Pour la société qui fait face à un besoin de trésorerie, il peut être nécessaire de récupérer des sommes qu’elle a déposées sur un contrat d’assurance-vie. Dans ce cas, elle peut soit demander une avance sur les sommes déposées soit demander un rachat partiel du contrat souscrit. Ces options, si elles permettent toutes deux de bénéficier d’un supplément ponctuel de trésorerie, ne doivent toutefois pas être confondues.
L’arrêt commenté du Conseil d’Etat en date du 14 février 2014 (CE 14 fév. 2014, 8ème ss sect., n°366559) permet de rappeler la distinction qui doit être faite et les impacts fiscaux qui en résultent.
En l’espèce une société avait souscrit deux contrats d’assurance-vie au profit du principal associé également salarié de la société.
Les sommes confiées à ces contrats ayant été réclamées par la société, la liquidation des contrats a été demandée. Les sommes ont alors été portées au crédit du compte bancaire personnel du bénéficiaire. Ce dernier a immédiatement procédé au reversement de ces sommes sur les comptes de la société.
A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a réintégré la plus-value de cession réalisée à l’occasion de l’opération de rachat des contrats d’assurance-vie.
Le 30 mars 2011, le Tribunal administratif de Paris a prononcé l’abandon du redressement d’impôt sur les sociétés. Cette décision a été confirmée par l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris le 28 décembre 2012.
Le Ministre chargé du budget s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel considérant que l’abandon du redressement qui avait été accordée par les juges du fond ne se justifiait pas.
Dans son arrêt, le Conseil d’Etat remarque que la Cour administrative d’appel a considéré que l’opération ne s’était pas traduite par une augmentation de l’actif net de la société. Il relève qu’elle n’a pas pris soin de répondre aux arguments du Ministre selon lesquels les avances qui avaient été consenties devaient être analysées comme un prêt et ne diminuaient donc pas le montant total du contrat.
En effet, le Tribunal administratif et la Cour administrative d’appel s’étaient contentés de considérer que la somme versée au dirigeant devait être prise en compte pour calculer une possible variation de l’actif de l’entreprise. Or des avances avaient été consenties par la compagnie d’assurance au cours du contrat à hauteur de 2 067 647 euros.
Les sommes qui font l’objet d’une avance au cours de la vie du contrat ont vocation à être remboursées au plus tard au terme de ce contrat. Elles n’entament pas le montant total du contrat et continuent à produire des intérêts sur la totalité ! Dans ces conditions, lors de la clôture des contrats d’assurance-vie, ces sommes auraient dû être ajoutées aux sommes versées par la compagnie d’assurance au bénéficiaire pour déterminer la valeur réelle des contrats à la date de leur clôture, cette valeur réelle étant ensuite comparée à la valeur initiale pour apprécier l’éventuel gain générateur de taxation.
Le Conseil d’Etat donne donc raison à l’administration de considérer que les sommes qui ont fait l’objet d’avances doivent être réintégrées dans le montant des sommes versées initialement puis au cours du contrat afin d’en déterminer la valeur comptable du contrat à sa clôture.
En conclusion , lorsqu’un contrat d’assurance-vie est inscrit à l’actif du bilan d’une entreprise (cas en réalité rare car les compagnies d’assurance sont peu enclines à permettre la mise en place de tels contrats), il est prudent de bien réfléchir lorsque l’on demande à récupérer une partie des fonds : remboursement anticipé ou avance ?
Par Jean-François Bégoc - Avocat