Matisse et Picasso, Haring et Basquiat, Warhol, Richter et Banksy… les planches les plus cotées de 2021 illustrent l’autorité des œuvres modernes et contemporaines sur les planches historiques. Une tendance d’autant plus marquée que Banksy devance ses aînés Warhol, Basquiat, Matisse et même Picasso, avec un nouveau record personnel (catégorie estampe) établi cette année à 2,8m$ pour Girl with Balloon. Le prix de cette planche surpasse désormais des Flowers de 1970 du roi du Pop art Andy Warhol.
On sent là un revirement dans les préférences du marché avec un goût marqué des collectionneurs pour des artistes plus jeunes et plus en phase avec notre époque, certes. Mais il est bon de rappeler que Girl with Balloon constitue un cas particulier, étant devenu l’un des “motifs” les plus emblématiques du Marché de l’Art depuis que la version peinte (unique) de Girl with Balloon emportait un prix record de 25,4m$ le 14 octobre, soit trois ans après s’être autodétruite lors d’une vente de Sotheby’s (voir notre article : Artiste vivant le plus performant, Banksy revient sur le devant de la scène).
Les 10 estampes les plus chères en 2021 (de janvier à fin octobre)
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2,8m$ – BANKSY, Girl with Balloon (Sotheby’s Londres)
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2,6m$ – WARHOL, Flowers – 1970 (Van Ham Kunstauktionen, Cologne)
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2,2m$ – PICASSO, Séries 347 – 1968 (Christie’s New York)
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1,59m$ – HOKUSAI, Kanagawa oki nami ura (Christie’s New York)
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1,5m$ – RICHTER, Strip – 2011 (Christie’s Londres)
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1,5m$ – BANKSY, Girl with Balloon Colour AP (Gold) (Sotheby’s Londres)
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1,5m$ – Henri MATISSE, Océanie, la mer – 1946/48 (Sotheby’s Londres)
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1,3m$ – RICHTER, Strip – 2012 (Christie’s Londres)
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1,2m$ – Keith HARING, Andy Mouse – 1986 (Ketterer Kunst GmbH, Munich)
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1,1m$ – Jean-Michel BASQUIAT, Back of the Neck – 1983 (Sotheby’s Londres)
La Vague de Kanagawa : la plus contemporaine des oeuvres anciennes
Seul le maître japonais Hokusai se hisse parmi les adjudications les plus remarquables de l’année (janvier-octobre 2021) avec une œuvre iconique – qui se trouve être l’une des images les plus célèbres à travers le monde – à savoir la fameuse Vague de Kanagawa. Une planche rare de cette Grande vague (Kanagawa oki nami ura datée vers 1831) a atteint 1,59m$ il y a quelques mois à New York, soit dix fois au-delà d’une estimation basse de 150 000$.
HOKUSAI (1760-1849) appartient certes à la catégorie des “Maîtres anciens”, mais sa modernité eut une influence décisive sur l’évolution de l’art européen, notamment sur Vincent Van Gogh et Claude Monet. La Grande Vague est par ailleurs très présente dans notre culture populaire contemporaine, que ce soit sous forme de produits dérivés ou d’une émoticône bien connue. La Vague de Kanagawa paraît dès lors difficile à classer comme une œuvre “ancienne” en soi, tant elle est vivante aujourd’hui.
Hokusai version NFT
190 ans après sa création, la Vague d’Hokusai a par ailleurs fait l’objet d’un NFT avec le cachet du British Museum et la complicité de la start-up française LaCollection.io. Le 30 septembre dernier, le British Museum s’est en effet lancé dans la production de 200 NFT d’après des œuvres d’Hokusai, parallèlement à son exposition “Hokusai : The Great Picture of Everything”, présentée au British Museum jusqu’au au 30 janvier 2022.
Les œuvres ont été produites et classées en différentes catégories selon leur critère de rareté, soit selon le nombre de NFT créés par image. La Grande Vague de Kanagawa numéro 1/10 (catégorie “super rare”) a atteint le prix de 45 000$ (10,6 ETH).
Cette première réussite confirme l’émergence d’une demande pour des œuvres digitales “estampillées” par les grands musées. Indéniablement, la production de NFT par le British Museum, le musée de l’Hermitage ou celui des Offices (premier grand musée à éditer un NFT d’après ses collections avec une version numérique du Tondo Doni de Michel-Ange) apporte une légitimité au marché des NFT, tout en promettant des rentrées d’argent bienvenues après les pertes économiques dues aux longues périodes de fermeture des musée pendant les confinements. de plus, cette manne économique pourrait s’étendre dans les années à venir puisqu’il est prévu, en cas de revente d’un NFT sur le marché secondaire, que 10% reviennent au British Museum et 3% à LaCollection.io.
Un marché de plus en plus soutenu à l’avenir ?
Au début de ce mois de novembre, Hokusai se retrouve classé parmi les 200 artistes mondiaux les plus importants du marché de l’art mondial – toutes catégories de création confondues – selon un résultat de ventes aux enchères supérieur à 6 millions de dollars.
Le record millionnaire obtenu en mars dernier pour la Vague de Kanagawa compte pour beaucoup dans ce résultat exceptionnel mais il faut aussi préciser que la demande est particulièrement soutenue pour toute belle estampe d’Hokusai. Sur les cinq dernières années en effet, le nombre de ses œuvres vendues aux enchères a doublé, voire triplé, comparé à l’activité enregistrée avant 2017.
Il est probable que la demande soit encore dopée sur le marché traditionnel des enchères par l’arrivée de plusieurs NFT d’Hokusai sur le marché, des NFT produits par le très sérieux British Museum avec l’aide de LaCollection comme indiqué précedemment. L’existence de tels NFT pour cet artiste « historique » permet a priori d’élargir la clientèle, les œuvres digitales s’adressant aujourd’hui majoritairement à une nouvelle génération d’acheteurs. Or, si ces nouveaux acheteurs connaissaient certainement l’image emblématique de la Grande Vague de Kanagawa tant elle est populaire, ils n’avaient peut-être pas conscience de la place majeure tenue par l’artiste dans l’histoire de l’art mondiale. Ils n’étaient certainement pas enclins à manifester de l’intérêt pour des œuvres “physiques” de l’artiste avant d’en passer par le marché digital… Un « rare » NFT de la Grande Vague ayant été vendu pour 45 000$, l’avenir dira si les acheteurs d’un Hokusai digitalisé peuvent aussi devenir de nouveaux adeptes de l’acquisition d’œuvres d’art « physiques ».
Crédit photo : Evolution du produit de ventes aux enchère pour Hokusai : un résultat record en 2021 (copyright Artprice.com)
Focus sur les 36 vues du Mont Fuji
La Grande vague de Kanagawa fait partie d’une série baptisée les 36 vues du Mont Fuji, commencée par Hokusai vers 1830, à l’approche de sa huitième décennie et au sommet de sa carrière. La série de gravures sur bois représentant le mont Fuji – la plus haute montagne du Japon. Chaque image montre la montagne selon un point de vue différent et sous diverses conditions météorologiques. Plus tard, Hokusai ajoute 10 autres gravures à l’ensemble, portant le total à 46, et plusieurs années plus tard, il achève un deuxième volume de 100 vues de la montagne.