Pour la juridiction administrative l’exigibilité de la TVA sur un acompte s’apprécie à la seule date de son encaissement. Les évènements qui interviennent postérieurement sont sans incidence sur cette exigibilité.
En application de l’article 269-2-c du CGI, la TVA est exigible, pour les prestations de service, « lors de l’encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d’après les débits ».
Ces dispositions sont issues de la transposition de l’article 65 de la directive TVA (2006/112/CE du 28 novembre 2006) qui prévoit à titre dérogatoire qu’« en cas de versements d’acomptes avant que la livraison de biens ou la prestation de services ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l’encaissement, à concurrence du montant encaissé ».
La CJUE a précisé que dans le cas de versement d’un acompte, la TVA devient exigible sans que la livraison ou la prestation ait encore été effectuée. Afin que la taxe puisse devenir exigible dans une telle situation, il faut que tous les éléments pertinents du fait générateur, c’est-à-dire de la future livraison ou de la future prestation, soient déjà connus et donc, en particulier, que, au moment du versement de l’acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision. Arrêt du 21 février 2006 - Affaire C-419/02
Dans une autre affaire, la Cour européenne a souligné l’article 65 de la directive 2006/112 ne saurait être applicable lorsqu’il s’avère que la réalisation du fait générateur est incertaine au moment du paiement de l’acompte. Tel serait le cas, notamment, en présence d’un comportement frauduleux. Arrêt du 13 mars 2014 - Affaire C‑107/13
La Cour a enfin apporté des précisions quant aux modalités d’appréciation d’un éventuel élément d’incertitude : afin d’apprécier l’élément de certitude quant à la réalisation de la livraison ou de la prestation, qui conditionne l’exigibilité de la TVA afférente à l’acompte et la naissance corrélative du droit à déduction, il y a lieu de se placer au moment du versement de cet acompte. […] le bénéfice de ce droit doit être refusé à cet assujetti par les autorités et les juridictions nationales s’il est établi, au regard d’éléments objectifs, que, au moment du versement de l’acompte, il savait ou ne pouvait raisonnablement ignorer que cette livraison ou cette prestation était susceptible de ne pas se réaliser. Arrêt du 31 mai 2018 - Affaires jointes C‑660/16 et C‑661/16
Rappel des faits :
La SARL B qui exerce une activité de dépannage, plomberie, chauffage, électricité, serrurerie et peinture, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle elle a été assujettie à des rappels de TVA au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009.
La SARL B a facturé le 18 juillet 2007 à la SCI M, dont M. B était associé, une somme de 460 218,73 € TTC à titre d’acompte , soit 436 226,38 € HT compte tenu de la facturation d’une TVA à 5,5 % d’un montant de 23 992,45 €, pour l’exécution de travaux consistant en la réalisation de quinze appartements dans un ensemble immobilier appartenant à cette SCI.
La somme de 436 226,28 € a été créditée sur le compte bancaire de la SARL B le 20 août 2007. L’administration fiscale a considéré que cette somme était imposable à la TVA au titre de l’année 2007 et que la taxe était due au taux de 19,6 % et non au taux de 5,5 % eu égard à la nature des travaux projetés, et a en conséquence mis à la charge de la SARL des rappels de TVA.
Par un jugement du 19 septembre 2017 le TA de Paris a rejeté la demande de M. B tendant à la décharge de la somme à laquelle la SARL B a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009 et au titre des exercices clos en 2007 et 2008.
Par un arrêt du 6 février 2019 la CAA de Paris a rejeté la demande de M. B.
Par une décision n° 429647 du 24 février 2021 le Conseil d’Etat statuant au contentieux sur un pourvoi de M. B a annulé cet arrêt et a renvoyé l’affaire devant la juridiction d’appel.
Rappellons que suivant en cela les conclusions de la rapporteur publique céline Guibé le Conseil d’Etat dans son arrêt du 24 février 2021 avait précisé que pour que la taxe sur la valeur ajoutée soit exigible sans que la prestation ait encore été effectuée, il faut, d’une part, que tous les éléments pertinents du fait générateur, c’est-à-dire de la future prestation, soient déjà connus et donc, en particulier, que, au moment du versement de l’acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision et, d’autre part, que la réalisation de la prestation ne soit pas incertaine.
La Haute juridiction avait jugé, au cas particulier, que M. B était fondé à demander l’annulation de l’arrêt de la CAA de Paris dans la mesure où l’acompte avait été versé avant la délivrance du permis de construire, de telle sorte que la réalisation des travaux envisagés restait incertaine à la date de ce versement.
Dans le cadre du renvoi, la CAA de Paris vient de donner raison à l’administration fiscale
La Cour fait valoir, à la lumière d’éléments produits par M. B après la décision du Conseil d’Etat :
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qu’à la date d’encaissement de l’acompte le 20 août 2007 la SCI M était bénéficiaire, pour la réalisation des travaux objets de la facture du 18 juillet 2007, qui étaient désignés avec suffisamment de précision, d’un permis de construire en cours de validité, délivré le 21 août 2006.
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que si des difficultés sont ensuite apparues quant à la viabilité du projet, la SCI a déposé une demande de permis modificatif le 1er septembre 2008, qui lui a été refusé le 29 septembre suivant, et si le projet a été abandonné et le permis de construire finalement déclaré caduc, faute de commencement des travaux, par un arrêté du 20 novembre 2012, ces circonstances sont sans incidence sur l’exigibilité de la TVA afférente à cet acompte
La Cour rappelle que l’exigibilité de la TVA afférente à un acompte s’apprécie à la seule date de son encaissement.