La Cour Administrative d’Appel de Douai vient d’apporter des précisions concernant le régime de TVA des locations constituant un moyen de poursuivre l’exploitation d’un actif commercial ou d’accroître des débouchés qui sont exclus du régime d’exonération de TVA.
En application des dispositions de l’article 261 D 1° et 2° du CGI sont exonérées de TVA les locations portant d’une part, sur les terres et bâtiments à usage agricole, et d’autre part, sur les terrains non aménagés et les locaux nus, ainsi que les locations ou concessions de droits portant sur ces deux catégories d’immeubles dans la mesure où elles relèvent de la gestion d’un patrimoine foncier.
Mais ce principe est assorti d’exceptions concernant notamment certaines locations (locations de terrains non aménagés et de locaux nus) auxquelles la jurisprudence du Conseil d’État attribue un caractère commercial, et les locations d’emplacements pour le stationnement des véhicules.
En effet, l’article 261 D-2° du CGI exclut de l’exonération les locations qui constituent pour le bailleur un moyen de poursuivre, sous une autre forme, l’exploitation d’un actif commercial ou d’accroître ses débouchés. Les locations de terrains non aménagés ou de locaux nus sont également exclues de l’exonération lorsque le bailleur participe aux résultats de l’entreprise locataire (BOI-TVA-CHAMP-10-10-30 IV-A § 130 et 140).
Rappel des faits :
La SAS LI, avait pour activité l’exploitation d’une clinique privée, sous la dénomination de CMCO. Le 27 août 2010, elle a effectué un apport partiel d’actifs comprenant les éléments constitutifs de ce fonds de commerce de clinique privée à la SAS CMCO. En outre, par une convention de bail conclue le 20 septembre 2010, la SAS LI a donné en location à la SAS CMCO les locaux nécessaires à l’exploitation de ce fonds de commerce.
La SAS LI, qui a pour activité la gestion patrimoniale de participations et d’immeubles et qui n’avait pas opté pour l’assujettissement à la TVA des loyers versés par la SAS CMCO, a fait l’objet, en 2013, d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011.
Estimant notamment, à l’issue de ce contrôle, que les loyers tirés par la SAS LI de la location de ses locaux trouvaient leur contrepartie dans un bail de nature commerciale et devaient, en conséquence, être soumis à la TVA, l’administration a décidé d’opérer les rectifications correspondantes, ce qu’elle a fait connaître à cette société par une proposition de rectification datée du 27 août 2013.
La SAS LI a demandé au TA de Lille de prononcer la décharge des rappels de TVA auxquels elle a été assujettie.
Par un jugement n° 1405752 du 5 décembre 2017, le TA de Lille a rejeté cette demande.
La SAS LI relève appel du jugement.
Pour l’administration cette location, que les parties au bail ont elles-mêmes entendu qualifier de commerciale, aurait permis à la SAS LI de poursuivre, par la SAS CMCO, qui a, moyennant l’interposition d’une société, le même dirigeant, l’exploitation, sous la même dénomination, de son fonds de commerce de clinique.
Elle ajoute que, par la détention de la majorité des parts sociales de la SAS CMCO, la SAS LI, qui tire l’essentiel de ses revenus des loyers perçus de la SAS CMCO, est nécessairement intéressée aux résultats de l’entreprise locataire.
La Cour fait valoir que :
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La SAS LI dont l’objet social est, la gestion patrimoniale de participations et d’immeubles, n’a pas d’activité commerciale et est juridiquement indépendante de la SAS CMCO,
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Les seules circonstances que la SAS LI était, à la date du bail en cause, l’un des trois associés de la SAS CMCO et que son conseil d’administration était dirigé par une société ayant le même dirigeant que la SAS CMCO ne peuvent suffire à établir que le bail de location immobilière en cause aurait eu pour objet et pour effet de permettre à la SAS Littoral Investissements de poursuivre, par la SAS CMCO, l’exploitation du fonds de commerce qu’elle avait précédemment cédé à cette dernière.
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La seule détention par la SAS LI d’une part, certes très significative, du capital de la société preneuse ne permet pas, en l’absence de stipulation du bail ou de modalités de fixation de loyers qui l’associeraient à l’exploitation ou aux résultats de cette dernière, de regarder le bail en cause comme lui conférant le caractère d’exploitant délivrant des services autres que la simple mise à disposition de locaux.
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Le fait que le bail en cause a été qualifié de commercial par les parties elles-mêmes demeure sans incidence sur la qualification qu’il convient de lui donner au regard de l’article 261 D du CGI.
Pour la Cour la SAS LI est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 5 décembre 2017, le TA de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de TVA auxquels elle a été assujettie.
Le jugement n° 1405752 du 5 décembre 2017 du TA de Lille est annulé.