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Impôt sur les sociétés

Requalification fiscale et distribution de revenus : les enjeux de l'activité commerciale d'une SCI

Le juge de l'impôt aborde une question fiscale récurrente : le régime d'imposition applicable à une SCI exerçant, accessoirement à son activité principale de location nue, une activité de location meublée. La décision précise les conditions dans lesquelles une telle société peut être assujettie à l'impôt sur les sociétés et, par voie de conséquence, les modalités d'imposition des revenus distribués à ses associés.

 

Les sociétés civiles qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’impôt sur les sociétés à raison de leur forme (art. 206-1 du CGl) sont, néanmoins, passibles de cet impôt aux termes de l’article 206-2, 1er alinéa du CGl si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations de caractère industriel ou commercial au sens des articles 34 du CGI et 35 du CGI.

 

Ainsi, société civile qui donne habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens des dispositions de l’article 35-5°bis du CGI bis 

Personnes qui donnent en location directe ou indirecte des locaux d’habitation meublés.

A raison de cette activité elle doit être assujettie à l’impôt sur les sociétés en application des dispositions de l’article 206-2 du même code. La doctrine BOFIP précise :

La Haute Assemblée a précisé qu’une société civile qui donne en location des locaux meublés exerce une activité commerciale et doit être assujettie à l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 206-2 du CGI, qu’elle soit ou non propriétaire des meubles garnissant ces locaux (CE, arrêt du 10 juillet 1985, req. n° 40789).

De même, les sociétés civiles dont la seule activité est de louer un local meublé durant la saison estivale exercent une activité industrielle et commerciale; en application des dispositions de l’article 206-2 du CGI, elles sont donc passibles de l’impôt sur les sociétés (Rép. Mauger, AN 20 novembre 1989, p. 5081, n° 15286).»

 

BOI-IS-CHAMP-10-30-20120912, n°250

L’administration admet toutefois que dans le soucis d’éviter les conséquences excessives résultant, dans certaines situations, de la taxation des sociétés civiles à l’impôt sur les sociétés prévue à l’article 206-2, 1er alinéa du CGI, 

II a été décidé de ne pas soumettre ces sociétés à l’impôt sur les sociétés tant que le montant hors taxes de leurs recettes de nature commerciale n’excède pas 10 % du montant de leurs recettes totales hors taxes». 

 

BOI-IS-CHAMP-10-30-20120912, n°320.

La requalification fiscale (imposition à l'IS) emporte des conséquences importantes, notamment quant à l'imposition des sommes mises à la disposition des associés, lesquelles sont alors considérées comme des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en application des articles 108 à 111 du CGI.

 

L'enjeu central de l'affaire portait sur l'interprétation et l'application de ces dispositions, ainsi que sur la possibilité pour le contribuable de se prévaloir de la doctrine administrative.

 

Rappel des faits :

La SCI M, dont M. B. était l'associé majoritaire et le gérant, avait pour activité principale la location de biens immobiliers. Suite à un contrôle fiscal portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, l'administration a constaté que le compte courant d'associé de M. B. avait été crédité de sommes s'élevant à 6.649 € en 2014 et 64.050 € en 2015.

Considérant que la SCI M s'était livrée à une activité commerciale de location meublée la rendant passible de l'impôt sur les sociétés, l'administration a imposé ces sommes entre les mains de M. B. dans la catégorie des RCM, sur le fondement de l'article 109-1-1° du CGI. Ces impositions ont été assorties d'intérêts de retard et d'une majoration pour manquement délibéré de 40% prévue à l'article 1729-a du CGI.

Après avoir vu sa réclamation rejetée, M. B. a saisi le TA de Grenoble qui, par jugement du 16 juin 2023, a rejeté sa demande.

 

M. B a fait appel de ce jugement devant la CAA de Lyon.

  • Il contestait l'assujettissement de la SCI M à l'impôt sur les sociétés, soutenant qu'elle n'exerçait pas d'activité commerciale de manière habituelle.
  • Il invoquait le bénéfice de la doctrine administrative (RM Berger n° 33593 du 11 mai 1981 reprise aux paragraphes 320 et 330 de l'instruction BOI-IS-CHAMP-10-30), selon laquelle une société civile n'est pas soumise à l'IS tant que ses recettes commerciales n'excèdent pas 10% du montant de ses recettes totales hors taxes.
  • Il se prévalait d'une prise de position formelle de l'administration fiscale lors d'un précédent contrôle, qu'il estimait opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du LPF
  • Il contestait enfin le caractère délibéré du manquement qui lui était reproché.

 

La CAA de Lyon a rejeté l'ensemble des moyens soulevés par le requérant et confirmé le jugement de première instance.

 

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, la Cour rappelle qu'une société civile donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du CGI et est, par suite, passible de l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206-2 du même code. Elle précise que la durée de la location est sans incidence sur le caractère habituel de l'activité, lequel résulte du seul fait que les locaux meublés ont été loués à plusieurs reprises.

 

En l'espèce, il était établi que la SCI M avait, au cours des années 2014 et 2015, donné en location un appartement meublé de trois pièces, dont elle avait tiré des recettes d'un montant de 31.088 € HT en 2014 et de 40.851 € HT en 2015. La Cour en déduit que cette activité, dont le caractère habituel était constaté, revêtait un caractère commercial rendant la SCI passible de l'impôt sur les sociétés.

 

S'agissant de l'application de la doctrine administrative, la Cour rejette l'argumentation du requérant. Si la tolérance administrative permet de ne pas soumettre à l'impôt sur les sociétés les sociétés civiles dont les recettes commerciales n'excèdent pas 10% des recettes totales, les juges constatent qu'en l'espèce, le chiffre d'affaires issu de la location meublée représentait 21,74% du chiffre d'affaires total de la SCI en 2014, excédant ainsi le seuil de tolérance.

Quant à l'appréciation du seuil sur la moyenne des recettes des quatre dernières années, la Cour souligne que la SCI n'ayant commencé son activité commerciale qu'en 2014, seul cet exercice pouvait être pris en compte pour la détermination de la moyenne, les énonciations de l'instruction étant d'interprétation stricte.

 

Concernant l'opposabilité d'une prise de position antérieure de l'administration, la Cour observe que lors du précédent contrôle, l'administration avait admis que l'option à l'impôt sur les sociétés exercée par la SCI n'était pas régulière et n'avait finalement imposé aucun revenu distribué en 2013. Cette circonstance ne pouvait donc être regardée comme une prise de position formelle opposable.

Enfin, la Cour confirme l'application de la majoration pour manquement délibéré, adoptant sur ce point les motifs retenus par le TA.

 

TL;DR

  • L'exercice d'une activité de location meublée, même accessoire, suffit à caractériser une activité commerciale entraînant l'assujettissement automatique à l'IS, dès lors que cette activité présente un caractère habituel. Le critère de l'habitude est apprécié de façon objective, sans considération de la durée des locations.
  • S'agissant des conditions d'application de la tolérance administrative permettant d'échapper à l'IS lorsque les recettes commerciales restent marginales, la Cour rappelle que le seuil de 10% s'apprécie exercice par exercice, et que la moyenne sur quatre ans ne peut être invoquée que si la société a effectivement exercé une activité commerciale pendant cette période.
 

 

Publié le mercredi 5 mars 2025 par La rédaction

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