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Conventions fiscales

Retenue à la source (182 B du CGI) : un contrôle qualité réalisé à l'étranger est une prestation « utilisée en France »

Il ressort des dispositions de l'article 182 B du CGI que sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n’y disposent pas d’une installation professionnelle permanente, en rémunération de prestations qui sont, soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l’étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France.

 

En cas de doute sur le lieu de fourniture ou d’utilisation de la prestation, le débiteur de la rémunération versée à une personne qui n’a pas d’installation professionnelle permanente en France sera invité à justifier que la prestation rémunérée n’a pas été fournie ou utilisée en France et, le cas échéant, dans quelle proportion. Cette justification pourra être apportée par tous moyens de preuve.

 

Soulignons que le droit interne s'efface en présence d'une convention fiscale internationale. L'application de la retenue à la source est généralement écartée par les stipulations de l'article 7 (Bénéfices des entreprises) lorsque le prestataire étranger est résident de l'autre État contractant et ne dispose pas d'établissement stable en France....mais...

 

Rappel des faits :

La société M, spécialisée dans la commercialisation de textiles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2015 et 2016. L'administration lui a notifié des rappels de retenue à la source sur le fondement de l'article 182 B du CGI, au titre de sommes versées à une société ALogistic Ltd, établie à Hong Kong.

Ces rémunérations couvraient des prestations de contrôle de la qualité et de la quantité de marchandises fabriquées en Chine, de vérification de la conformité de la production à des échantillons, et de contrôle du conditionnement avant expédition depuis la Chine vers la France. La société M a contesté ces rappels, soutenant que les prestations n'étaient pas "utilisées en France" et que, en tout état de cause, la convention franco-hongkongaise y faisait obstacle.

Par des propositions de rectification des 14 décembre 2018 et 30 avril 2019, l'administration a mis à la charge de la société M des rappels de retenues à la source au titre de ces exercices. Après rejet de sa réclamation contentieuse, la société a saisi le TA de Paris qui, par un jugement du 8 novembre 2023, a constaté un non-lieu partiel à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus de la demande.

 

La société M a fait appel de ce jugement.

 

Elle se prévaut :

  • de l'inapplicabilité de l'article 182 B du CGI ;
  • de la protection par la doctrine administrative (article L. 80 A du LPF) ;
  • de la primauté de l'article 7 de la convention fiscale. 

 

  • S'agissant de la retenue à la source de l'article 182 B du CGI

La Cour valide l'analyse de l'administration et des juges du fond. Elle retient que les prestations, bien que matériellement exécutées en Chine (contrôle qualité, conformité, conditionnement), contribuaient...

à garantir le respect des spécifications s'imposant aux marchandises elles-mêmes qu'à leur conditionnement

 

Dès lors, la Cour juge que ces services ont été "effectivement utilisés" par M pour opérer, en France, sa propre activité, à savoir "la phase de commercialisation des biens produits en Chine". L'utilité économique des prestations pour l'activité française suffit donc à localiser l'utilisation en France, peu importe le lieu d'exécution matérielle.

 

  • Concernant l'application du droit conventionnel

La société M soutenait que les stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-hongkongaise, qui prévoient que les bénéfices d'une entreprise d'une partie contractante ne sont imposables que dans cette partie à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre partie par l'intermédiaire d'un établissement stable, rendaient inapplicable la retenue à la source prévue par le droit interne français. 

L'article 7 paragraphe 1 de la convention pose le principe de l'imposition exclusive dans l'État de résidence des bénéfices d'une entreprise, sauf si cette entreprise exerce son activité dans l'autre État par l'intermédiaire d'un établissement stable. Ce principe vise à éviter qu'un État impose les bénéfices d'une entreprise étrangère au seul motif qu'elle réalise des opérations économiques sur son territoire, en l'absence d'une présence physique significative matérialisée par un établissement stable.

L'application de ce principe à la retenue à la source prévue par l'article 182 B du CGI conduirait logiquement à faire obstacle à cette retenue dès lors que le prestataire étranger ne dispose pas d'établissement stable en France et présente la qualité de résident fiscal de l'autre État contractant.

Cependant,l'application de l'article 7 susvisé suppose au préalable que son bénéficiaire présente la qualité de résident d'une partie contractante au sens de l'article 4 de la convention. Cette exigence découle directement de l'article 1er de la convention qui dispose que celle-ci s'applique aux personnes qui sont des résidents d'une partie contractante ou des deux parties contractantes. L'article 4 définit ensuite cette notion de résident en posant un critère d'assujettissement suffisamment large à l'impôt dans l'État de résidence, tout en excluant expressément les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet État que pour les revenus de sources situées dans cet État.

 

Autrement dit, Pour bénéficier de l'article 7 (Bénéfices des entreprises) et échapper à la retenue à la source, la société hongkongaise devait avoir la qualité de "résident d'une Partie contractante" au sens de l'article 4 de la convention. Or, cet article 4 précise que l'expression

"ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cette Partie que pour les revenus de sources situées dans cette Partie".

 

C'est précisément sur ce point que la démonstration de la société M a échoué.

 

La cour relève que si la société ALogistics Ltd est bien domiciliée à Hong Kong et ne dispose d'aucun établissement stable en France, elle ne produit aucun élément établissant qu'elle est assujettie à l'impôt hongkongais sur ses revenus de source mondiale ou, à tout le moins, sur des revenus autres que ceux de sources situées à Hong Kong. 

 

En effet, la Cour constate que si M produit des avis d'imposition prouvant que ALogistic Ltd était assujettie à l'impôt sur les bénéfices à Hong Kong, ces documents étaient insuffisants. Ils n'établissaient pas que cet assujettissement couvrait des revenus autres que ceux de source hongkongaise. En d'autres termes, M n'a pas réussi à prouver que la société prestataire n'entrait pas dans le champ de l'exclusion précitée, spécifique aux régimes fiscaux territoriaux comme celui de Hong Kong. Faute de prouver la qualité de "résident" au sens de la convention, la société prestataire ne pouvait se prévaloir de l'article 7.

 

Ainsi...

  • ALogistics Ltd n’est pas assujettie à un impôt général sur les bénéfices ;
  • ALogistics Ltd ne peut pas être qualifiée de “résident” au sens de la convention ;
  • ALogistics Ltd ne peut pas invoquer l’article 7 ;
  • La retenue à la source interne française reste applicable.

 

 

Publié le jeudi 13 novembre 2025 par La rédaction

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