Taxer plus les dirigeants d’entreprise, c’est négliger l’importance de donner l’envie d’entreprendre et de créer de la richesse.
Pour Jean-Michel Laidin, associé Baker Tilly France, avec la dernière loi de financement de Sécurité Sociale, les dirigeants d’entreprise ayant le statut de Travailleur Non Salarié (TNS) se sont vus particulièrement sanctionnés par le législateur au travers de différentes mesures agissant soit sur le taux des cotisations, soit sur l’assiette qui intègre dorénavant les dividendes.*
Face aux déficits notoires de la Sécurité Sociale et des régimes complémentaires de retraite, l’esprit de solidarité a conduit le gouvernement à augmenter le taux des cotisations obligatoires. C’est ainsi qu’un gérant majoritaire de SARL va subir, s’il est au plafond de la Sécurité Sociale, une majoration de 12 % des cotisations obligatoires ! L’impact des cotisations obligatoires va être plus important chez le gérant que chez l’entrepreneur individuel à revenu professionnel équivalent.
On pourrait penser que cette augmentation entraînerait quelques droits supplémentaires, or il n’en est rien.
Revenir à un statut salarié ?
Face à cette situation, de nombreux cotisants pourraient être tentés de créer des sociétés avec un statut salarié dans le seul but d’échapper au RSI . Ajoutons qu’un bon nombre de TNS deviennent peu à peu « allergiques » à ce RSI à cause de dysfonctionnements répétés.
Ce serait un retour à la situation antérieure à la Loi Madelin de 1994 !
Cette évolution risquerait de mettre gravement en danger l’équilibre financier du régime des indépendants.
En vérité, bien que plus transparent et apprécié, le régime salarié reste, à prestations égales, plus coûteux : au-delà d’un PASS (plafond annuel de la sécurité sociale)…, le budget de cotisations sociales obligatoires pour un salarié représente presque le double d’un TNS.
Ce qu’il faut savoir, c’est que la part « productive » des cotisations obligatoires s’élève à environ 32 % au- delà d’un PASS, que l’on soit salarié ou travailleur indépendant. Au-delà, les cotisations payées n’apportent plus vraiment de contreparties (couverture sociale) supplémentaires à celui qui les paie. C’est la raison pour laquelle certains dirigeants de SARL qui ont le statut TNS font le choix, à partir du moment où leur rémunération a atteint un certain seuil (généralement autour de 37 000 euros), de se verser des dividendes plutôtque d’augmenter encore leur rémunération.
En même temps, ce choix peut se justifier pour rémunérer le risque capitalistique qu’ils prennent chaque jour.
De plus, avec l’intégration des dividendes dans l’assiette des cotisations pour le dirigeant de SARL, ce dernier va se sentir victime d’une injustice sociale par rapport à son confrère président de SAS , qui lui, peut se voir verser des dividendes qui eux, du moins pour l’instant,ne sont pas soumis à cotisations sociales.
N’en déplaise au Conseil Constitutionnel qui justifie la nouvelle rédaction de l' article L 131-6 du Code de Sécurité Sociale par la volonté du législateur de dissuader le versement de dividendes fondé sur la volonté de faire échapper aux cotisations sociales les revenus tirés de l’activité de ces sociétés.
Et ce n’est pas la franchise de cotisations de 10 % de la somme du capital social et de la moyenne des comptes courants d’associé qui va consoler le dirigeant associé.
Distinguer rémunération du travail et rémunération du capital
Le dividende est la récompense d'un capital investi par un investisseur, et il ne résulte pas d'une volonté d'éluder les cotisations.
Par ailleurs, la Loi de Finances pour 2013 a modifié substantiellement les modalités d'imposition des revenus mobiliers perçus par les particuliers.
Outre l'imposition au barème progressif, il est institué sur les dividendes perçus depuis le 1er janvier 2013 un prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, non libératoire ; une avance de 29 % sur l'impôt en quelque sorte.
En effet, sans plus lui donner le choix entre prélèvement libératoire ou intégration dans ses revenus, le dirigeant d'entreprise TNS percevant un dividende en 2013 supportera un prélèvement total de 40 % environ sur celui-ci.
Pour Jean-Michel Laidin : « S'il s'agit de dégoûter définitivement un chef d'entreprise d'investir dans son entrepriseafin, en fonction de la santé de cette dernière, d'en tirer quelques subsides, récompense légitime du risque d'entreprendre, c'est un succès complet ! »
Bientôt tous les dividendes versés aux dirigeants soumis à cotisations sociales ?
De plus, gageons que le législateur sera sous peu tenté de réparer cette injustice en appliquant des cotisations sur les dividendes versés aux salariés dirigeants.
En dissuadant les dirigeants de TPE de distribuer un dividende, on veut peut-être faire passer le message simpliste que supprimer les dividendes permettrait de redistribuer des sommes significatives pour augmenter, de facto, le pouvoir d'achat en faveur des salariés ?
Donner envie d'investir plutôt que de faire des procès d'intention
Manifestement, il y a erreur de casting en confondant les grands groupes internationaux, les ETI avec les entreprises de terrain qui sont les seules à pouvoir créer de l'emploi sur le territoire.
La question est de savoir si l'Etat peut se passer de donner envie d'entreprendre aux entrepreneurs sous prétexte de se faire respecter, sans susciter l'adhésion ni l'intérêt ; c'est d'emblée provoquer le rejet et le rapport de force.
Même si l'intention du législateur de vouloir percevoir de nouvelles recettes fiscales pour réduire le déficit de la nation est louable, les dernières mesures législatives, en consistant à faire des procès d'intention aux entrepreneurs, relèvent de la contrainte et sont l'aveu d'une grande fragilité.
Que faire pour relancer la croissance ?
Expliquer aux entrepreneurs que le pays a besoin d'eux, en leur donnant envie d'investir !