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Contrôle et contentieux

La fragilisation de la présomption de prêt familial par l'existence d'un lien professionnel indirect

Nouvel éclairage sur les conditions dans lesquelles un contribuable peut démontrer qu'une somme d'argent reçue constitue un prêt familial non imposable plutôt qu'un revenu d'origine indéterminée soumis à taxation. Cette décision nous rappelle la nécessité pour les contribuables de formaliser avec rigueur leurs opérations financières intrafamiliales.

 

Pour mémoire, la procédure de taxation d'office pour revenus d'origine indéterminée trouve son fondement dans :

  • L'article L. 16 du LPF qui permet à l'administration fiscale de demander au contribuable des éclaircissements ou des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir bénéficié de revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés.
  • L'article L. 69 du LPF qui prévoit quant à lui que sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16.

En application de l'article L. 192 du LPF, dans une telle situation de taxation d'office, la charge de la preuve est renversée : il incombe au contribuable de démontrer le caractère exagéré des sommes imposées. Pour ce faire, il doit établir soit que les sommes en cause ne constituent pas des revenus imposables, soit qu'elles se rattachent à une catégorie déterminée de revenus ayant déjà supporté l'impôt ou bénéficiant d'une exonération.

 

La jurisprudence a progressivement dégagé une présomption favorable au contribuable dans le cas particulier où la somme provient d'un membre de sa famille : dans cette hypothèse, le contribuable est réputé établir que la somme a pour cause un prêt ou une libéralité échappant à l'impôt sur le revenu, sauf lorsqu'il est avec l'auteur du versement, à un titre quelconque, en relation d'affaires.

 

Par ailleurs, s'agissant spécifiquement des prêts, l'article 49 B de l'annexe II au CGI fixe les conditions de forme que doivent respecter les actes constatant les prêts, notamment l'obligation de déclarer les conditions du prêt : durée, taux et périodicité des intérêts, modalités de remboursement.

 

 

Rappel des faits :

M. C. A. a fait l'objet d'un ESFP portant sur les années 2017, 2018 et 2019. À l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a procédé à une taxation d'office de revenus d'origine indéterminée en application des articles L. 16 et L. 69 du LPF, en l'absence de réponse du contribuable à la demande d'éclaircissements qui lui avait été adressée.

Les redressements ont porté sur les sommes de 29 000 € et 6 500 € versées à M. A. respectivement les 30 octobre 2018 et 30 novembre 2019 par Mme B. Ces sommes ont été considérées par l'administration comme des revenus d'origine indéterminée et ont été réintégrées dans l'assiette imposable du contribuable. Les impositions supplémentaires ont été assorties d'une pénalité de 40% pour manquement délibéré concernant l'année 2018, et d'une pénalité de 40% pour dépôt tardif de la déclaration de revenus concernant l'année 2019.

M. A. a contesté ces redressements devant le TA de Lyon, qui a rejeté sa demande par jugement du 19 décembre 2023. Il a alors fait appel devant la CAA de Lyon.

 

M. A. soutenait que les sommes versées par Mme B. correspondaient à des prêts familiaux qui ne pouvaient être imposés en tant que revenus d'origine indéterminée. Pour établir cette qualification, il se prévalait :

  • De deux déclarations de prêt établies avec Mme B., mentionnant une adresse commune ;
  • D'une attestation de vie commune délivrée par le maire de la commune de Montbrison le 5 février 2024 (postérieurement aux rectifications en litige).

 

La Cour administrative d'appel de Lyon vient de rejetter la requête de M. A.

 

Dans un premier temps, elle a examiné si le contribuable pouvait bénéficier de la présomption de prêt familial.

 

La Cour constate que plusieurs éléments font obstacle à l'application de cette présomption :

  • L'absence de preuve d'une résidence commune avec Mme B., les documents produits par l'administration (relevés bancaires et avis d'imposition) indiquant une résidence à Montverdun et non à Montbrison comme le prétendait le contribuable ;
  • Le caractère tardif de l'attestation de vie commune, délivrée postérieurement aux rectifications en litige ;
  • La disproportion entre les revenus déclarés par Mme B. et les montants des prêts allégués, confirmée par le fait qu'elle a dû elle-même s'endetter pour pouvoir prêter 29 000 € à M. A. ;
  • L'existence d'une relation d'affaires entre les intéressés, Mme B. étant en 2019 salariée de la société NZ Autos, dont M. A. était associé et dirigeant.

La Cour en conclut que le contribuable ne pouvait se prévaloir de la présomption de prêt familial pour établir le caractère non imposable des sommes en litige.

 

Dans un second temps, la Cour a examiné la valeur probante des reconnaissances de dettes et de prêts produites par M. A.

 

Elle relève plusieurs lacunes formelles qui affaiblissent la force probante de ces documents :

  • L'absence d'enregistrement, qui prive ces actes de date certaine ;
  • Le non-respect des exigences posées par l'article 49 B de l'annexe II au CGI, notamment l'absence de mention de la durée des prêts ;
  • L'imprécision des modalités de remboursement, les actes se bornant à prévoir que les prêts seraient remboursés "selon les capacités de l'emprunteur" ;
  • L'absence ou l'imprécision des modalités relatives aux intérêts (seul l'acte daté du 30 octobre 2018 indiquait un taux d'intérêts, sans préciser de périodicité).

La Cour en conclut que ces reconnaissances de dettes ne permettent pas d'apporter la preuve que les sommes en litige seraient constitutives de prêts et n'auraient pas le caractère de revenus imposables.

 

TL;DR

  • Concernant la présomption de prêt familial : La Cour en rappelle les limites et conditions d'application.
    • cette présomption est écartée en présence d'une relation d'affaires entre le prêteur et l'emprunteur.
    • La notion de relation d'affaires est interprétée largement, puisqu'en l'espèce, la simple qualité de salariée de la société dirigée par le contribuable suffit à caractériser une telle relation.
    • Par ailleurs, la Cour semble considérer que l'important écart entre les revenus du prêteur et le montant du prêt constitue un indice sérieux permettant de douter de la réalité de l'opération de prêt.
  • Concernant les exigences formelles relatives aux prêts : L'arrêt rappelle l'importance

    d'une formalisation rigoureuse des prêts familiaux. Il met en lumière les précautions à prendre pour éviter la requalification en revenus d'origine indéterminée :

    • Formaliser le prêt par un acte écrit respectant toutes les exigences de l'article 49 B de l'annexe II au CGI ;
    • Procéder à l'enregistrement de l'acte pour lui conférer date certaine ;
    • S'assurer de la cohérence entre les revenus du prêteur et le montant du prêt ;
    • Être particulièrement vigilant en présence d'une relation d'affaires, même indirecte, entre le prêteur et l'emprunteur ;
    • Mettre en place et documenter un véritable échéancier de remboursement, respecté dans les faits.

 

Publié le vendredi 25 avril 2025 par La rédaction

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