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Exonération de retenue à la source sur dividendes : le critère du siège de direction effective jugé non conforme au droit de l'UE

Le juge de l'impôt nous rappelle que le critère du siège de direction effective, tel qu'inscrit à l'article 119 ter du CGI, ne peut être opposé à une société mère européenne pour refuser l'exonération de retenue à la source sur les dividendes perçus de sa filiale française.

 

Le régime fiscal des distributions de dividendes entre sociétés mères et filiales situées dans différents États membres de l'UE est encadré par la directive 2011/96/UE du 30 novembre 2011, dite directive "mères-filiales". Cette directive vise à éliminer la double imposition des bénéfices distribués au sein de groupes de sociétés transnationaux en imposant aux États membres d'exonérer de retenue à la source les dividendes versés par une filiale à sa société mère située dans un autre État membre, sous réserve que certaines conditions soient remplies.

 

L'article 2 de la directive définit une "société d'un État membre" comme toute société qui revêt l'une des formes énumérées en annexe, qui est considérée comme ayant son domicile fiscal dans cet État membre selon la législation fiscale dudit État, qui n'est pas considérée comme ayant son domicile fiscal hors de l'Union en vertu d'une convention de double imposition avec un État tiers, et qui est assujettie à l'un des impôts énumérés sans possibilité d'option ou d'exonération. 

 

En droit français, la transposition de cette directive a été opérée notamment par les articles 119 bis et 119 ter du CGI. Le premier prévoit l'application d'une retenue à la source et le second son exonération en présence de dividendes versés par une filiale à sa société mère établie dans un autre État membre. La transposition du régime en droit français, à l'article 119 ter du CGI, subordonne toutefois cette exonération à plusieurs conditions. L'une d'elles, exige que la société mère bénéficiaire ait son siège de direction effective dans un État membre de l'Union européenne.

 

Or, comme nous l'avons rappelé ci-avant la directive elle-même définit la notion de « société d'un État membre » à son article 2 par référence à son domicile fiscal selon la législation de cet État, et non à son siège de direction effective. C'est de cette divergence textuelle qu'est né le contentieux.

 

Rappel des faits :

La SAS CH France a versé en 2012 et 2013 d'importants dividendes (1 000 000 € et 1 511 948 €) à sa société mère, la société de droit belge CBH. Se prévalant des dispositions de l'article 119 ter du CGI, la société française n'avait appliqué aucune retenue à la source.

 

À l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause cette exonération. Son argumentation reposait sur le fait que la société belge ne disposait pas de son siège de direction effective en Belgique ( Mais ailleurs aux États-Unis où se trouvait le véritable centre de décision du groupe). L'administration considérait que la société mère manquait de substance économique réelle dans son État de résidence (absence de bureaux, de personnel, de pouvoir décisionnel autonome), ce qui l'excluait du bénéfice du régime d'exonération tel que transposé en droit français. L'administration soutenait que le législateur français avait fidèlement transposé l'esprit de la directive et que les termes clairs de la loi ne nécessitaient aucune interprétation.

 

La SAS CH France, a contesté cette analyse en soutenant principalement que l'article 119 ter du CGI constituait une transposition incorrecte de la directive. En ajoutant la condition de siège de direction effective, non prévue par le texte européen, le droit français créait une restriction injustifiée à la liberté d'établissement. La société faisait valoir que le critère pertinent devait être celui du domicile fiscal, tel que défini par la directive, et que sa mère était bien résidente fiscale en Belgique, où elle était assujettie à l'impôt sur les sociétés.

 

Le Tribunal administratif de Rennes, en première instance, a donné raison au contribuable. L'administration a fait appel de ce jugement.

 

La Cour administrative d'appel de Nantes vient de confirmer le jugement de première instance en rejetant tous les arguments du ministre

 

 

Le raisonnement de la cour repose sur le fait qu'il existe une divergence fondamentale entre le droit français et la directive mères-filiales.

 

Alors que l'article 119 ter du CGI exige que la société bénéficiaire des dividendes ait son "siège de direction effective" dans un État membre, la directive 2011/96/UE se réfère uniquement au "domicile fiscal" tel que défini par la législation de l'État membre concerné.

 

La cour a estimé que cette exigence française constituait une restriction illégitime au principe d'exonération posé par la directive, et ce même si le critère du siège de direction effective présente un caractère objectif. Cette condition, autonome par rapport à la législation de l'État de résidence, va au-delà de ce que prévoit la directive européenne.

 

En conséquence, la cour a appliqué une interprétation conforme et neutralisé le critère du siège de direction effective. Seules doivent être vérifiées les conditions prévues par la directive : avoir son domicile fiscal dans un État membre selon la législation de cet État, et ne pas être considéré comme résident fiscal hors de l'Union en vertu d'une convention avec un État tiers.

 

Cette interprétation a conduit la Cour à écarter l'argument tiré de l'absence de siège de direction effective en Belgique.

 

Publié le vendredi 10 octobre 2025 par La rédaction

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