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Conventions fiscales

Etablissement stable : quand la mise à disposition de personnel dissimule une installation fixe d’affaire

La juridiction administrative vient de rappeler que la mise à disposition d’un donneur d’ordre français d’une équipe importante et structurée de personnels pendant près de deux ans par une société étrangère, ne peut être qualifiée de simple mise à disposition de personnel, mais constitue bien une installation fixe d’affaire constitutive d’un établissement stable.

En vertu de l’article 209-I du CGI , les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions, sont passibles de l’impôt sur les sociétés.

Ces dispositions doivent donc appréhendées à la lumière de la convention fiscale signée entre la France et Chypre le 18 décembre 1981 laquelle défini la notion d’établissement stable (Art 5) et précise (Art. 7) que les bénéfices d’une entreprise d’un Etat ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable.

Rappel des faits :

Dans le cadre de sa participation à la construction des infrastructures se l’EPR de Flamanville la SA BTP a eu recours à des sous-traitants, et notamment la société de droit chypriote AL dont le siège social est situé à Nicosie.

Après avoir constaté que la société AL avait exercé un travail dissimulé, l’Urssaf de la Manche a estimé que la société BTP n’avait pas respecté son obligation de vigilance prévue par les articles L. 8222-1 et suivants du code du travail.

L’Urssaf a alors, le 26 juillet 2011, dressé à l’encontre de la SA BTP un procès-verbal de travail dissimulé.

A la suite d’une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2012, l’administration fiscale a, par une proposition de rectification du 30 septembre 2014, décidé de mettre à la charge de la société AL des rappels en matière de TVA, de taxe d’apprentissage, de FPC, d’IS, de CVAE et de retenue à la source relative aux bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères.

Ces impositions ont été mises en recouvrement le 31 mars 2015. En l’absence de paiement par la société AL, l’administration fiscale a, par lettre du 4 août 2016, informé la SA BTP qu’en application de l’article 1724 quater du CGI, un avis de mise en recouvrement allait lui être adressé en vue du paiement des sommes dues par la société AL, au prorata du chiffre d’affaires réalisé par ce sous-traitant avec son donneur d’ordre, la SA BTP.

Cet avis de mise en recouvrement a, le 12 septembre 2016, mis à la charge de la SA Bouygues TP une somme de 2 163 925 €. Après rejet de ces réclamations, la SA BTP a demandé au TA de Caen de prononcer la décharge de ces impositions.

Par un jugement du 20 septembre 2019, le TA de Caen a fait droit à sa demande. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance a relevé appel de ce jugement.

La Cour administrative d’appel de Nnates vient de donner raison à l’administration fiscale.

 

Au cas particulier, la Cour rappelle que l’administration fiscale s’était prévalue du fait :

  • que les travailleurs polonais de la société AL sont intervenus en France (Flamanville) pour le compte de la société BTP pour une *durée supérieure à un an (Du 16/09/2009 au 25-26/06/2011- date du rapatriement dans l’urgence de l’ensemble des intérimaires à la suite du contrôle URSSAF).

  • que les contrats de travail étaient signés sur place en France

  • que la représentante légale de la société AL en France, qui fournissait également les bulletins de paie et signait divers documents justificatifs transmis à l’administration française.

  • que le contrat signé entre la société BTP et la société AL prévoyait la mise à disposition d' un chef de chantier principal, de trois chefs de chantier, de trois assistants chefs de chantier, et de quinze équipes, composées chacune d’un chef d’équipe et de cinq coffreurs .

  • que le contrat prévoyait la mise à disposition d’un coordinateur administratif francophone dont la mission était

    • d’accueillir les travailleurs,

    • de rechercher des moyens de locomotion,

    • d’encadrer le personnel mis à disposition, notamment par le pointage des heures et la retransmission de ces informations au siège pour facturation,

    • et de faire l’interface avec la société BTP.

Ainsi pour l’administration l’existence d’un établissement autonome en France était démontrée ce qui justifiait l’existence d’un établissement exploité en France au sens l’article 209-I du CGI.

 

En effet pour l’administration ces éléments de faits appréciées à la lumière de l’article ( de la convention franco-chypriote (Art. 5 Etablissement stable) permettent de démontrer que la société AL a mis au service du donneur d’ordre une équipe structurée de personnels du bâtiment, et ce pendant une durée supérieure à un an. […] une telle organisation ne saurait être qualifiée de simple mise à disposition de personnel , mais constitue bien un chantier de construction, dont la durée était par ailleurs supérieure à douze mois.

Pour la Cour, il ressort de ces précisions que la société AL disposait de représentants permanents sur le site de Flamanville.

qu’à supposer même que la qualification de chantier ne puisse être retenue la société AL doit être regardée comme ayant disposé à tout le moins, de 2009 à 2011, d’une installation fixe d’affaire en France sur le lieu du chantier de l’EPR de Flamanville.

 

Publié le mardi 21 septembre 2021 par La rédaction

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