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Convention fiscale et notion de "résident" : le juge de l'impôt censure l'exigence d'une imposition effective

Selon le juge de l'impôt pour bénéficier des stipulations d'une convention fiscale bilatérale, il suffit d'établir la qualité de résident fiscal de l'État cocontractant au sens de la convention, sans qu'il soit nécessaire de démontrer une taxation effective dans cet État. Il valide également la force probante du certificat de résidence fiscale émis par l'autorité compétente de l'État partenaire.

 

En application de l'article 182 B du CGI, les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'elles sont payées par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente. 

 

Le taux applicable aux sommes et produits visés à l'article 182 B du CGI (En dehors des sportifs) correspond au taux normal de l'impôt sur les sociétés prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219-I du CGI.

 

Ce principe de taxation à la source se trouve toutefois neutralisé, par les conventions fiscales bilatérales que la France a conclues avec de nombreux États pour éviter les doubles impositions.

 

La convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973, applicable au litige, prévoit en son article 2 que les impôts concernés comprennent, pour la France, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et toutes retenues à la source. L'article 4 de cette convention définit la notion de résident fiscal comme toute personne qui, en vertu de la législation d'un État, est assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. L'article 12 de la convention organise le régime fiscal des redevances, qui désignent notamment les rémunérations payées pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique. Le paragraphe 1 de cet article prévoit que les redevances provenant d'un État et payées à un résident de l'autre État ne sont imposables que dans cet autre État. Cette stipulation opère donc une attribution exclusive du pouvoir d'imposer à l'État de résidence du bénéficiaire, excluant corrélativement toute taxation dans l'État source du paiement.

 

Rappel des faits :

La société française L, agence de presse, a versé en 2014 des redevances à une société néerlandaise, The Continuity Group Numeric Photos BV, en contrepartie de droits de reproduction de photographies. L'administration fiscale française, considérant ces sommes comme des revenus de source française, a appliqué la retenue à la source prévue par l'article 182 B du CGI.

 

La société L a contesté ce prélèvement en invoquant les stipulations de la convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973. Selon l'article 12 de cette convention, les redevances de cette nature ne sont imposables que dans l'État de résidence du bénéficiaire. Pour prouver la résidence de son cocontractant aux Pays-Bas, la société L a produit une attestation de résidence délivrée par les autorités fiscales néerlandaises. Saisi du litige, le tribunal administratif de Paris, puis la cour administrative d'appel de Paris, ont rejeté la demande de la société L.

 

La cour a en effet jugé que cette attestation était insuffisante :

 

En se bornant à produire des attestations sommaires émanant de l'administration fiscale néerlandaise indiquant que la société The Continuity Group Numeric Photos BV était résidente fiscale néerlandaise au sens des stipulations précitées de l'article 4 de la convention fiscale franco-néerlandaise, notamment au titre de l'année 2014 d'imposition en litige, la société Lolie n'établit pas que cette société était alors effectivement soumise à l'impôt sur les sociétés aux Pays-Bas à raison de son statut ou de son activité. Par suite, la convention fiscale franco-néerlandaise ne pouvant être utilement invoquée et ne faisant dès lors pas obstacle à ce que la société Lolie soit soumise en France à une retenue à la source à raison de la somme versée à la société The Continuity Group Numeric Photos BV au cours de l'année 2014, c'est à bon droit que l'administration fiscale a appliqué à cette retenue à la source le taux prévu à l'article 182 B du code général des impôts, et non, comme le demande la société requérante, le taux issu de la convention fiscale franco-néerlandaise.

 

La société L s'est pourvue en Cassation

 

Elle fait valoir :

  • que les attestations de résidence fiscale délivrées par l'administration néerlandaise constituaient des preuves suffisantes de la qualité de résident fiscal de la société TCGNPBV au sens de l'article 4 de la convention ;
  • que la convention ne subordonne pas son application à une condition de taxation effective dans l'État de résidence, mais seulement à la qualité de résident fiscal de cet État, notion définie par référence à l'assujettissement à l'impôt et non à l'imposition effective;
  • que l'exigence posée par l'administration et validée par les juges du fond imposent une condition non prévue par les stipulations conventionnelles;
  • que la notion d'assujettissement à l'impôt, retenue par l'article 4 de la convention, se distingue de celle de taxation effective et renvoie simplement au fait de relever d'un système fiscal, indépendamment du montant d'impôt finalement acquitté.

 

Le Conseil d'Etat vient de censurer l'arrêt de la CAA de Paris.

 

La haute juridiction rappelle que l'article 4 de la convention fiscale définit le résident comme une personne "assujettie à l'impôt" en vertu de la législation locale. Elle en déduit que cette condition de "l'assujettissement" vise la situation d'une personne qui entre dans le champ d'application de l'impôt de par la loi, en raison de ses liens de rattachement avec l'État concerné. En revanche, le fait que cette personne ait été, in fine, effectivement imposée ou ait payé un impôt au titre d'une année donnée est "sans incidence".

Une société peut parfaitement être assujettie à l'impôt sur les sociétés dans un État tout en ne payant aucun impôt une année donnée.

le caractère effectif de la soumission à l'impôt sur les sociétés aux Pays-Bas était sans incidence pour l'application des stipulations de la convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973, 

 

En exigeant une preuve de l'imposition effective, la cour a donc ajouté au traité une condition qu'il ne comporte pas. L'erreur de droit est ainsi caractérisée.

 

Réglant l'affaire au fond, le Conseil d'État examine alors la pièce produite par la société L. Il juge que le certificat de résidence délivré par l'administration fiscale néerlandaise est suffisant pour établir que la société bénéficiaire était bien résidente des Pays-Bas au sens de l'article 4. Il en tire la conséquence qu'en vertu de l'article 12 de la convention, les redevances n'étaient imposables qu'aux Pays-Bas. La retenue à la source appliquée en France n'était donc pas justifiée.

 

TL;DR

  • Conventions fiscales et résident fiscal : c'est la soumission à la loi fiscale qui compte, non le paiement effectif de l'impôt. 
  • Le certificat de résidence délivré par l'administration fiscale de l'État de résidence constitue un élément de preuve suffisant de la qualité de résident fiscal au sens des conventions.

 

Publié le jeudi 2 octobre 2025 par La rédaction

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