Le juge de l'impôt vient de nouveau de se prononcer sur un cas de remise en cause du taux réduit de TVA de 5,5% applicable à l'acquisition d'un logement neuf destiné à la résidence principale. Cette décision nous apporte des précisions sur l'interprétation des exceptions à la remise en cause de ce taux réduit, notamment en matière de mobilité professionnelle et de mariage.
L’article 278 sexies-I et II-11 du CGI soumet au taux réduit de 5,5 % de la TVA les livraisons et livraisons à soi-même (LASM) d’immeubles dans le cadre d’une opération d’accession à la propriété à usage de résidence principale, destinés à des personnes physiques sous conditions de ressources et situés dans des quartiers faisant l’objet d’une convention prévue à l’article 10 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 ou entièrement situés à une distance de moins de 300 mètres de la limite de ces quartiers.
L’article 284-II du CGI prévoit un dispositif de reversement du différentiel de TVA dû lorsque les conditions d’octroi du taux réduit de la TVA pour l’acquisition de l’immeuble ne sont plus remplies par les acquéreurs, notamment lorsque le logement ne constitue plus la résidence principale du ménage, ou que ce dernier cède son logement avant le délai de quinze ans (délai ramené à 10 ans pour les livraisons intervenant à compter du 1er janvier 2014).
Toutefois, la doctrine BOFIP BOI-TVA-IMM-20-20-20 prévoit la dispense de reversement du différentiel de TVA en cas de survenance de certains évènements, tels que le décès de l’accédant ou d’un descendant direct faisant partie du ménage, la mobilité professionnelle impliquant un trajet de plus de 70 km entre le nouveau lieu de travail et le logement en cause, le chômage d’une durée supérieure à un an, la délivrance d’une carte d’invalidité, ou encore le divorce ou la dissolution d’un pacte civil de solidarité.
Par ailleurs, comme le ministre s’y était engagé au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2014, la doctrine fiscale précitée dans sa version en vigueur à compter du 15 juillet 2014, prévoit au paragraphe 430 l’extension de la liste des cas de dispense de reversement du complément de taxe à la survenance des événements suivants : mariage, conclusion d’un pacte civil de solidarité, naissance d’un enfant et délivrance d’un carte d’invalidité à l’un des enfants à charge. Ces événements sont pris en compte dès lors que les conditions d’octroi du taux réduit de la TVA ne sont plus remplies à compter du 1er janvier 2014
Ces exceptions visent à ne pas pénaliser les acquéreurs de bonne foi contraints de modifier leur situation résidentielle pour des motifs légitimes.
Rappel des faits :
En l'espèce, M. B a acquis en 2010 une maison VEFA à Nemours, bénéficiant du taux réduit de TVA à 5,5%. Il a revendu ce bien en avril 2019, soit moins de quinze ans après l'acquisition. Suite à un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause partiellement le bénéfice de ce taux réduit et a émis un rappel de TVA. Les époux B ont contesté cette imposition, arguant que leur déménagement et la vente étaient justifiés par l'éloignement du lieu de travail de Mme B (Arcueil, à 74 km de leur domicile) et que leur mariage, célébré en août 2011, constituait une condition d'exonération prévue par la doctrine administrative.
Leur réclamation préalable ayant été rejetée, ils ont saisi le Tribunal administratif de Melun.
Les époux B se prévalent de deux éléments :
- la mobilité professionnelle de Mme B, soutenant que la distance de 74 km entre le domicile et son lieu de travail justifiait la vente de la maison et le déménagement.
- leur mariage, célébré en 2011, un événement de nature à justifier l'exonération prévue par la doctrine.
Le Tribunal vient de rejeter la requête des époux B
Concernant la mobilité professionnelle :
Le Tribunal a jugé que la circonstance invoquée par les requérants, à savoir la distance entre le lieu de travail de Mme B et le domicile, était sans incidence sur le bien-fondé du rappel de TVA.
Le juge a souligné le caractère strict de l'interprétation administrative, rappelant que l'exception ne concernait pas Mme B, mais M. B, qui était le seul acquéreur du bien immobilier et l'assujetti à la TVA pour cette opération. En d'autres termes, le déménagement justifié par la mobilité professionnelle du conjoint de l'acquéreur n'est pas une cause d'exonération.
Concernant l'argument du mariage :
Le Tribunal a relevé que celui-ci avait été célébré en août 2011, soit avant l'achèvement de la maison (décembre 2011) et donc son occupation effective.
Par conséquent, il ne pouvait être considéré comme un événement survenu au sens de la doctrine administrative ayant justifié la vente de la maison en 2019 avant l'expiration du délai de conservation de quinze années.
L'événement doit être postérieur à l'acquisition et à l'occupation effective du logement pour justifier la remise en cause.
TL;DR
- l'exception liée à la mobilité professionnelle ne s'applique qu'à la personne de l'acquéreur du bien et non à son conjoint, même si la mobilité du conjoint peut objectivement justifier un déménagement du foyer
- les événements familiaux tels que le mariage ne peuvent justifier la non-remise en cause du taux réduit que s'ils interviennent postérieurement à l'acquisition et à l'occupation effective du logement.