Le cadre légal des régimes matrimoniaux a connu une importante réforme le 29 janvier 2019. Désormais, les règles encadrant les mariages et les pacs internationaux, qui s’appliquent notamment aux couples expatriés, ne sont plus les mêmes qu’auparavant.
Les mariages binationaux ou incluant un élément d’extranéité territoriale (expatriation notamment) concernent désormais près d’un tiers des unions célébrées en France. Face à un cadre juridique jusqu’alors complexe et instable souvent mal maîtrisé par les intéressés, le Parlement européen a adopté le règlement UE 2016/1103 qui est entré en vigueur en France le 29 janvier 2019. Celui-ci redéfinit avec clarté le nouveau cadre juridique qui s’applique aux couples binationaux ou expatriés notamment en cas de Liquidation du Régime Matrimonial.
Quels étaient les problèmes avant 2019 ?
Rappelons qu’avant le 29 janvier 2019, les mariages célébrés depuis le 1er septembre 1992 étaient et resteront régis par la Convention de La Haye de 1978.
Dans ce cas, le régime matrimonial qui s’applique en cas de séparation ou de décès est celui du pays de la première résidence habituelle du couple, mais la Convention de La Haye prévoit ensuite une mutabilité automatique de la loi applicable lorsque les époux vivent depuis plus de 10 ans dans un autre pays. Notons que cette mutabilité n’est pas rétroactive : par exemple, en cas de divorce ou de décès après 5 ans passés en France et 10 ans passés en Angleterre, il faudra appliquer à la fois la loi française et la loi anglaise lors de la liquidation du régime.
Ce principe entraîne une insécurité juridique pour les époux sans que ceux-ci en soient toujours conscients. En effet, certains pays considèrent que les couples unis sans contrat de mariage le sont automatiquement sous le régime de la séparation de biens, et non sous le régime de la communauté. En cas de décès ou de divorce, le conjoint survivant peut se retrouver sans aucun patrimoine en cas de déséquilibre dans la répartition du patrimoine commun.
Pour les couples mariés sans contrat de mariage avant le 1er septembre 1992, la liquidation du régime matrimonial suit la jurisprudence Gouthertz .
Cette fois, il n’y a pas de mutabilité automatique en cas d’expatriation prolongée : la loi qui s’applique est systématiquement celle du pays de la première résidence commune des deux époux, c’est-à-dire la première résidence occupée pendant au moins deux ans. Cette jurisprudence peut également représenter un danger si la première résidence se situait à l’étranger, dans un pays où les règles ne sont pas les mêmes qu’en France.
Une plus grande clarté de la législation applicable
Le nouveau règlement européen, entré en vigueur le 29 janvier 2019, vient répondre à ces problématiques en mettant en place au sein de l’Union Européenne un cadre juridique plus harmonieux et plus sécurisé, sans effet rétroactif pour les mariages célébrés avant 2019.
Le nouveau règlement instaure trois changements majeurs :
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la suppression de la mutabilité automatique du régime matrimonial après 10 ans ;
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l’instauration d’un choix volontaire, par les couples binationaux et expatriés, de la législation qui sera applicable à l’encadrement de leur union (législation française ou américaine par exemple) ;
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l’instauration d’un principe d’unité de la loi applicable à l’ensemble du patrimoine des deux époux en cas de séparation ou de décès (il n’y aura plus de cas où les lois de deux pays seront applicables).
Des implications patrimoniales à bien gérer
Prenons l’exemple d’un couple marié en France en 2002 sans contrat de mariage, vivant depuis 2007 à Barcelone.
Leur régime matrimonial est soumis à la convention de La Haye : comme cela fait plus de 10 ans qu’ils vivent en Espagne, leur régime matrimonial a connu une mutation automatique. Or, sans contrat de mariage, le régime matrimonial français (régime de la communauté) est différent du régime catalan (séparation de biens). En cas de divorce ou de décès de l’un des conjoints, la liquidation du régime matrimonial tiendra compte du régime de la communauté pour les biens acquis entre 2002 et 2007 et du régime de la séparation de biens pour le patrimoine acquis depuis 2007.
Dans le cas où seul l’un des deux conjoints travaillerait, et que le couple aurait par exemple décidé d’investir dans des parts de SCPI pendant la période catalane, le régime de la séparation de biens mènerait à considérer que ces parts appartiennent uniquement au conjoint ayant financé cet investissement par son salaire. Si le couple a également investi dans des parts de SCPI pendant la période française, cette partie du patrimoine sera bien divisée à 50% entre les deux conjoints du fait que c’est le régime de la communauté qui s’appliquera sur cette période.
Afin de résoudre ce problème et d’éviter qu’un régime matrimonial mal adapté s’impose, il est recommandé d’aller voir un notaire pour fixer avec lui le régime applicable. Cette déclaration de loi applicable (DLA) doit également comporter une mention pour faire rétroagir ce nouveau contrat depuis le premier jour du mariage. Dans notre exemple, le couple peut réaliser une DLA rétroactive en 2019 pour que le régime matrimonial applicable sur l’ensemble du patrimoine constitué depuis 2002 soit soumis au régime français de la communauté.