Entre 2016 et 2022, la France a mené une ambitieuse réforme de l'impôt sur les sociétés, abaissant le taux normal de 33,3% à 25% pour se rapprocher de la moyenne OCDE. Mais derrière cette baisse uniforme se cache une réalité plus nuancée : toutes les entreprises n'ont pas bénéficié équitablement de cette réforme, créant une fiscalité à deux vitesses selon la taille des entreprises.
Les chiffres clés de la transformation fiscale
Une baisse du taux normal... mais pas du taux réel
- Taux normal : de 33,3% à 25% (-25%)
- Taux implicite moyen : de 20,7% à 17,5% (-15% seulement)
- 2,4 millions d'entreprises soumises à l'IS en 2022
- 278 milliards d'euros de bénéfice fiscal généré (+71% depuis 2016)
Le paradoxe de la base fiscale
Malgré la baisse des taux, les recettes d'IS n'ont augmenté que de 31% grâce au dynamisme exceptionnel des bénéfices (+71%), alimenté notamment par le redressement des résultats exceptionnels et financiers.
La fracture selon la taille d'entreprise
Les grandes entreprises : grandes gagnantes
- Taux implicite en 2022 : 14,3% (le plus bas)
- Baisse sur la période : -5,0 points
- Bénéficient pleinement de la réforme grâce à leur exposition au taux normal
Les PME : laissées pour compte
- Taux implicite en 2022 : 21,4% (le plus élevé)
- Baisse limitée : -1,7 point seulement
- Moins concernées par la baisse du taux normal (déjà soumises à des taux réduits)
Les microentreprises : en marche arrière
- Taux implicite en 2022 : 19,0%
- Augmentation : +0,4 point sur la période
- Largement imposées à des taux réduits stables (15%)
Une réforme aux effets contrastés
60% des entreprises voient leur fiscalité augmenter
Contrairement aux attentes, 6 entreprises sur 10 ont vu leur taux d'imposition implicite augmenter entre 2016 et 2022, principalement :
- Les plus petites entreprises
- Celles bénéficiant de taux réduits non affectés par la réforme
- Les entreprises avec des résultats exceptionnels croissants
L'effet volume masque l'effet taux
Le dynamisme de la base fiscale (+68% pour l'excédent net d'exploitation) explique pourquoi la baisse du taux implicite (-15%) est moins prononcée que celle du taux normal (-25%).
Conclusion : Une réforme inégalitaire
La réforme française de l'IS révèle un paradoxe majeur : en voulant améliorer la compétitivité fiscale globale, elle a créé un système plus inégalitaire où les grandes entreprises captent l'essentiel des bénéfices fiscaux, tandis que les PME - pourtant considérées comme le moteur de l'économie - supportent un fardeau fiscal relativement plus lourd.