Nouvelle décision soulevant une question relative au régime de TVA applicable aux commissions perçues lors d'opérations de commercialisation, promotion et distribution de parts ou actions d'OPCVM qui s'inscrit dans le cadre de l'article 261 C du CGI.
L’article 261 C-1°-a du CGI, qui transpose le 1 du d du B de l’article 13-B-d-1 de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 (Directive TVA) exonère de la TVA, sans possibilité d’option, certaines opérations bancaires et financières limitativement énumérées, au nombre desquelles figurent les opérations de crédit. Ainsi, sont exonérés de la TVA l’octroi et la négociation de crédit, ainsi que la gestion de crédit effectuée par la personne qui l’a octroyé.
L'exonération de TVA des opérations bancaires et financières est justifiée par la difficulté à identifier une assiette traduisant la valeur ajoutée des services financiers, la distinction entre les revenus générés par les services financiers et les transactions en capital n'étant pas toujours clairement effectuée dans la comptabilité. En outre, le fait générateur de l'imposition à la TVA est complexe à isoler dans le secteur financier. Par conséquent, la législation européenne en matière de TVA a prévu dès l'origine une exonération de ces opérations.
La notion de négociation a été précisée par le Conseil d'État, dans une décision du 11 décembre 1992 (n° 119138, Société Chaumontaise d’assistance et de financement) d’une part, et par la CJCE dans la décision du 13 décembre 2001 (Aff. C-235/00, CSC Financial Services Ltd), d’autre part.
Les OPCVM sont des intermédiaires financiers visant à collecter de l'épargne et à l'investir dans des valeurs mobilières. Les OPCVM sont régis par le droit de l'Union européenne, et peuvent se présenter sous deux formes (article L. 214-4 du Comofi) :
- des sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) , dans lesquelles l'investisseur est actionnaire ;
- des fonds communs de placement (FCP) , dans lesquels l'investisseur est copropriétaire des valeurs mobilières acquises par le fonds.
Pour mémoire, l’article 33 de la LF pour 2020 a modifié l’article 261 C, 1°-f du CGI afin de redéfinir le champ des organismes de placement collectif dont les opérations de gestion bénéficient d'une exonération de TVA. Ainsi, il prévoit que les OPC éligibles sont les OPCVM tels que définis par la directive 2009/65/CE et les autres organismes de placement collectif présentant des caractéristiques similaires aux OPCVM. L'administration a commenté cet aménagement au BOFIP-Impôts lors d'une mise à jour du 6 mai 2020.
Rappel des faits :
FDC, créée en 2005 avec le concours du groupe M, est une société de gestion de portefeuille qui gère une gamme d'Organismes de Placement Collectif (OPC) constitués sous forme de FCP, qu'elle commercialise auprès d'épargnants et d'investisseurs.
La société SARP France, appartenant au groupe mutualiste M a conclu le 22 mars 2006 une convention avec FDC prévoyant une rémunération à verser par FDC à SARP FRANCE pour rémunérer le "placement" par SARP FRANCE des véhicules commercialisés par FDC auprès des sociétés du groupe M. Une convention similaire a été conclue le 4 janvier 2013 entre FDC et SARP Europe, une société créée fin 2012, dont l'objet et les stipulations étaient identiques à celles figurant dans la convention conclue avec SARP France.
Par courriers en date du 26 octobre 2021, FDC a résilié ces deux conventions, avec effet au 1er janvier 2022 pour la première et au 1er septembre 2022 pour la seconde.
Le litige est né lorsque FDC a réclamé à SARP France, par courrier du 7 novembre 2022, une somme de 2.919.886,21 € au titre de la TVA indûment facturée selon elle du 6 juillet 2017 au 6 juillet 2022. De même, FDC a demandé à SARP Europe, par courrier du 19 décembre 2022, à être indemnisée d'un montant de 3.304.341,80 € correspondant au montant de la TVA acquittée sur les 5 dernières années.
Le 22 février 2023, FDC a assigné SARP France en présence de SARP Europe devant le Tribunal de commerce de Paris. Dans son assignation, FDC demande notamment au tribunal de juger que les responsabilités d'établissement des factures de commission portaient sur les seules sociétés SARP (France) et SARP Europe, et de condamner SARP (France) à indemniser FDC du préjudice subi en conséquence de la faute de SARP (France), soit la somme de 2.919.886,21 € correspondant au trop-perçu au titre de l'erreur commise en soumettant faussement les factures à la TVA.
Lors de l'audience du 25 octobre 2023, les défenderesses ont déposé des conclusions aux fins de transmission d'une question préjudicielle et de sursis à statuer. Après plusieurs audiences et échanges de conclusions, les parties ont finalement convergé sur la nécessité de transmettre une question préjudicielle à la juridiction administrative.
FDC :
- soutient que les commissions versées tant à SARP France qu'à SARP Europe sont dans le champ d'application de la TVA mais demeurent exonérées de TVA sans possibilité d'option, et que la TVA ne peut être appliquée à l'opération. Selon FDC, les conventions conclues avec SARP France et SARP Europe concernent clairement des prestations de placement et non de commercialisation, et la rémunération qualifiée de "commission sur encours" rémunère indiscutablement ces prestations.
- estime que ces prestations de placement sont susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et obligations des parties sur des titres, dès lors que l'accord des adhérents de M est manifesté à SARP pour la réalisation d'une telle opération.
- rappelle que selon l'administration fiscale, les commissions perçues lors de l'émission et du placement d'actions et dont le fait générateur est intervenu postérieurement au 1er janvier 2005 sont exclues du champ de l'option à la TVA.
Le tribunal a ordonné le suris à statuer et la transmission au tribunal administratif de Paris de la question préjudicielle suivante :
Est-ce que la rémunération versée par une société de gestion en contrepartie d'opérations de commercialisation, promotion et distribution de parts ou actions d'OPCVM effectuées par un groupe mutualiste à ses mandants et clients relève d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), soit sur le fondement de l'article 261 C, 1°e soit de l'article 261 C, 1°f du CGI ?