Le prélèvement sui generis de l'article 990 J du CGI est un dispositif fiscal conçu pour appréhender les biens et droits situés en France et logés dans des trusts, lorsque ceux-ci échappent à l'ISF, et aujourd'hui à l'IFI. Le juge de l'impôt nous offre une illustration de ce dispositif et un rappel sur la charge de la preuve qui incombe au contribuable qui entend s'y soustraire.
Pour mémoire, le dispositif de l'article 990 J du CGI, dans sa version applicable aux années 2012 à 2016, vise à soumettre à un prélèvement au taux le plus élevé de l'ISF les biens, droits et produits capitalisés placés dans un trust, lorsque le constituant ou le bénéficiaire est résident fiscal français, ou lorsque les actifs situés en France sont concernés pour les non-résidents. Ce prélèvement n'est toutefois pas une fatalité. L'article 990 J-III du CGI prévoit des cas d'exonération, notamment lorsque les biens ont été "régulièrement déclarés" au titre de l'ISF par le constituant ou le bénéficiaire (cas où le seuil d'imposition est atteint) ou lorsqu'ils ont été déclarés (via l'article 1649 AB) dans une situation où le contribuable n'était pas redevable de l'ISF (cas où le seuil n'est pas atteint).
L'article 31 de la LF 2018, qui a supprimé l'ISF et a instauré l'IFI, a également prévu des dispositions spécifiques relatives à l'imposition des biens et droits immobiliers placés dans un trust et a corrélativement modifié les dispositions relatives au prélèvement sui generis sur les trusts, codifié sous l'article 990 J du CGI dû en cas de défaut de déclaration à l'IFI des actifs mentionnés à l'article 965 du CGI placés dans un trust.
Rappel des faits :
Une résidente fiscale suisse, Mme Z, était la constituante d'un trust A qui détenait l'intégralité des parts d'une société luxembourgeoise M. Cette société était elle-même propriétaire d'un unique bien immobilier en France, une villa dans le Var, qu'elle donnait en location à la constituante elle-même.
Durant les années 2012 à 2016, Mme Z n'a souscrit aucune déclaration ISF, estimant que la valeur du bien la plaçait sous le seuil d'imposition de 1,3 M€. À la suite d'une vérification de comptabilité de la société luxembourgeoise, l'administration fiscale a, d'une part, largement revalorisé l'immeuble français et, d'autre part, constaté l'interposition du trust. Considérant que la valeur réelle du bien dépassait le seuil de l'ISF et que la constituante avait manqué à ses obligations déclaratives, elle a émis un avis de mise en recouvrement au titre du prélèvement sui generis de l'article 990 J, pour un montant total de 297 028 €
Mme Z a contesté cette imposition devant le TJ :
- elle revendiquait le bénéfice de l'exonération du prélèvement 990 J. Elle soutient que la valeur du bien était inférieure au seuil de l'ISF et que le trust avait, par ailleurs, rempli ses propres obligations déclaratives.
- À titre subsidiaire, elle tentait de disqualifier l'actif. En tant que non-résidente, elle n'était imposable à l'ISF que sur ses biens et droits en France, ce qui, pour les titres de société, supposait que celle-ci soit "à prépondérance immobilière". Or, elle affirmait que la société M détenait "d'autres actifs" que le bien français, sans toutefois en préciser la nature ou la consistance.
- Enfin, elle contestait la valorisation retenue par l'administration, jugeant les termes de comparaison non pertinents, et réclamait l'application d'un abattement de 20 % pour location et de 15 % pour détention indirecte.
Le Tribunal judiciaire de Bobigny vient de rejeter la demande de Mme Z
- Tout d'abord il a jugé que la société était bien à prépondérance immobilière. La contribuable affirmait que la société détenait "d'autres actifs" que l'immeuble français, mais n'en a apporté aucune preuve. Le tribunal a donc appliqué le principe selon lequel "la simple allégation ne vaut pas preuve" et a considéré que la société n'avait que l'immeuble pour actif.
- Ensuite, il a validé l'évaluation de l'immeuble faite par l'administration fiscale. Le tribunal a noté que cette évaluation était non seulement justifiée, mais qu'elle avait surtout été confirmée par la Commission départementale de conciliation, ce qui la rendait très difficile à contester.
Le juge ayant confirmé la valorisation de l'administration, la valeur du bien dépassait bien le seuil de l'ISF. La conclusion s'imposait :
- Mme Z était redevable de l'ISF et aurait dû souscrire une déclaration. En s'abstenant de le faire, elle ne peut plus prétendre au bénéfice de l'exonération prévue à l'article 990 J-III. Le prélèvement sui generis trouve alors sa pleine application, sanctionnant non pas la détention via un trust en soi, mais la défaillance déclarative qu'elle a permise.
Le juge confirme que le prélèvement de l'article 990 J est bien un dispositif "anti-abus" qui ne laisse que peu d'échappatoires en cas de manquement aux obligations déclaratives en matière de fortune