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Fiscalité sociale

Loueur en meublé professionnel : QPC sur validité de la condition d'inscription au RCS avant la réforme de 2020

En décidant de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant l'article 155-IV-2-1° du CGI, le juge de l'impôt soulève de nouveau la question de l'égalité devant la loi et les charges publiques pour les contribuables exerçant une activité de location meublée. Cette décision intervient dans un contexte juridique où la distinction entre loueur professionnel et non professionnel a des iconséquences importantes tant en matière fiscale que sociale.

 

La distinction entre la location meublée professionnelle et non professionnelle est importante, car elle détermine le régime d'imposition des revenus locatifs, les modalités de déduction des charges, et l'assujettissement à l'IFI ou à l'ISF avant sa suppression.

 

Historiquement, , pour être qualifié de loueur en meublé professionnel, plusieurs conditions cumulatives devaient être remplies. Avant la loi de finances pour 2020, l'article 155-IV-2 du CGI posait trois conditions : l'inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS) d'au moins un membre du foyer fiscal en tant que loueur professionnel, la réalisation de recettes annuelles supérieures à 23 000 euros, et des recettes supérieures aux autres revenus du foyer fiscal.

 

Cependant, la loi de finances pour 2020 a supprimé la condition d'inscription au RCS pour les activités de location meublée exercées à titre individuel, reconnaissant que cette exigence était souvent incompatible avec la nature civile de l'activité de location immobilière. Cette suppression visait à simplifier le régime et à éviter des contraintes administratives disproportionnées pour de nombreux loueurs. Néanmoins, pour les exercices fiscaux antérieurs à cette réforme, la condition d'inscription au RCS demeurait un point d'achoppement.

 

Parallèlement, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de se prononcer sur des dispositions similaires. En 2018, la décision n° 2017-689 QPC du 8 février 2018 avait déclaré inconstitutionnelle la condition d'inscription au RCS pour l'exonération des plus-values de cession de locaux professionnels prévue à l'article 151 septies du CGI. Cette décision s'appuyait sur le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, arguant que l'exigence d'inscription au RCS créait une différence de traitement injustifiée entre les contribuables exerçant une même activité. C'est dans ce sillage que s'inscrit la présente QPC.

 

L’administration fiscale a tiré les conséquences de cet arrêt en supprimant de sa doctrine BOFIP-Impôt, les commentaires relatifs à l’inscription au registre du commerce et des sociétés BOI-BIC-CHAMP-40-10-20190320


 

Rappel des faits :

Mme G, loueuse de locaux d'habitation meublés a, en février 2021 sollicité un rescrit social auprès de l'URSSAF Alsace afin de déterminer si son activité impliquait son affiliation au régime social des travailleurs indépendants. L'URSSAF, par un rescrit du 19 avril 2021, lui a signifié qu'elle devait s'affilier, au choix, au régime des indépendants ou au régime général des salariés, et ce, rétroactivement à compter du 1er janvier 2018.

Mme G a contesté cette décision, notamment la date d'affiliation, et son recours amiable ayant été rejeté, elle a saisi une juridiction de sécurité sociale. La cour d'appel de Colmar, par un arrêt du 3 octobre 2024, a fait droit à ses demandes, écartant l'obligation d'affiliation pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019. Pour ce faire, la cour d'appel s'est appuyée sur une interprétation combinée de l'article L. 611-1 du Code de la sécurité sociale et de l'article 155-IV-2-1° du CGI, dans leur rédaction applicable à l'époque, pour apprécier les conditions d'application du statut social de travailleur indépendant aux loueurs de meublés.

 

C'est suite à cet arrêt que l'URSSAF Alsace, se pourvoyant en cassation, a soulevé une QPC. L'URSSAF estime que l'article 155-IV-2 1° du CGI, dans sa version issue de la loi du 29 décembre 2015, qui subordonne la qualification de loueur professionnel à l'inscription du bailleur au RCS, est contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques (article 13 de la DDHC de 1789) et au principe d'égalité devant la loi (article 6 de la même Déclaration).

« Le 1°, du 2, du paragraphe IV de l'article 155 du code général des impôts, dans sa version issue de la loi du n° 2015-1785 du 29 décembre 2015, qui subordonne la qualification de loueur professionnel de locaux d'habitation meublés à l'inscription du bailleur au registre du commerce et des sociétés, est-il contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe d'égalité des citoyens devant la loi garanti par l'article 6 de cette même Déclaration ? »


 

La Cour de cassation a examiné la recevabilité de cette QPC et a estimé qu'il y avait lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

 

Pour justifier sa décision, la Cour de Cassation :

  • a rappelé que la disposition contestée était applicable au litige, car l'arrêt d'appel s'était fondé sur elle pour écarter l'obligation d'affiliation de Mme [G] pour la période concernée. Elle a également noté que cette disposition n'avait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution.
  • a souligné que les dispositions critiquées réservent la qualité de loueur professionnel de locaux d'habitation meublés aux seules personnes dont un membre du foyer fiscal est inscrit au RCS au titre de cette activité. Cela implique que cette personne doit avoir la qualité de commerçant, alors même que l'activité de location meublée est, par principe, de nature civile. Cette distinction crée une différence de traitement qui peut apparaître inconstitutionnelle. En effet, l'exigence d'une inscription au RCS, impliquant une commercialité, pour une activité intrinsèquement civile, pourrait pénaliser injustement les loueurs qui n'ont pas vocation à être inscrits au RCS ou qui ne remplissent pas les conditions pour l'être.

En outre, la Cour de cassation a opéré un rapprochement avec la décision du Conseil constitutionnel de 2018 relative à l'article 151 septies du CGI (Voir ci-avant). Elle a relevé que les dispositions contestées de l'article 155-IV-2-1° du CGI sont similaires à celles de l'article 151 septies du même code, qui ont été déclarées non conformes à la Constitution pour des motifs d'égalité. Cette analogie  laisse présager une possible déclaration d'inconstitutionnalité.

 


 

Si le Conseil constitutionnel venait à déclarer inconstitutionnelle la condition d'inscription au RCS prévue par l'article 155-IV-2-1° du CGI pour la qualification de loueur en meublé professionnel, cela invaliderait rétroactivement, pour les litiges en cours, cette exigence pour les périodes antérieures à la loi de finances pour 2020.

 

Partant, cette décision pourrait entraîner une réévaluation de nombreuses situations fiscales et sociales pour les loueurs en meublé, notamment en ce qui concerne l'assujettissement aux cotisations sociales des indépendants.

 

Publié le jeudi 26 juin 2025 par La rédaction

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