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Impôt sur le revenu

« Maître de l'affaire » et revenus distribués : une présomption renforcée mais un montant limité

Nouvelle décision précisant la portée de la présomption d'appréhension des revenus réputés distribués et les conditions d'application de la substitution de base légale entre les différents alinéas de l'article 109 du CGI.

 

 

Le litige trouve sa source dans le cadre des articles 109 et 111 du CGI, qui définissent les revenus réputés distribués. Plus précisément, l'article 109-1-1° du CGI vise les

bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital

 

tandis que l'article 109-1-2° du CGI concerne

toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices.

 

La distinction entre ces deux fondements est importante, car l'application du 1° repose sur une présomption simple d'appréhension par le dirigeant qui est le "maître de l'affaire", alors que le 2° exige de l'administration qu'elle démontre la mise à disposition effective des sommes au profit de l'associé.

 

 

Rappel des faits :

En l'espèce, la SARL D, dont M. D. A. était dirigeant et associé à 50%, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité révélant des bénéfices non déclarés et des rappels de TVA. L'administration fiscale a considéré ces sommes comme des revenus distribués et a imposé M A. et Mme C. (son épouse) à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Initialement, l'administration avait fondé ses redressements sur l'article 109-1-2° du CGI.

 

M. A. et Mme C. ont contesté ces impositions devant le TA de Versailles, qui leur a donné raison en prononçant la décharge des cotisations supplémentaires, estimant que l'administration n'avait pas suffisamment établi l'appréhension effective des sommes par M. A. sur le fondement de l'article 109-1-2° du CGI.

 

Le ministre a fait appel, estimant que le tribunal avait dénaturé les faits et en demandant une substitution de base légale, sollicitant l'application de l'article 109-1-1° du CGI, ou à titre subsidiaire l'article 111-c du CGI, afin de justifier l'imposition des revenus réputés distribués. Le ministre soutenait que M. A., en sa qualité de "maître de l'affaire", devait être réputé avoir appréhendé les sommes.

 

La Cour vient de faire droit à la demande du ministre en réformant le jugement du tribunal

 

Concernant la substitution de base légale, la Cour a fait droit à la demande du ministre.

Elle a rappelé que l'administration peut invoquer à tout moment un nouveau motif de droit, sous réserve que cette substitution ne prive pas le contribuable d'une garantie de procédure. En l'espèce, le passage du 2° au 1° de l'article 101-1 du CGI ne privait pas les contribuables d'une telle garantie. En conséquence, la Cour a estimé que le tribunal avait eu tort de décharger les impositions en se fondant sur l'absence de preuve d'appréhension des sommes, dès lors que la qualification de M. A. comme maître de l'affaire suffisait à établir cette appréhension sous le régime de l'article 109-1-1°.

 

Sur le bien-fondé des impositions, la Cour a confirmé la qualification de M. A. comme "maître de l'affaire". Elle a relevé qu'il était

  • associé fondateur à 50%,
  • gérant,
  • et seul détenteur de la signature bancaire des comptes de la société, ce qui lui donnait les pouvoirs les plus étendus pour user des biens de la société comme les siens.

Pour la Cour, ces éléments, à eux seuls, suffisent à présumer qu'il a appréhendé les distributions, d'autant que les contribuables n'ont apporté aucune preuve d'une prétendue "escroquerie" ou "éviction". Le fait que les sommes n'apparaissent pas sur leurs comptes bancaires personnels n'est pas suffisant pour écarter cette présomption.

 

Cependant, la Cour a apporté une nuance concernant le montant des sommes imposables. Elle a rappelé l'article 110 du CGI, selon lequel les bénéfices réputés distribués sur le fondement de l'article 109-1-1° se limitent au rehaussement du résultat de l'exercice retenu pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Par ailleurs, l'article L. 77 du LPF prévoit que le supplément de TVA afférent à un exercice donné est déduit des résultats du même exercice pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

 

Partant, le montant réputé distribué au titre de l'article 109-1-1° se limite au montant hors taxe des recettes dissimulées. Si le rappel de TVA peut être imposé entre les mains de l'associé, c'est alors sur le fondement de l'article 109-1-2°, et à la condition que l'administration prouve que cette somme a été mise à la disposition du contribuable. Or, puisque l'administration avait retiré le fondement de l'article 109-1-2°, elle ne pouvait plus maintenir l'imposition du rappel de TVA sur ce fondement. La Cour a donc déchargé les contribuables des impositions correspondant au montant de TVA inclus dans les sommes considérées comme distribuées.

 

Enfin, la Cour a confirmé les pénalités pour manquement délibéré (40%), estimant que la disproportion entre les revenus déclarés et les versements sur les comptes bancaires des contribuables suffisait à établir le caractère délibéré du manquement.

 

 

La démonstration de la qualité de "maître de l'affaire" par l'administration simplifie la preuve de l'appréhension des revenus distribués, mais la base légale choisie conditionne le montant imposable, notamment en ce qui concerne l'intégration ou non de la TVA dans les sommes réputées distribuées.

Publié le mardi 15 juillet 2025 par La rédaction

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