Régime marchands de biens et non-respect partiel de l’engagement de revendre : il n’est pas trop tard pour demander une restitution ou contrer un redressement !

22/09/2016 Par Pierre Appremont
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En application de l’article 1115 du CGI, l’acquisition d’un immeuble par un assujetti à la TVA avec engagement de revente dans le délai de 5 ans, est soumise aux droits d’enregistrement au taux de 0,715 % au lieu de 5,80 % (ou 6,40 % en Ile-de-France).

 

En cas de défaut de respect de l’engagement de revente , l’acquéreur est tenu de verser le différentiel de droits majoré des intérêts de retard au taux de 4,80 % l’an (article 1840 G ter du CGI).

Dans son instruction 7 C-2-11 du 18 avril 2011 (reprise au Bulletin officiel des finances publiques BOI-ENR-DMTOI-10-50-20140429 n° 110 ) publiée à l’occasion de la réforme de la TVA immobilière et des droits d’enregistrement de 2010, l’Administration Fiscale a introduit la tolérance suivante dans le cas de la revente par lots d’un immeuble acquis sous le régime de l’article 1115 du CGI : « ‎lorsqu’à l’échéance du délai de cinq ans, l’engagement de revendre n’est respecté que pour une fraction du bien sur lequel il portait, l’acquéreur est redevable des droits dont il a été dispensé, ainsi que des frais et intérêts de retard qui en résultent, à hauteur de la différence entre le prix auquel il avait acquis le bien et le prix auquel a été vendu la (ou les) fraction du bien pour laquelle l’engagement a été respecté. Cette solution s’applique par parcelle ou lot lorsque le prix d’acquisition a été distingué dans l’acte ».

Lorsque la somme des prix de vente des lots revendus dans le délai de 5 ans est supérieure au prix d’acquisition de l’immeuble, aucun complément de droits n’est dû bien que certains lots n’aient pas été revendus dans le délai de 5 ans (sous réserve que le prix d’acquisition de l’immeuble n’ait pas été ventilé par lot dans l’acte d’acquisition).

Les faits :

Une société marchand de biens a acquis entre 2004 et 2007 différents immeubles sous le régime de l’article 1115 du CGI‎, c’est à dire avec l’engagement de revente dans le délai de 4 ans (délai alors en vigueur, le délai de revente ayant été porté à 5 ans par la réforme de 2010).

En 2013, l’Administration Fiscale a notifié un redressement dans la mesure où pour chacun des immeubles, seule une partie des lots avait été revendue dans le délai de 4 ans.

La société a contesté ces redressements sur la base de la doctrine précitée puisque pour chaque immeuble, la somme des prix de vente des lots revendus dans le délai de 4 ans excédait ‎le prix d’acquisition de l’immeuble.

L’Administration fiscale a maintenu les redressements considérant que cette doctrine n’était applicable qu’aux opérations réalisées à compter du 11 mars 2010 , date d’entrée en vigueur de la réforme de la TVA immobilière et des droits d’enregistrement de 2010.

Compte tenu de la localisation des immeubles, la société a saisi le Tribunal de grande instance de Nanterre, lequel lui a donné gain de cause , et celui de de Paris, qui a en revanche confirmé les redressements, ce qui a conduit la Cour d’appel de Paris à trancher le point :

Elle confirme l’application de la doctrine publiée antérieurement à la notification des redressements même si elle est postérieure aux faits !*

 

Dans sa décision du 13 septembre 2016 (2015/07471, pôle 5, ch 5-7), la Cour d’appel de Paris relève que la réforme de 2010 n’a pas modifié le régime de sanction applicable en cas de non-respect de l’engagement de revente (article 1840 G ter du CGI) et que l’instruction fiscale précitée fixe pour la première fois une interprétation de cet article.

La Cour en conclut que la solution résultant de cette doctrine (pas de complément de droits dû si le prix de vente des lots revendus dans le délai de 5 ans est supérieur au prix d’acquisition de l’immeuble) est opposable à l’Administration Fiscale depuis le 18 avril 2011 (date de sa publication) et donc doit donc être appliquée aux propositions de rectification (et donc aux avis de mise en recouvrement) postérieures au 18 avril 2011.

Cette décision confirme donc la possibilité d’invoquer la doctrine précitée, y compris pour les opérations d’achat-revente d’immeuble antérieures au 18 avril 2011 dès lors que la proposition de rectification est postérieure ‎à cette date.

Il est encore possible de déposer des réclamations aux fins de dégrèvements lorsque les compléments de droits ont été acquittés :

  • soit spontanément , le délai de réclamation expirant le 31 décembre de la 2nde année suivant le versement, c’est à dire le 31 décembre 2016 pour un paiement spontané en 2014,

  • soit à la suite d’une proposition de rectification (le contribuable pouvant revenir sur son acceptation des redressements), le délai de réclamation expirant le 31 décembre de la 3ème année suivant celle de la notification, c’est à dire avant le 31 décembre 2016 pour une proposition de rectification reçue en 2013.

Au-delà du régime marchands de biens de l’article 1115 du CGI, cette décision ouvre dans tous les domaines la possibilité à des recours afin d’invoquer une doctrine administrative nouvelle dès lors qu’elle est antérieure à la proposition de rectification.

A propos des auteurs

  • Pierre Appremont est

    • Avocat associé au sein du cabinet d’avocats Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP

    • Professeur à l’ICH-CNAM

    • Auteur du blog fiscalimmo.fr

  • Samuel Drouin, est avocat counsel au sein du cabinet d’avocats Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP

Chronique de Pierre Appremont avocat associé au sein du cabinet d’avocats Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP

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