Le juge de l'impôt nous rappelle que le régime de faveur des SIIC n'est pas un droit acquis gravé dans les statuts, mais une réalité économique qui doit perdurer tout au long de l'exercice social.
Pour mémoire, l'article 208 C du CGI prévoit un régime d'exonération d'impôt sur les sociétés pour les sociétés d'investissements immobiliers cotées et leurs filiales. Ce régime, communément appelé "régime SIIC", permet une exonération d'impôt sur les sociétés pour la fraction du bénéfice provenant :
- de la location d'immeubles,
- de la sous-location d'immeubles pris en crédit-bail,
- des plus-values sur la cession d'immeubles, de droits réels, de droits afférents à un contrat de crédit-bail portant sur un immeuble et de participations dans certaines sociétés.
Pour bénéficier de ce régime, les sociétés doivent notamment avoir pour objet principal "l'acquisition ou la construction d'immeubles en vue de la location". Cette condition, relative à l'objet social, est essentielle et constitue le cœur du litige.
L'article 208 C-III bis étend ce régime aux sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ayant un objet identique à celui des SIIC et détenues à 95% au moins par certaines structures d'investissement immobili
Le litige soumis aux juges parisiens résidait dans la détermination du sort fiscal de la plus-value réalisée lors de la vente du tout dernier immeuble de la société. La question était de savoir si la disparition de l'actif immobilier en cours d'année entraînait la déchéance rétroactive du régime pour l'ensemble de l'exercice, rendant ainsi la plus-value de cession imposable au taux de droit commun.
Rappel des faits :
La société Lupa Immobilière France, filiale ayant opté pour le régime SIIC depuis 2009, a cédé son dernier actif immobilier le 21 décembre 2018. À la suite de cette cession, elle n'a procédé à aucun réinvestissement et a conservé les liquidités, tout en maintenant juridiquement son objet social statutaire. Elle a clôturé son exercice comptable le 31 décembre 2018, soit dix jours après la vente.
L'administration fiscale, à l'issue d'une vérification de comptabilité, a remis en cause le bénéfice du régime SIIC pour l'ensemble de l'année 2018. Le service a considéré que la société, ne détenant plus d'actifs immobiliers et n'ayant pas réinvesti, ne satisfaisait plus aux conditions d'objet et de composition de l'actif exigées par les textes. Partant, elle a assujetti la société à l'IS sur l'ensemble du résultat 2018, incluant la plus-value de cession du dernier immeuble.
La société a contesté ces rappels devant le TA de Paris.
- Elle soutient que son objet social statutaire est resté inchangé et conforme aux exigences légales durant toute l'année 2018.
- Elle fait valoir que la loi n'impose aucune obligation expresse de réinvestissement des produits de cession et que l'exigence de détention d'un patrimoine immobilier ne doit s'apprécier qu'à l'entrée dans le régime ou, à tout le moins, ne pas conduire à une sortie immédiate en cas de cession totale.
- Subsidiairement, elle plaide pour que, si déchéance il y a, celle-ci ne produise ses effets qu'à compter du jour de la cession (21 décembre), ou que l'on considère qu'il y avait eu cessation d'activité à cette date, préservant ainsi l'exonération de la plus-value réalisée sous l'empire du régime.
Le tribunal administratif de Paris vient de rejeter la requête de la société
- Il consacre tout d'abord la prééminence de la réalité économique sur les statuts juridiques
Le tribunal relève que la seule persistance de l'objet social dans les statuts est insuffisante. Dès lors que la société ne disposait plus d'aucun bien à louer après le 21 décembre 2018 et ne démontrait aucune intention de réinvestissement, elle avait, de fait, perdu son objet de société foncière. Le juge souligne que le régime SIIC a pour but de favoriser les acteurs qui gèrent un patrimoine locatif, et non de permettre la réalisation de plus-values par des coquilles vides.
- Il confirme ensuite l'exigence de continuité des conditions d'éligibilité
Contrairement aux prétentions de la société, le respect des conditions (objet social et composition de l'actif selon l'article L. 214-36 du CMF) ne s'apprécie pas uniquement à l'entrée dans le régime. Le bénéfice de l'exonération est conditionné à la persistance de la situation ayant justifié l'option. La perte de la prépondérance immobilière de l'actif, même sur une courte période en fin d'exercice, suffit à caractériser une rupture des conditions.
- Enfin, il tire les conséquences du principe de l'annualité de l'impôt sur les sociétés.
L'IS étant dû sur le résultat net réalisé à la clôture de l'exercice, le respect des conditions du régime exonératoire s'apprécie pour l'exercice entier. Dès lors que la société ne remplissait plus les conditions au 31 décembre 2018 (date de clôture), elle est réputée ne pas les avoir remplies pour l'exercice 2018. La déchéance du régime est donc rétroactive au 1er janvier 2018. Par voie de conséquence, la plus-value réalisée le 21 décembre devient imposable, la société ne pouvant se prévaloir d'une cessation d'activité qu'elle n'a pas actée comptablement et fiscalement à cette date.