Confirmation de la légalité de l'inclusion des dividendes dans le calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, réfutant les arguments de double imposition et de discrimination soulevés par lune grande banque
Pour mémoire la taxe sur les salaires, instituée par l'article 231 du CGI, constitue un prélèvement au taux de 4,25 % sur les rémunérations versées par les entreprises qui ne sont pas intégralement soumises à la TVA. Cette taxe vise principalement les établissements financiers, les compagnies d'assurance et les professions libérales dont l'activité échappe largement au champ d'application de la TVA.
Le mécanisme de calcul repose sur un rapport d'assujettissement déterminant la proportion des rémunérations effectivement taxée. Ce rapport s'établit entre le chiffre d'affaires non passible de TVA (numérateur) et le chiffre d'affaires total (dénominateur). L'inclusion des dividendes au numérateur de ce rapport a pour effet mécanique d'augmenter l'assiette de la taxe sur les salaires, d'où la contestation de l'appelant.
Parallèlement, la directive 2011/96/UE dite « mère-fille » établit un régime fiscal commun visant à éliminer la double imposition des bénéfices distribués entre sociétés apparentées d'États membres différents. Son article 4 impose aux États membres soit de s'abstenir d'imposer ces dividendes, soit d'autoriser leur déduction de l'impôt sur les sociétés.
Rappel des faits :
BNP Paribas s'est acquittée de la taxe sur les salaires pour les années 2014 à 2019, pour un montant global de 238,7 M€ à titre principal. La société a formé deux réclamations contestant l'inclusion, dans le rapport d'assujettissement, des dividendes perçus de ses filiales éligibles au régime « mère-fille » européen.
Après le rejet de sa demande de restitution par le TA de Montreuil le 16 novembre 2023, BNP Paribas a interjeté appel devant la CAA de Paris.
- La société BNP Paribas conteste l'inclusion des dividende dans le rapport d'assujetissement au regard de plusieurs principes de droit de l'UE et des droits de l'homme. Elle s'appuie notamment sur l'article 4 de la directive « mère-fille » qui prévoit que l'État membre de la société mère s'abstient d'imposer les bénéfices distribués par une filiale établie dans un autre État membre, ou les impose tout en autorisant une déduction de l'impôt sur les sociétés afférent à ces bénéfices. L'objectif de cette directive est d'éviter une double imposition des bénéfices au sein de l'Union européenne.
- La société invoque également le principe de non-discrimination garanti par l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, arguant d'une discrimination sectorielle et par ricochet. Enfin, elle fait valoir une discrimination par ricochet contraire à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné à l'article 1er de son premier protocole additionnel.
Sur le fond, la Cour a rejeté l'ensemble des arguments de la banque française
Concernant la double imposition des bénéfices au regard de la directive « mère-fille »
Elle a d'abord rappelé que cette taxe porte exclusivement sur les rémunérations versées aux salariés, et non sur les dividendes eux-mêmes. L'inclusion des dividendes dans le rapport d'assujettissement ne les fait pas entrer dans l'assiette de la taxe, mais contribue seulement à déterminer la proportion des rémunérations qui y sera soumise.
Cette distinction permet à la Cour de conclure que la prise en compte des dividendes dans ce calcul ne constitue pas une imposition, même indirecte, des bénéfices distribués au sens de la directive « mère-fille ». La circonstance que cette inclusion implique mécaniquement un surcroît de taxe sur les salaires ne change pas la nature juridique du prélèvement, qui demeure une taxe sur les rémunérations et non sur les dividendes.
4. Il résulte des dispositions précitées de l’article 231 du code général des impôts qu’elles ont pour objet d’instituer une taxe portant sur les rémunérations versées par des personnes ou organismes aux salariés qu’elles emploient, dont l’assiette est constituée par une partie de ces rémunérations, déterminée en leur appliquant le rapport entre le chiffre d’affaires non passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d’affaires total, le chiffre d’affaires non passible de la taxe sur la valeur ajoutée retenu incluant les dividendes que celles-ci sont susceptibles de percevoir. Il ne ressort dès lors pas de ce dispositif que les dividendes entrent dans l’assiette de la taxe sur les salaires. Si le montant des dividendes perçus par une société au titre d’une année est pris en compte, avec l’ensemble des recettes et autres produits non passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, pour établir le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires, il a pour seul effet de contribuer à déterminer la proportion dans laquelle les rémunérations seront soumises à la taxe sur les salaires. Par conséquent, la seule prise en compte de ces dividendes à ce titre dans le calcul de l’assiette de la taxe sur les salaires ne peut être regardée comme une imposition, même indirectement subie, des bénéfices distribués, au sens des dispositions précitées de l’article 4 de la directive du 30 novembre 2011, ni comme un impôt qui viendrait s’y substituer, au sens de l’article 2 de la même directive, nonobstant la circonstance que l’inclusion des dividendes au numérateur du rapport d’assujettissement implique un surcroît de taxe sur les salaires. Par suite, le moyen tiré de l’existence d’une double imposition des bénéfices en méconnaissance de la directive du 30 novembre 2011 doit être écarté.
S'agissant des arguments de discrimination, la Cour a constaté qu'il n'existe aucune différence de traitement selon que les filiales sont établies dans un autre État membre de l'Union européenne ou en France, puisque tous les dividendes sont traités de manière identique dans le calcul du rapport. L'argument relatif à la violation de la Charte des droits fondamentaux est également écarté, cette dernière ne s'appliquant qu'aux situations de mise en œuvre du droit de l'Union européenne, et non aux situations purement internes.
TL;DR
- la taxe sur les salaires est un impôt sur les rémunérations et non sur les bénéfices distribués.
- L'inclusion des dividendes dans le rapport d'assujettissement n'est qu'une modalité de calcul de l'assiette de cette taxe, sans pour autant en faire une imposition directe ou indirecte des dividendes.
- la directive ne prohibe que l'imposition directe ou indirecte des dividendes eux-mêmes, et non leur simple prise en compte dans des mécanismes de calcul d'autres impositions.