Pour la juridiction administrative l’absence par une SCI de refacturation de charges locatives à seize de ses locataires constitue un acte anormal de gestion.
Les prêts sans intérêts ou l’abandon de créances accordés par une entreprise au profit d’un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt. Par ailleurs, s’il appartient à l’administration d’apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu’un abandon de créances ou d’intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n’est pas en mesure de justifier qu’elle a bénéficié en retour de contreparties.
Rappel des faits :
La SCI R est propriétaire de constructions constituant une galerie commerciale au sein d’un centre commercial érigé sur un terrain appartenant à la SAS H, cette dernière étant propriétaire de l’hypermarché implanté sur le même site.
En vertu d’une convention signée entre les deux sociétés, la SAS H reçoit l’ensemble des factures liées au fonctionnement du centre commercial et refacture à la SCI R les charges afférentes au fonctionnement de la galerie commerciale.
La SCI refacture ensuite 33 % des charges d’électricité et 70 % des autres charges à la société H, avant de refacturer le solde des charges aux sociétés qui prennent en location les seize emplacements commerciaux situés dans la galerie commerciale.
A l’occasion d’une vérification de comptabilité conduite du 5 décembre 2012 au 4 février 2013, le service a constaté que la SCI du R n’avait refacturé aucune charge aux occupants des locaux de la galerie commerciale au titre des années 2006 à 2009 et a considéré qu’elle avait abandonné les créances correspondantes au cours de l’exercice clos en 2010.
L’administration a donc proposé à la SCI R des rectifications au titre des exercices clos en 2010 et 2011.
Sa réclamation contre les impositions procédant de ces rectifications ayant été rejetée le 17 mars 2017, la SCI R a demandé au TA de Rennes de la décharger de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2010
Par un jugement du 24 avril 2019, le tribunal a jugé la demande.
La SCI R a fait appel de ce jugement.
Pour justifier cette absence de refacturation la SCI R fait valoir que l’absence de cette refacturation avait pour elle un intérêt commercial , "dès lors qu’il s’agit d’une erreur de sa part qui aurait pu lui être reprochée, que les commerçants concernés sont aussi les clients du centre commercial, que certains d’entre eux étaient partis à la retraite, avaient cessé leur activité commerciale ou s’étaient installés ailleurs, et qu’il aurait été inéquitable que les locataires encore présents paient cet arriéré de charges de quatre ans pour la totalité des locataires concernés, ce qui aurait pu les mettre en difficulté ou les inciter à mettre fin au bail."
Toutefois, la Cour considère que les difficultés financières des locataires concernés et les conséquences commerciales alléguées ne sont pas établies.
Par les seuls éléments invoqués, la requérante ne justifie pas de l’existence de contreparties à l’abandon des créances en cause et ne justifie donc pas avoir agi dans son propre intérêt.
L’appel de la SCI R est donc rejeté