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Impôt sur les sociétés

Fiscalité et ré-industrialisation : les recommandations du Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO)

Face au déclin industriel de la France le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) analyse dans son rapport de septembre 2025 le rôle de la fiscalité dans cette dynamique. Ledit rapport dresse le constat d'un cadre fiscal et social souvent instable et peu favorable à la compétitivité. Il propose une stratégie visant à offrir une meilleure prévisibilité aux entreprises industrielles, axée sur la stabilisation de l'impôt sur les sociétés et une refonte  des impôts de production.

 

Le rapport du CPO souligne que la désindustrialisation française résulte en partie de choix fiscaux discontinus qui ont pénalisé la compétitivité du secteur. Bien que l'outil fiscal ne soit pas le principal levier de la réindustrialisation, son instabilité et sa structure particulière  en France constituent un frein majeur aux investissements à long terme, caractéristiques de l'industrie.

 

L'industrie française, qui représente 14,5% de la valeur ajoutée nationale en 2023, supporte un ensemble de prélèvements obligatoires estimé à 91 Mds$. Cette charge fiscale et sociale se répartit entre :

  • les cotisations sociales employeurs (45,3 Mds),
  • l'impôt sur les sociétés net (13 Mds),
  • les impôts de production (13,1 Mds)
  • et les impôts sur les salaires (6,6 Mds). 

Le rapport souligne que depuis le milieu des années 2000, la France a engagé un effort considérable d'allègement fiscal pour contrer la désindustrialisation.

  • Le taux de l'IS a été progressivement ramené de 33,3% à 25%, permettant un rapprochement avec la moyenne OCDE de 23,9%. Cette baisse a particulièrement bénéficié à l'industrie, dont le taux implicite d'imposition avant crédits d'impôt est passé de 23,2% à 17,5% entre 2016 et 2022, soit une réduction de 5,7 points contre 3,2 points pour l'ensemble des entreprises.
  • Parallèlement, les allègements de cotisations sociales ont permis de modérer la hausse du coût du travail. Entre 2012 et 2023, les cotisations sociales employeurs ont diminué de 2,7 points de valeur ajoutée brute dans l'industrie. Cependant, le secteur industriel bénéficie relativement moins de ces allègements que les services, en raison de la structure de ses rémunérations, plus élevées que le SMIC autour duquel sont conçus les dispositifs d'exonération.
  • Les impôts de production ont également fait l'objet d'un effort d'allègement. La réforme de 2021 a notamment réduit de moitié le poids cumulé de la CVAE, de la CFE et de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui est passé de 3,61% à 1,94% de la valeur ajoutée industrielle.

Ces réformes ont eu un effet positif sur la compétitivité des entreprises industrielles, mais n'ont pas permis de corriger entièrement les distorsions sectorielles.

 

L'industrie demeure en effet surreprésentée dans le produit des impôts de production. Elle acquitte 24,4% de la CFE, 25,9% de la CVAE et 29,6% de la C3S, alors qu'elle ne représente que 14,5% de la valeur ajoutée. Cette situation est particulièrement problématique pour la C3S, qui...

...agit comme un impôt en « cascade » : un bien est taxé à nouveau chaque fois qu’il entre dans la chaîne de production d’une entreprise différente, pénalisant plus particulièrement les biens complexes et transformés, comme ceux produits par le secteur industriel.

 

La France maintient par ailleurs un niveau élevé de soutien fiscal à la recherche et à l'innovation, avec un CIR représentant 7,3 Mds€ en 2023. Si l'industrie manufacturière en est le principal bénéficiaire avec 65,6% des dépenses, les évaluations soulignent un effet multiplicateur insuffisant et des phénomènes d'aubaine, notamment pour les grandes entreprises. Le CPO souligne ainsi le manque d'efficience du soutien fiscal à la recherche et à l’innovation. Si plusieurs mesures ont d'ores et déjà été prises par le législateur (Art. 55 de la LF pour 2025) le rapport précise que...

...celles-ci pourraient être utilement complétées par une mesure visant à apprécier le CIR au niveau du groupe, et non plus de l’établissement, ou à supprimer la possibilité de prendre en compte dans les dépenses éligibles les dépenses sous-traitées à des entités privées.

 

L'instabilité fiscale constitue un frein majeur aux décisions d'investissement industriel. Les modifications répétées des calendriers de suppression de la CVAE et de la C3S, ainsi que l'introduction en 2025 d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE), nuisent à la lisibilité du cadre fiscal. Cette contribution, qui porte le taux effectif d'imposition à plus de 30% pour les plus grandes entreprises, remet en cause le signal fiscal favorable qu'avait constitué la baisse du taux normal de l'IS.

 

Dans ce contexte, le CPO formule cinq recommandations articulées autour de deux orientations complémentaires.

 

Orientation n° 1 : stabiliser durablement un cadre fiscal plus favorable à la compétitivité industrielle

  • Recommandation n° 1 : Inscrire un cadrage pluriannuel par grandes catégories d’impôts et de cotisations dans la loi de programmation des finances publiques.
  • Recommandation n° 2 : Intégrer la suppression de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises dans la stratégie de redressement des finances publiques.
  • Recommandation n° 3 : Financer en partie la non-reconduction de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises par un ciblage accru de dépenses fiscales peu efficientes qui limitent le rendement de l’impôt sur les sociétés (calcul du crédit impôt recherche au niveau du groupe, resserrement des régimes zonés, notamment).

Orientation n° 2 : poursuivre l’allégement des impôts de production en privilégiant la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S)

  • Recommandation n° 4 : Réduire les effets de distorsion économique des prélèvements fiscaux sur l’industrie en privilégiant une suppression de la C3S sur celle prévue de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
  • Recommandation n° 5 : Supprimer les dispositifs d’exonération fiscale et sociale sur les heures supplémentaires pour financer la diminution de la C3S.

Publié le mardi 23 septembre 2025 par La rédaction

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