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Impôt sur les sociétés

Dirigeants mis à disposition entre filiales internationales : le juge rejette la requalification en revenus distribués et valide leur déductibilité

Décision relative au traitement fiscal des rémunérations versées dans le cadre d'une mise à disposition transfrontalière de dirigeants au sein d'un groupe international sans formalisation contractuelle. Le juge rejette la qualification de revenus distribués (soumis à la retenue à la source) des sommes versées et, valide leur caractère déductible pour la détermination de la valeur ajoutée servant de base à la CVAE.

 

Pour mémoire, l'article 109-1° du CGI qualifie de revenus distribués

"tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital.

Si la loi fiscale ne définit pas expressément les charges déductibles, la jurisprudence a développé la théorie de l'acte anormal de gestion, selon laquelle une entreprise ne peut déduire une dépense qui n'est pas engagée dans son intérêt propre.

 

Par ailleurs, selon l'article 110 du CGI, ces bénéfices s'entendent de ceux retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. En vertu de l'article 119 bis du CGI, ces revenus distribués donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils bénéficient à des personnes n'ayant pas leur siège en France.

 

Enfin, l'article 1586 ter du CGI soumet à la CVAE les personnes morales exerçant une activité dans certaines conditions et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 €. L'article 1586 sexies précise le mode de calcul de la valeur ajoutée, permettant notamment de déduire du chiffre d'affaires "les achats d'études et prestations de services", "les services extérieurs" et "les autres charges de gestion courante".

 

Rappel des faits :

La SAS VEE, filiale de la SA VE elle-même filiale de la SA V, exerçait son activité dans le domaine de l'ingénierie électrique. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 2012 à 2014. À l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a :

  • Réintégré aux résultats imposables de la société une partie des sommes versées à la société de droit allemand VED au titre des exercices 2013 et 2014, respectivement 424 800 € et 573 040 €.
  • Considéré ces sommes comme des revenus distribués au sens de l'article 109 du CGI, soumis à la retenue à la source prévue par l'article 119 bis.
  • Refusé leur déduction de la valeur ajoutée pour le calcul de la CVAE.

Le service a considéré, notamment en l'absence de contrat de travail conclu entre la SAS VEE et M. A et en l'absence de convention de mise à disposition de M. A conclue entre la SAS VEE et la société VED, que la nature et le montant des prestations facturées n'avaient pas été suffisamment justifiés et que la prise en charge par la SAS VEE de la rémunération et des frais correspondant à l'activité professionnelle de M. A était étrangère à une gestion commerciale normale. Par un avis du 15 juin 2017, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires des Yvelines a relevé que la réalité des prestations effectuées par M. A... pour la SAS VEE n'était pas remise en cause et elle a estimé que devait être admise en déduction une partie des frais facturés, déterminée sur la base du temps de travail de M. A... passé hors d'Allemagne. Conformément à cet avis, le service a ramené les sommes réintégrées aux résultats imposables de la SAS VEE à 424 800 euros pour l'exercice clos en 2013 et 573 040 euros pour l'exercice clos en 2014.

La société ayant contesté ces impositions, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande par jugement du 3 mai 2024. La société a alors interjeté appel devant la Cour administrative d'appel de Paris.

 

La SAS VEE soutient principalement que :

  • Les sommes versées à la société allemande VED ne constituaient pas des distributions au sens de l'article 109 du CGI et n'étaient donc pas soumises à la retenue à la source, car elles correspondaient à des charges déductibles se rapportant à l'exercice par M. A des fonctions opérationnelles de DG de la Division Europe, détachables de son mandat social.
  • Ces charges étaient déductibles des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés et de la valeur ajoutée pour la détermination de la base imposable à la CVAE, conformément à l'article 1586 sexies du CGI.

 

La Cour administrative d'appel de Paris vient d'annuler le jugement de première instance et de prononcer la décharge des impositions contestées.

 

La Cour a constaté que :

  • M. A, salarié de la société allemande VED, a effectivement été mis à la disposition de la SAS VEE conformément aux instructions de la société tête du pôle Energies du groupe Vinci.
  • Il a exercé les fonctions opérationnelles de directeur général de la division Europe au nom et pour le compte de la SAS VEE, ces fonctions étant distinctes de son mandat de président de cette société (pour lequel il ne percevait aucune rémunération).
  • Les sommes facturées par VED à VEE correspondaient à une estimation de la rémunération de M. A et de son assistante, ainsi que des frais liés à l'exercice de ses fonctions, et n'étaient pas anormalement élevées eu égard à l'importance des fonctions exercées.
  • La SAS VEE a, conformément à des conventions d'assistance, refacturé ces sommes aux sociétés "têtes de pôles de management" avec une marge de 7%.

La Cour en a déduit que le versement de ces sommes par la SAS VEE était justifié et ne pouvait être regardé comme étant dépourvu de contrepartie ou comme procédant d'un acte anormal de gestion. Par conséquent, ces sommes ne pouvaient pas être qualifiées de revenus distribués au sens de l'article 109 du CGI et étaient déductibles pour la détermination de la valeur ajoutée servant de base à la CVAE.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A..., salarié de la société de droit allemand VED, a effectivement été mis par cette société à la disposition de la SAS VEI, devenue la SAS VEE, conformément aux instructions de la SAS Vinci Energies, société tête du pôle Energies du groupe Vinci, et qu'il a ainsi, au cours des années en litige, effectivement exercé les fonctions opérationnelles de directeur général de la division Europe, au nom et pour le compte de la SAS VEE, responsable de cette division.

Il n'est pas sérieusement contesté que la société VED a supporté la rémunération de M. A..., ainsi que celle de son assistante et les frais professionnels correspondant à l'exercice de ces fonctions. Le ministre ne conteste pas sérieusement que les sommes facturées à la SAS VEE par la société VED à raison de cette mise à disposition ne sont pas anormalement élevées, eu égard à l'importance des fonctions exercées par M. A....

Ainsi, et sans qu'y fasse obstacle l'absence de contrat de travail conclu entre M. A... et la SAS VEE et de convention de mise à disposition conclue entre cette société et la société VED, le versement de ces sommes par la SAS VEE, qui est justifié, ne peut être regardé comme étant dépourvu de contrepartie ou comme procédant d'un acte anormal de gestion.

La SAS Vinci Energies Europe North West est dès lors fondée à soutenir que ces sommes ne peuvent pas être regardées comme des revenus distribués à la société de droit allemand VED, au sens des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et qu'elles sont déductibles du chiffre d'affaires, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1586 sexies de ce code, pour la détermination de la valeur ajoutée à retenir pour la liquidation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due au titre des années 2013 et 2014.

 

Publié le lundi 14 avril 2025 par La rédaction

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