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Contrôle et contentieux

Affaire Wendel-Editis : pas de requalification possible sans recours à la procédure de l'abus de droit fiscal

Dans 3 décisions du 14 février 2019, la Cours Administrative d’Appel de Paris vient de rejeter un recours du ministre de l’économie et des finances au motif que l’administration fiscale ne pouvait requalifier une fraction de plus-value mobilière en complément de salaires sans avoir recours à la procédure de l’abus de droit fiscal prévu par l’article L64 LPF.

 

L’article L. 64 du LPF définit l’abus de droit comme suit :

« Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

La procédure de l’abus de droit fiscal concerne tous les impôts et peut être mise en œuvre indifféremment lorsque la situation constitutive de l’abus porte sur l’assiette, la liquidation de l’impôt ou son paiement.

Rappel des faits

La société Wendel Investissement a acquis le 30 septembre 2004 le groupe Editis Holding, qu’elle a revendu le 30 mai 2008 au groupe espagnol Planeta.

Parallèlement, elle a mis en place des instruments juridiques et financiers visant à associer à cette opération certains de ses cadres dirigeants, afin de leur permettre d’appréhender, au travers de prises de participations, une partie du gain réalisé lors de la revente d’Editis en 2008.

M. B, directeur financier et membre de la direction générale du groupe Wendel, a ainsi, les 27 décembre 2004 et 16 novembre 2005, acquis 2000, puis 250 actions de préférence de la société CDO, constituée à cet effet et conçue comme un véhicule d’investissement, au prix unitaire de 20 euros, qu’il a cédées à leur prix de revient, le 18 décembre 2007, à la société civile des Trois Chênes, créée avec son épouse le 11 avril 2007, et dont il était le gérant.

Cette société a, le 20 mai 2008, cédé ses actions de préférence à la société Ofilux Finances pour un montant total de 1 430 548 euros et a ainsi réalisé un gain net de 1 385 548 euros. La plus-value correspondante a été placée sous le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières dans la déclaration de revenus souscrite par M. et Mme B au titre de l’année 2008.

A la suite d’un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B, le service a considéré que le gain ainsi réalisé constituait, à concurrence de 63,54 % de son montant, un complément de salaire accordé à M. B… à raison des fonctions qu’il exerçait alors au sein du groupe Wendel, dès lors qu’il résultait, dans cette proportion, du mécanisme d’investissement mis en place, financé et contrôlé par le groupe Wendel, et qu’il n’avait demandé de la part de M. B qu’un investissement limité et non risqué.

Il a, en conséquence, taxé cette fraction du gain, s’élevant à la somme de 880 377 euros, dans la catégorie des traitements et salaires et mis en recouvrement une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu assortie des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré, sur le fondement de l’article 1729 du CGI.

Par un jugement en date du 12 juillet 2016, le TA de Paris, faisant droit à la demande de M. B a prononcé la décharge de cette imposition.

Le ministre de l’économie et des finances relève appel de ce jugement.

 

Le recours du ministre de l’économie et des finances est rejeté.

Il résulte de l’instruction que la société civile des Trois Chênes, dont M. et Mme B étaient les associés et à laquelle ils ont cédé, le 18 décembre 2007, les actions de préférence de la société CDO pour leur valeur d’origine, n’a pas opté pour son assujettissement à l’impôt sur les sociétés.

Elle n’était, par nature, pas salariée du groupe Wendel ni d’aucun autre employeur. Par suite, le service, qui n’a pas entendu écarter l’interposition de la société des Trois Chênes comme ne lui étant pas opposable, sur le fondement de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales , au motif qu’elle présentait un caractère fictif ou que sa création répondait à un but exclusivement fiscal en vue d’une application littérale de textes ou de décisions en méconnaissance des objectifs de leurs auteurs, ne pouvait pas requalifier en complément de salaire, même pour partie, le gain dégagé par la cession des titres CDO à la société Ofilux Finances par la société des Trois Chênes, et ce, alors même que M. B…, qui contrôlait et dirigeait cette société, exerçait lui-même une activité salariée au sein de la société Wendel.

En conséquence, c’est à tort que le service a requalifié une fraction de cette plus-value en complément de salaires et qu’il l’a, par suite, imposée entre les mains de ses associés dans la catégorie des traitements et salaires.

 

Publié le lundi 18 février 2019 par La rédaction

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