Le dernier rapport annuel 2015 sur l’état du climat de l’Organisation météorologique mondiale ne fait que confirmer une réalité dont nous avons bien conscience : le climat est en train de changer, apparemment pas que pour le meilleur, au contraire et surtout, pour le pire…
Ce pire se manifeste déjà à travers les inondations, typhons, sécheresses, feux de forêts, montées des eaux, que nous pouvons observer partout dans le monde. Depuis plusieurs années, des réflexions et des initiatives visant à transformer notre monde, nous décentraliser de celui-ci et remettre la Nature au coeur des préoccupations commencent à émerger mais nous ne réfléchissons pas assez vite et nous n’agissons pas assez vite.
Par exemple, les réflexions sur la fiscalité environnementale se concentrent bien souvent autour de la taxe carbone et sont reléguées au second plan, bien après les discussions autour l’impôt sur la fortune (ISF) ou de la fusion ou non de la contribution sociale généralisée (CSG) et de l’impôt sur le revenu. Pourtant, l’horizon que celle-ci peut offrir n’est-il pas plus grand ? Comment la fiscalité pourrait-elle et doit-elle aider à protéger l’environnement, à accompagner le changement des mentalités et des comportements ?
La fiscalité environnementale.[1] et ses quatre composantes - énergie, transport, pollution et ressources - a déjà fait ses preuves sur sa capacité à influencer le comportement des acteurs économiques et des citoyens pour diminuer leur emprunte environnementale. Elle les incite aussi à innover pour développer des outils industriels moins polluants afin de réduire leurs taxes environnementales.
Cependant, le poids de cette fiscalité dans l’économie reste aujourd’hui assez faible (entre 0,7% à 3,9% du PIB dans les pays de l’OCDE) comparé à la pression fiscale sur le travail et les entreprises qui freine l’investissement et l’innovation (entre 18 et 30% du PIB dans les pays de l’OCDE).
À côté de l’échec politique sans précédent - voire humiliant pour la France- de l’éco taxe, de timides initiatives politiques françaises comme la création du comité pour l’économie verte qui a pris la suite du comité pour la fiscalité écologique institué en 2012 voient le jour, mais la question reste de savoir si nous utilisons pleinement tous les outils à disposition pour penser cette fiscalité environnementale ? Où est le numérique ? Comment utilisons-nous les innovations qui se multiplient dans ce domaine ? Ne pourrions-nous pas nous saisir des opportunités que présentent ce numérique et ces innovations pour développer cette fiscalité et en faire également davantage un outil de prise de conscience et d’influence des comportements ?
En réalité, associer la fiscalité environnementale au numérique est une idée assez peu développée. Cette association - fiscalité et numérique - s’est résumée ces dernières années aux réflexions – indispensables – sur l’évasion fiscale internationale.[2]. Le numérique a donc été présenté comme l’ennemi de la fiscalité, comme un terroriste faisant exploser nos finances publiques, un moyen béni des multinationales pour échapper à cette fiscalité, n’étant pas assez mûre ou trop vieille pour le comprendre et le capter.
Or, pourquoi ne pourrions-nous pas penser le numérique au service de la fiscalité ? Et encore plus, de la fiscalité environnementale ? Cette association pourrait faciliter et accélérer la transition vers une fiscalité qui pèserait moins sur les salaires et plus sur nos comportements quotidiens tout en continuant à garantir l’égalité et l’équité entre les citoyens et en particulier, pour la France, le respect de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Nous disposons de toute la matière grise et outils nécessaires pour les mettre en place. Des applications se développent déjà pour calculer nos émissions de CO2 dans l’air , la qualité de l’air.[3] dans les villes.[4], les poubelles connectées aident à trier et pourraient peser les quantités de déchets produits par foyer.[5], les objets de nos maisons deviennent de plus en plus connectés et pensés au service de l’efficacité énergétique, les instruments financiers deviennent plus « verts »…
Les entreprises ont aussi pris les devants comme le montre la création par ENGIE de sa Digital Factory et en particulier son partenariat avec C3 IoT, un des leader de la Sillicon Valley dans le domaine du big data et de l’analyse de données. Le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, pourrait aussi mener ces réflexions à travers son incubateur Green Tech, créé en mars 2016 au service de la transition énergétique.
Le big data, les applications et plus généralement l’Internet des objets devraient ouvrir de nouvelles perspectives pour repenser la fiscalité et en particulier, la fiscalité environnementale.
D’ailleurs, la réforme de la fiscalité des ménages notamment, ne devrait pas être isolée de celle de la réforme de la fiscalité environnementale ni de la révolution du numérique.
Faire en sorte que la fiscalité environnementale soit un élément essentiel et non à côté, de la grande réforme fiscale dont la France a besoin n’est ni une lubie ni une utopie. Elle pourrait même peut être même être un des vecteurs d’acceptabilité de celle-ci, les citoyens devenant les témoins et victimes du changement climatique. Comment les citoyens, qu’ils soient entreprises ou individus, ne consentiraient-ils pas à cette imposition qui a pour objectif de préserver leur environnement c’est-à-dire leur vie ?
Le système fiscal est, dans une certaine mesure le reflet d’un projet de société.
Aujourd’hui, de quel projet de société notre système fiscal est-il le reflet ? Notre projet politique est flou (litote) et par conséquent, nous sommes face à un mur quand nous nous efforçons de repenser ce système fiscal… En tant que fiscalistes, accompagnons les hommes politiques vers l’ambition qui devrait être la leur.
Notre économie est numérique et notre objectif est une économie circulaire alors pensons la fiscalité à travers ces prismes.
Commencer à penser la fiscalité environnementale dans le coeur de la réforme fiscale et avec l’Internet des objets et non en aparté, ne serait pas prendre de l’avance, mais rattraper notre retard.