A l’heure où la compétition est de mise sur le marché de l’art, compétition entre les grandes sociétés de ventes, entre les pays souhaitant rester ou devenir des places fortes, entre les artistes pour savoir qui l’emportera sur l’autre ; à l’heure ou le marketing, les effets de mode et l’hypermédiatisation du secteur haut de gamme s’imposent, qu’en est-il réellement des niveaux de prix aux enchères ?
L’art n’est pas inabordable. Il n’est pas un bien exclusivement réservé aux investisseurs bien conseillés et aux initiés fortunés.
Le marché demeure, dans sa grande majorité, un terrain propice aux petits et moyens portefeuilles, avec des occasions d’acquisitions à moins de 5 000 $ qui constituent le plus large panel de l’offre. Les oeuvres adjugées moins de 5 000 $ concernent aujourd’hui 70 % du marché mondial, une part qui se délite à l’aune de la décennie (-5 points depuis 2013) tant les enchères sont portées hautes en Chine et aux Etats-Unis, les deux premières places de marché haut de gamme. Ne croyez pas que cette gamme de prix soit réservée aux seuls « seconds couteaux », aux artistes régionaux ou aux jeunes recrues contemporaines faisant leurs premiers essais en salles de ventes. Il n’en est rien. Les oeuvres accessibles pour moins de 5 000 $ concernent des signatures aussi célèbres et hautement cotées que le maître du XVIIème siècle REMBRANDT VAN RIJN (plus de 60 % des lots vendus moins de 5 000 $. Il s’agit de gravures pour lesquelles il est recommandé de prêter attention à la qualité et à la date des épreuves), la star des photographes japonais Nobuyoshi ARAKI (plus de 80 % des lots vendus grâce à la pléthore de Polaroïds, qui présentent l’avantage d’être des oeuvres originales et uniques), le leader Nouveau réaliste CÉSAR (plus de la moitié des lots vendus) ou la grande artiste franco-américaine Louise BOURGEOIS (40 % des lots, les gravures, sont vendus moins de 5 000 $).
C’est en Europe que l’offre « abordable » est la plus dense et la plus intéressante. De petits trésors sont régulièrement dénichés dans les petites maisons de ventes régionales, ou à Drouot, premier réservoir d’oeuvres d’art en France, qui réunit 74 Sociétés de Ventes Volontaires et offre quelques 500 000 objets et oeuvres à la vente chaque année. Outre les pièces historiques pour lesquelles la France demeure un grenier (à défaut d’une véritable caverne d’alibaba), des pans entiers de l’art du XXème siècle se retrouvent sous-cotés. Puisque la majorité des artistes européens (hormis quelques leaders anglais et allemands) et surtout des artistes français, sont à l’abri de la spéculation, ils demeurent une force vive et abordable pour les amoureux d’art désireux d’acquérir des signatures déjà reconnues et des oeuvres en phase avec leur temps.
Citons par exemple Gérard GAROUSTE , dont la dernière grande toile proposée en salle a recueilli 16 000 euros (environ 22 000 $, Sans titre, 1974, Artcurial Paris, le 5 mai 2014) et dont le dernier dessin à l’encre s’est vendu seulement 700 euros (soit 963 $, Personnages, 1987, Beaussant-Lefevre SARL, Paris, 18 décembre 2013) ; citons encore Jean-Michel ALBEROLA, associé à la Figuration libre , dont une gouache de plus d’un mètre se vendait l’équivalent de 5 300 $ en avril 2014 (La Main qui tient, 1998, 112 cm x 91.5 cm, Tajan Paris, 29 avril 2014), ou Ivan MESSAC, qui fut le plus jeune artiste associé à la Figuration Narrative , et dont une acrylique sur papier de 1975 changeait de mains pour 2 200 $ seulement, à Versailles en avril 2014 également (American Indian Movement, 44 cm x 43.5 cm, Versailles enchères, 27 avril 2014)…
Autant d’artistes qui font partie des grands musées nationaux et de l’histoire de l’art du XXème, tout en demeurant loin, très loin, du flot d’argent généré par leurs cadets américains ou chinois. En-dehors des signatures stars et des effets de mode, toutes les scènes artistiques européennes (et pas seulement les « émergentes ») sont à explorer ou à redécouvrir, d’autant plus aisément que l’accès à l’information n’a jamais été si rapide et aisé.