Le juge administratif apporte des précisions concernant le régime des intérêts moratoires en matière de TVA, particulièrement dans le cas d'une TVA facturée à tort et régularisée ultérieurement par une facture rectificative.
L'article L. 208 LPF prévoit que lorsqu'un dégrèvement d'impôt est accordé à la suite d'une réclamation (ou d'une décision de justice), les sommes remboursées donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires. Ces intérêts courent à partir de la date de paiement lorsque l'État est condamné, mais, dans le cadre d'une réclamation et notamment pour un remboursement de TVA, ils débutent à la date de la réclamation qui fait apparaître le crédit remboursable.
Par ailleurs, l'article 283 CGI stipule que toute mention de TVA sur une facture entraîne la redevabilité de la taxe, et que les dispositions relatives aux remboursements et intérêts s'appliquent également lors de régularisation d'erreurs de facturation.
Ces dispositions encadrent la détermination de la période pendant laquelle les intérêts moratoires sont dus lors d'un remboursement de TVA résultant d'une rectification d'erreur de facturation.
Rappel des faits :
En 2011, la société S (ancêtre de RAGT Semences) a vendu des travaux d'études portant sur un patrimoine génétique végétal pour près de 15 M€, facturant à tort une TVA. Suite à une vérification, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la TVA facturée à tort. La société, venue aux droits de S, émet alors une facture rectificative qui ne mentionne plus la TVA, corrigeant ainsi l'erreur.
Le 21 décembre 2016, RAGT Semences a sollicité un remboursement du crédit de TVA résultant de la rectification, à la suite du rejet de la demande initiale par l'administration. Après un refus, une seconde demande est formulée le 20 avril 2018 suite à une nouvelle facture rectificative, et le remboursement correspondant est accordé le 7 mai 2018. La société a demandé, par la suite (réclamation du 28 septembre 2018), le versement d'intérêts moratoires relatifs au remboursement reçu.
Le 15 juin 2020, le TA de Toulouse a rejetté la demande de la société RAGT Semences tendant au versement d'intérêts moratoires. Le 16 mars 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse confirme ce rejet.
La société RAGT Semences s'est pourvue en Cassation devant le Conseil d'État, sollicitant l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel.
La société soutient :
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que les intérêts devraient courir à compter de la date à laquelle la taxe a été initialement facturée et payée à tort (en 2011), car le remboursement prononcé par l'administration fait suite à une erreur ayant induit un dégrèvement similaire à celui prononcé par un tribunal.
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que sa demande de remboursement de 2018 portait sur un crédit de taxe distinct de celui demandé en 2016, impliquant une nouvelle instance fiscale, ce qui devrait ouvrir droit à de nouveaux intérêts moratoires à partir de la nouvelle réclamation.
La haute juridiction vient de rejeter le pourvoi de la société
Le Conseil d'État était ainsi conduit à se prononcer sur deux questions principales : le point de départ des intérêts moratoires dans le cas d'une TVA facturée à tort puis régularisée, et l'autonomie des demandes successives de remboursement.
Sur le premier point, le Conseil d'État rappelle que selon l'article L. 208 du LPF, les intérêts moratoires courent en principe du jour du paiement. Toutefois, s'agissant d'un remboursement de crédit de TVA, où il n'y a pas de paiement préalable par le redevable, les intérêts ne courent qu'à compter de la réclamation faisant apparaître le crédit remboursable. Le Conseil précise que cette règle s'applique également en cas de régularisation d'une TVA facturée à tort.
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Il note que la cour d'appel a correctement interprété les dispositions en concluant que, dans ce cas, le remboursement accordé le 7 mai 2018 portait sur le crédit de taxe né de la rectification, et non sur la taxe initiale collectée et reversée. Par conséquent, le calcul des intérêts doit commencer à la date de la réclamation correspondante et non à la date d'encaissement initiale
Sur le second point, la Haute Assemblée confirme que chaque demande de remboursement fondée sur une nouvelle facture rectificative constitue une instance fiscale distincte. Ainsi, l'administration qui accède à une nouvelle demande ne peut être considérée comme revenant sur sa décision antérieure de rejet.
TL;DR
- la TVA mentionnée à tort sur une facture reste légalement due tant qu'aucune régularisation n'est intervenue, conformément à l'article 283-3 du CGI.
- Le remboursement obtenu après régularisation ne porte pas sur la TVA initialement collectée, mais sur le crédit né de la régularisation.
- Par conséquent, les intérêts moratoires ne peuvent courir qu'à compter de la réclamation ayant fait apparaître ce crédit, et non rétroactivement à la date de collecte de la taxe erronée (ou du versement initial de la TVA).