Le 7 novembre 2012, alors que New York essuyait encore les ravages causés par l’ouragan Sandy et que Barack Obama célébrait sa ré-élection, la prestigieuse maison de ventes Christie’s donnait l’une des plus importantes ventes de l’année : celle d’art impressionniste et moderne.
Quelques heures avant l’ouverture de cette grande vente du soir, l’indice de confiance du marché de l’art invitait certes à l’optimisme (5 points de plus et des intentions d’achat touchant plus de 70 % des votants), mais pas autant que Christie’s, qui espérait dépasser les 250 m$ de recette. Si le résultat final est en deçà de leurs espérances (179,8 m$), il est néanmoins tout à fait honnête par rapport à la cession 2010 (180,4 m$) et relègue la mauvaise expérience de 2009 (56,8 m$) au rang de mauvais souvenir.
Les 10 plus belles enchères ont récompensé Pablo PICASSO et Alberto GIACOMETTI par trois fois, Constantin BRANCUSI, Joan MIRO et, bien sûr, les très attendus Claude MONET (meilleur résultat de la vente grâce aux Nymphéas adjugés 39 m$) et Wassily KANDINSKY pour qui ce 7 novembre 2012 est le jour d’un nouveau record mondial à hauteur de 20,5 m$ . Studie für Improvisation 8 franchit en effet de peu son estimation basse mais enterre un sommet vieux de 12 ans à 19 m$ enregistré le 17 mai 1990 chez Sotheby’s New York. Les prix des modernes sont revenus au plus haut : il faut remonter le temps de 22 ou 23 années pour trouver des résultats d’enchères similaires sur certaines pièces. Cela est valable sous des signatures abstraites (comme Kandinsky) mais aussi sur les maîtres modernes comme Picasso ou Henri MATISSE. L’adjudication à 700 000 $ du sublime mais petit bronze d’Henri Matisse,La Tiaré (20,3 cm), est son record pour une sculpture si petite… record avec lequel flirtaient déjà les enchérisseurs en 1989, lorsqu’Henriette III, (20 cm) s’est vendue l’équivalent de 644 000 $ chez Sotheby’s New York.
Signe des temps, le Top 10 de Christie’s révèlent que les deux Picasso les plus chers ont été acquis par des acheteurs asiatiques : Buste de femme à 11,6 m$ et la Femme au chien à 5 ,6 m$.
Sur les neuf Picasso proposés lors de cette vente, cinq sont millionnaires, trois font partie du Top 10 et trois sont restés invendus. Que le tiers des Picasso offerts essuient des échecs de vente n’est pas anodin : les acheteurs sont sélectifs, informés, prudents et n’achètent pas à n’importe quel prix. Ils ont notamment rejeté la sculpture en bronze d’un jeune Coq, dont l’estimation était comprise entre 10 m$ et 15 m$. Cette retenue est compréhensible quand on sait que seules deux sculptures de Picasso sont parvenues aux 10 m$ dans l’histoire des enchères, deux sculptures qui de surcroît étaient plus grandes et plus rares sur le marché : Tête de femme, Dora Maar a été éditée à 2 exemplaires et La Grue à 4 alors que le Coq a été édité à 6 exemplaires.
Du côté de chez Sotheby’s, trois toiles de Picasso n’ont pas trouvé l’écho escompté : le Plant de Tomate (1944) paraissait trop cher en 2012 dans sa fourchette d’estimation de 10 m$ à 15 m$, malgré une adjudication à 12 m$ en 2006 chez Christie’s le 8 novembre 2006. En août 1944, le maître a peint à neuf reprises ce plan de tomates (au rythme de près d’une toile par jour) puis en l’espace de sept ans, le prix de ces « pommes d’amour » se voyait révisé au décuple (passant de 1,9 m$ en 1999 à 12 m$ en novembre 2006). Il arrête donc là son ascension. Qu’importe, c’est encore à Pablo Picasso que Sotheby’s doit la moitié des recettes de cette grande vente du 8 novembre. Six coups de marteau (quatre pour des peintures et deux pour des dessins) ont en effet permis à la société de ventes aux enchères de dégager 72,27 m$ (hors frais) contre 70,33 m$ générés par la vente de 40 autres lots.
A défaut d’un véritable record absolu, signalons tout de même l’extraordinaire envolée d’un dessin à l’encre toujours signé Picasso et intitulé Le Viol (1940), qui doublait son estimation haute pour une enchère gagnante de 12 m$.
A ce niveau de prix, Le Viol s’inscrit à la troisième place des meilleures adjudications de Picasso pour un dessin et à la meilleure place pour un dessin non rehaussé à la gouache. Cette oeuvre signe l’un des quatre coups de marteau à plus de 10 m$ pour Sotheby’s pour cette cession tandis que Christie’s en enregistrait six la veille.
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