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Impôt sur les sociétés

Ordre d’imputation des déficits reportables : un choix qu'il faut pouvoir justifier

Si le juge de l'impôt confirme l’absence de règle imposant un ordre d’imputation des déficits, il souligne toutefois qu'une société qui prétend avoir imputé, en priorité, ses déficits reportables les plus anciens, doit pouvoir en apporter la preuve.

 

Aux termes mêmes du I de l'article 209 du CGI, lorsque le déficit subi par une entreprise est reporté sur les résultats d'un des exercices suivants, la déduction en est opérée à titre de charge de cet exercice. Il s'ensuit que ce déficit peut faire l'objet d'une rectification dans les formes prévues par la loi, même s'il a été subi au cours d'un exercice prescrit du point de vue de l'établissement de l'impôt.

 

Le délai dont dispose l'administration, en application de l'article L. 169 du LPF pour vérifier l'existence et la quotité d'un déficit court ainsi de l'exercice sur les résultats duquel le déficit a été imputé et non point de l'exercice au cours duquel il a pris naissance.

Pour mémoire le Conseil d'Etat a jugé le 5 juillet dernier (n°464928) que l’administration fiscale est fondée à exercer son pouvoir de contrôle et de rectification sur l'existence et le montant du déficit reportable non imputé et issu d'exercices prescrits. 

Rappel des faits :

La société FE qui exerce une activité de conception et de commercialisation de véhicules de collecte des déchets ménagers et industriels et a absorbé par voie de confusion de patrimoine sa filiale F SAS le 1er janvier 2008, a présenté, entre 2006 et 2009, des résultats constamment déficitaires, pour un montant cumulé de 4 915 693 € à la clôture de l’exercice clos le 31 décembre 2009, ramené à 1 416 380 euros à la clôture de l’exercice clos le 31 décembre 2012 après imputations successives sur les résultats bénéficiaires des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

 

A l’issue d’une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, l’administration fiscale a réduit d’un montant de 1 291 309 € le stock des déficits restant à reporter à l’ouverture de l’exercice clos en 2013, après avoir remis en cause la déduction, au titre de l’exercice clos en 2007, d’une provision de 753 000 € pour dépréciation des titres de sa filiale F SAS, et du mali de fusion consécutif à l’absorption de cette filiale, porté en déduction des résultats de l’exercice clos en 2008 à hauteur d’un montant de 538 309 €.

 

La société FE  demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014.

 

Par un jugement n° 2003519 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

 

Sous le visa des art. L. 169 du LPF et 209-I du CGI, le Tribunal a jugé que les déficits subis sur plusieurs exercices et qui, indistinctement cumulés pour leur imputation sur les bénéfices réalisés ultérieurement, ne peuvent être isolés selon l'exercice au cours duquel ils sont nés.

 

La société FE a fait appel de la décision.

  • Elle estime que le tribunal a fait une inexacte interprétation des dispositions de l’article 209-I duCGI, lesquelles, conformément au principe de liberté de choix de l’ordre d’imputation des déficits consacré par la jurisprudence, ne font pas obstacle à la possibilité d’isoler les déficits reportables en fonction de l’exercice au cours duquel ils sont nés ;
  • Elle estime dès lors qu’elle a fait le choix de gestion d’imputer en priorité les déficits reportables les plus anciens, le déficit né au cours de l’exercice clos en 2007 et résultant notamment de la déduction injustifiée d’une provision de 753 000 € pour dépréciation de titres de participation relative à la société F SAS, doit être regardé comme ayant été intégralement consommé à la clôture de l’exercice clos en 2012 ; pour le même motif, le déficit né au cours de l’exercice clos en 2008, et résultant notamment de la comptabilisation d’un mali de confusion de 583 000 € consécutif à l’annulation des titres de la société Faun SAS, doit être regardé comme ayant été consommé à hauteur de 528 562 € à la clôture de l’exercice clos en 2012. Par conséquent, dans cette mesure, les rectifications apportées par le service aux résultats des exercices clos en 2007 et 2008 n’ont pas eu d’influence sur le résultat de l’exercice non prescrit clos en 2013.

 

La Cour vient de rejeter la requête de la société FE.

 

Si la Cour confirme l’absence de règle imposant un ordre d’imputation des déficits, elle précise également qu'une société qui prétend avoir imputé, en priorité, ses déficits reportables les plus anciens, doit pouvoir en apporter la preuve.

Si la société Faun Environnement fait valoir que, conformément à l’intention qu’elle aurait eue de prendre la décision de gestion, qu’elle s’estime légitime à prendre, d’imputer en priorité ses déficits reportables les plus anciens, le déficit né au cours de l’exercice clos en 2007 devrait être regardé comme ayant été intégralement consommé à la clôture de l’exercice prescrit clos en 2012, et que, pour le même motif, le déficit né au cours de l’exercice clos en 2008, devrait être regardé comme ayant été consommé à hauteur de 528 562 euros à la clôture du même exercice prescrit clos en 2012, elle n’appuie ses allégations d’aucun début de preuve de nature à justifier des modalités selon lesquelles elle aurait été susceptible de procéder effectivement à l’imputation, sur les résultats bénéficiaires des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, des déficits respectivement constatés au titre des exercices clos en 2006, 2007, 2008 et 2009.

 

Dans ces conditions, le reliquat de déficits reportables de la requérante, d’un montant de 1 416 380 euros, constaté à l’ouverture de l’exercice non prescrit clos en 2013 résultait indistinctement de l’ensemble des résultats déficitaires des exercices prescrits concernés dont l’administration fiscale était, par suite, en droit de vérifier le montant.

 

En conséquence[...] la société Faun Environnement n’est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, que c’est à tort que l’administration fiscale a réduit d’un montant total de 1 291 309 euros la charge qu’elle avait déduite de son résultat imposable de l’exercice clos en 2013, sur le fondement de I de l’article 209 du code général des impôts, au titre de son déficit reportable à l’ouverture de cet exercice.

 

Publié le lundi 11 mars 2024 par La rédaction

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