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Fiscalité sociale

Taxe sur les salaires, holding animatrice et directeur général : quand la présomption légale l'emporte sur le pacte d'associés

En présence d'une holding animatrice disposant d'un secteur financier non soumis à la TVA et un secteur « prestations aux filiales » soumis à la TVA, le juge nous rappelle, que la preuve que le directeur général se consacre exclusivement au secteur commercial et managérial et n'a aucune attribution dans le secteur financier est loin d'être évidente 

 

Pour mémoire, la taxe sur les salaires, codifiée sous l'article 231-1 du CGI est due par toutes les personnes ou tous les organismes publics ou privés qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments, à l'exception :

  • de l'Etat, des collectivités locales et de leurs groupements ainsi que de certains organismes limitativement énumérés par la loi,
  • des employeurs assujettis à la TVA sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires (que ce soient des entreprises qui réalisent des opérations obligatoirement imposables à la TVA ou des entreprises ayant opté pour leur assujettissement à la TVA alors qu'elles n'y étaient pas obligatoirement soumises).

Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la TVA réparties en plusieurs secteurs distincts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Il en est ainsi des holdings mixtes ayant un secteur financier non soumis à la TVA et un secteur « prestations aux filiales » soumis à la TVA.

Le Conseil d’État a déjà eu l'occasion de juger (Arrêt du Conseil d'Etat du 8 juin 2011, n° 331848) qu’en raison du caractère transversal des attributions des dirigeants, leurs rémunérations sont présumées être également affectées au secteur financier. En effet, dans une société holding, les pouvoirs des dirigeants s’étendent, en principe, au secteur financier, même si le suivi des activités est confié à des salariés affectés spécialement à ce secteur et même si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible.

Toutefois, comme le rappelle la doctrine BOFIP-Impôts (BOI-TPS-TS-20-30, §200)

l’entreprise peut apporter la preuve que certains de ses dirigeants n’ont pas d’attribution dans le secteur financier. Cette preuve peut être apportée, par exemple, s’il résulte des statuts de la société ou des délibérations du conseil d’administration ou du contrat de travail qu’un dirigeant n’a pas juridiquement le pouvoir d’exercer le contrôle et la responsabilité du secteur financier.

 

Dans cette situation, leurs rémunérations ne doivent pas être affectées au secteur financier pour le calcul de la taxe sur les salaires.

 

Rappel des faits :

La SAS H, société holding animatrice, disposait d'une organisation particulière avec un PDG et quatre directeurs généraux (DG). Cette structure avait fait l'objet d'un encadrement par un pacte d'associés du 11 décembre 2014 qui organisait la gouvernance du groupe dirigé par la société.

À l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notifié par proposition de rectification du 12 juillet 2019 des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires pour les années 2016, 2017 et 2018, d'un montant total de 80 857 €. L'administration a intégré dans l'assiette de la taxe les rémunérations des quatre directeurs généraux, considérant qu'ils exerçaient des fonctions dans le secteur financier au même titre que le président.

 

Après rejet de sa réclamation la société H a contesté cette rectification :

  • Elle se prévaut d'une erreur de base légale de l'administration qui aurait appliqué des dispositions propres aux sociétés anonymes (SA) plutôt qu'aux SAS.
  • Sur le fond, la société a fait valoir que le pacte d'associés du 11 décembre 2014 réservait au seul PDG le secteur financier, excluant expressément les directeurs généraux de l'élaboration, de l'exécution et du contrôle de la stratégie financière. Elle invoquait également le bénéfice de la doctrine administrative BOI-TPS-TS 20-30, paragraphe n° 195

Les holdings mixtes doivent déterminer la taxe sur les salaires par secteur en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Pour les personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs, la taxe sur les salaires doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la TVA et le chiffre d'affaires total.

La question du sort des rémunérations des dirigeants de holdings mixtes ayant un secteur financier non soumis à la TVA et un secteur « prestations aux filiales » soumis à la TVA a donné lieu à plusieurs décisions.

 

Par quatre décisions rendues le 8 juin 2011 (CE, décision du 8 juin 2011, n° 331848CE, décision du 8 juin 2011, n° 331849CE, décision du 8 juin 2011, n° 341018 et CE, décision du 8 juin 2011, n° 340863), le Conseil d’État juge que la taxe sur les salaires des dirigeants affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant entre le chiffre d’affaires qui n’a pas été passible de la TVA et le chiffre d’affaires total. Se référant aux pouvoirs reconnus par l'article L. 225-56 du code de commerce, pour les fonctions de directeur général d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée ou par l’article L. 225-51 du code de commerce, pour le président du conseil d’administration, le Conseil d’État en déduit qu’en raison du caractère transversal des attributions des dirigeants, leurs rémunérations sont présumées être également affectées au secteur financier. En effet, dans une société holding, les pouvoirs des dirigeants s’étendent, en principe, au secteur financier, même si le suivi des activités est confié à des salariés affectés spécialement à ce secteur et même si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible.

 

Toutefois, l’entreprise peut apporter la preuve que certains de ses dirigeants n’ont pas d’attribution dans le secteur financier. Cette preuve peut être apportée, par exemple, s’il résulte des statuts de la société ou des délibérations du conseil d’administration ou du contrat de travail qu’un dirigeant n’a pas juridiquement le pouvoir d’exercer le contrôle et la responsabilité du secteur financier. Dans cette situation, leurs rémunérations ne doivent pas être affectées au secteur financier pour le calcul de la taxe sur les salaires.

 

Le tribunal a rejeté l'ensemble des moyens soulevés par la SAS H, confirmant l'imposition litigieuse.

 

  • Concernant l'erreur de base légale :

La société reprochait à l'administration d'avoir visé des articles du Code de commerce applicables aux directeurs généraux de sociétés anonymes (Art. L. 225-51 et L. 222-51-1) au lieu de ceux spécifiques aux SAS. Le tribunal a d'abord déclaré ce moyen inopérant, car l'imposition était fondamentalement fondée sur l'article 231 du CGI. Surtout, le juge a précisé qu'en toute hypothèse, les directeurs généraux de SAS, en vertu des articles combinés L. 227-6, L. 227-8, L. 225-51 et L. 222-51-1 du Code de commerce, sont également investis d'une responsabilité générale qui s'étend au secteur financier. 

  • Sur le fond :

Le tribunal a relevé que les statuts de la SAS H conféraient aux quatre directeurs généraux "les mêmes pouvoirs que le président", impliquant une responsabilité générale étendue au secteur financier.

 

Bien que le pacte d'associés du 11 décembre 2014 réserve au président la définition de la stratégie financière, le tribunal a jugé que cet acte n'excluait pas expressément les directeurs généraux de l'exécution et du contrôle de cette stratégie. Les documents produits par la société (décision des actionnaires pour une acquisition spécifique et attestation bancaire postérieure) n'ont pas permis de prouver que les directeurs généraux n'intervenaient pas dans le secteur financier de manière générale. Par conséquent, l'administration était fondée à inclure leurs rémunérations dans l'assiette de la taxe sur les salaires.

 

Enfin, le tribunal a rejeté l'invocation de la doctrine BOFIP précitée estimant que qu'elle ne comportait aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle appliquée dans le jugement.

 

  • Le jugement confirme la présomption d'exercice de fonctions dans le secteur financier pour les dirigeants de holdings. Cette présomption s'applique non seulement au président mais également aux directeurs généraux, dès lors qu'ils disposent statutairement de pouvoirs étendus.
  • La décision apporte ensuite des précisions sur la hiérarchie des normes organisant la gouvernance. Si les pactes d'associés peuvent préciser l'organisation interne de la société, ils ne peuvent déroger aux pouvoirs légaux et statutaires des dirigeants. Le tribunal distingue clairement entre la définition de la stratégie, qui peut être réservée à un dirigeant particulier, et l'exécution ou le contrôle de cette stratégie, qui relèvent des pouvoirs généraux des dirigeants.

Publié le lundi 21 juillet 2025 par La rédaction

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