Pour la juridiction administrative une location ne constitue pas une activité économique lorsque, en raison du caractère insignifiant ou symbolique du montant du loyer stipulé dans le bail ou du montant des loyers effectivement encaissés, elle doit être regardée comme une libéralité consentie par le bailleur au bénéfice du preneur.
Rappel des faits
La SCI le H qui exerce une activité de location immobilière, a été créée le 1er juillet 2008. Son capital social est détenu à hauteur de 80 % par M. A à hauteur de 10 % par M. et Mme DA qui sont ses parents, les 10 % restants étant attribués à la SAS S dont le capital social est détenu par M. et Mme DA
Le 3 juillet 2008, la SARL B, dont M. A possède 90 % des parts sociales, a conclu un bail commercial avec la SCI le H portant sur des locaux de 600 m² afin d’y exploiter un commerce de restauration sur place, de salon de thé et de bar musical pour un loyer de 1500€HT/mois. Par un premier avenant du 1er août 2008, la surface louée a été ramenée à 45 m² et le loyer à 100€HT/mois. Par un second avenant du 1er juillet 2010, la surface louée a été portée à 600 m² et le loyer à 1500€HT/mois.
Le 12 août 2008, la SCI le H a opté pour l’assujettissement des loyers à la TVA , ce qui, compte tenu des travaux qu’elle a effectués dans les locaux loués, lui a permis de bénéficier de remboursements de crédit de TVA.
A l’issue d’une vérification de comptabilité qui portait sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, l’administration a notifié à la SCI un redressement portant sur la TVA que la SCI le H avait déduite à raison des travaux qu’elle avait réalisés au cours de cette période, soit 105 262 euros, notamment au motif que la modicité des loyers encaissés par la société requérante traduisait une libéralité consentie par elle au profit de la SARL B.
Pour remettre en cause l’assujettissement à la TVA de la location consentie par la SCI le H à la SARL, l’administration fiscale s’est notamment fondée sur la modicité des loyers encaissés par la société requérante qui se sont élevés à 5 300 euros en 2010, à 1 500 euros en 2011 et à zéro en 2012 alors que le prix de revient de l’immeuble était de 762 920 euros. La société requérante fait valoir, pour sa part, que la SARL n’a pas immédiatement obtenu les autorisations administratives nécessaires pour l’exercice de son activité, que les travaux d’aménagement intérieur ont été d’une ampleur telle qu’ils ont eu pour effet de différer de deux années le démarrage de cette activité et que, faute de recettes, la SARL a rencontré des difficultés de trésorerie, ce qui l’a conduite à déposer son bilan en 2013.
La SCI le H a demandé au TA de Strasbourg la décharge de ces rappels. Par un jugement rendu le 29 juin 2017, le TA de Strasbourg a rejeté ses demandes. La SCI le H a relevé appel de ce jugement.
Il résulte des dispositions des articles 256, 260 et 271 du CGI qu’est considéré comme assujetti quiconque exerce, de façon indépendante, une activité économique , quels que soient les buts et les résultats de cette activité.
Une activité est, en règle générale, qualifiée d’économique lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération .
La possibilité de qualifier une opération d'« opération à titre onéreux » suppose uniquement l’existence d’un lien direct entre la livraison de biens ou la prestation de services et une contrepartie réellement reçue par l’assujetti.
Ainsi, le fait qu’une opération économique soit effectuée à un prix supérieur ou inférieur au prix normal du marché est sans pertinence s’agissant de cette qualification. Il en va de même du lien pouvant éventuellement exister entre les parties à l’opération.
«En particulier, la location d’un immeuble moyennant un loyer constitue en principe une activité économique et la seule circonstance que, compte tenu notamment du coût de revient de l’immeuble, le loyer consenti soit anormalement bas au regard d’une gestion commerciale normale ne permet pas de remettre en cause cette qualification d’activité économique. En revanche, une location ne constitue pas une activité économique lorsque, en raison du caractère insignifiant ou symbolique du montant du loyer stipulé dans le bail ou du montant des loyers effectivement encaissés, elle doit être regardée comme une libéralité consentie par le bailleur au bénéfice du preneur.»
S’agissant de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 :
Si l’administration relève que la société requérante n’a recouvré que 5 300 euros en 2010, ce montant ne peut cependant être regardé, en l’espèce, comme revêtant un caractère insignifiant au regard du loyer stipulé. Par suite, c’est à tort que le service a regardé l’activité de location de la SCI comme dépourvue de caractère économique au motif que la société requérante aurait, durant l’année 2010, consenti une libéralité au profit de la SARL Bellevue.
«Il suit de là que la SCI le H est fondée à soutenir que les travaux qu’elle a effectués au cours de l’année 2010 relevaient du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée et qu’en conséquence, l’administration n’était pas fondée à remettre en cause leur caractère déductible.»
S’agissant de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 :
Le montant porté sur la déclaration 2072 de la SCI le H, qui correspond aux loyers encaissés, s’élevait seulement à 1500 € en 2011 et 0 en 2012.
Pour la Cour, la circonstance que la SARL Bellevue a été placée en liquidation judiciaire en 2013 ne permet pas, à elle seule, d’établir que sa situation financière ne lui permettait pas de payer la totalité du loyer dû par elle à la SCI le H au cours de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. Le fait que ces deux sociétés avaient un actionnariat commun ne faisait pas obstacle à ce que la société requérante exerçât des mesures de recouvrement forcé à son encontre. L’article 23 du bail commercial conclu entre ces deux sociétés permettait à la SCI le H d’obtenir la résiliation de plein droit de ce contrat dès le premier loyer impayé, deux mois après une commande de payer ou une simple mise en demeure restée infructueuse et la société requérante n’apporte aucune explication sur le fait qu’elle n’a pas fait usage de cette faculté. Si la SCI le H soutient qu’elle a acquis la propriété des aménagements réalisés par la SARL , ce transfert de propriété ne constituait pas une modalité de paiement du prix du loyer prévue par les stipulations contractuelles et, par voie de conséquence, il n’existait pas de lien direct entre la location consentie par la SCI le H et le transfert de la propriété de ces aménagements.
Eu égard au caractère insignifiant du montant des loyers encaissés par la SCI le H au cours de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, l’activité de location exercée dans de telles conditions a pu à bon droit être regardée comme une activité dépourvue de caractère économique en raison de la libéralité ainsi consentie par la SCI le H à son preneur. Il s’ensuit que l’administration était fondée à remettre en cause l’option pour la taxe sur la valeur ajoutée exercée par la société requérante.