI vendue presque 400 000$ au-dessus de l’estimation haute chez Christie’s (Saint John the Baptist in the Wilderness, 982 800$) – paraissent chiches pour un démarrage de l’année en beauté. Le marché de prestige semble encore en sommeil, dans l’attente qu’il se réveille pour les grandes ventes londoniennes de mars.