Plus-values latentes, créances et Exit-tax : donner avant de partir ?

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Issu de la première Loi de Finances Rectificative pour 2011, l’article 167 bis du CGI soumet les personnes physiques qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France à un mécanisme d’exit tax.

Ce mécanisme a pour effet de rendre immédiatement imposables certaines plus-values en report , les créances issues d’une clause d’earn-out et, sous certaines conditions, les plus-values latentes sur les droits sociaux, valeurs, titres ou droits détenus par le contribuable.

Un sursis de paiement de l’impôt et des prélèvements sociaux dus à raison du transfert de domicile peut toutefois être accordé au contribuable.

Ce sursis est accordé automatiquement aux contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 (sont donc concernées pour l’instant l’Islande et la Norvège, le Liechtenstein ayant signé une convention qui n’est pas encore entrée en vigueur faute d’avoir été ratifiée).

Les contribuables qui transfèrent leur domicile dans un autre Etat que ceux visés ci-dessus ne bénéficient de ce sursis de paiement qu’à condition d’en faire la demande expresse et de remplir certaines conditions.

Le dispositif de l’exit tax a été modifié par la Loi de Finances Rectificative pour 2013 afin de le mettre en conformité avec le droit européen et de tenir ainsi compte d’un arrêt du Conseil d’Etat du 12 juillet 2013.

La donation permet-elle d’échapper à l’exit tax ?

L’article 167 bis, VII du CGI prévoit que le sursis de paiement expire en cas de donation des titres grevés de la plus-value latente ou de la créance, sauf si le donateur démontre que la donation n’a pas été faite dans un but principalement fiscal.

Les donateurs ayant transféré leur domicile dans l’Union Européenne, en Islande ou en Norvège bénéficient néanmoins d’un dégrèvement sans condition. En revanche, pour les contribuables domiciliés dans un autre Etat, le bénéfice du dégrèvement est subordonné à la condition que le donateur prouve que la donation n’a pas pour motif principal d’éluder l’impôt, là où il devait antérieurement prouver que ce but n’était pas exclusif. Le motif principalement fiscal a été substitué au but exclusif.

Cette modification peu opportune a été introduite dans les textes votés fin 2013 pour harmoniser les dispositions de l’article 167 bis du CGI avec la définition de l’abus de droit telle que modifiée par la Loi de Finances pour 2014, finalement censurée par le Conseil constitutionnel (Décision n° DC 2013-685 du 29 décembre 2013).

La notion de but principalement fiscal a logiquement été reconnue comme source d’insécurité juridique par les sages.

Le nouvel article 167 bis du CGI concernant l’exit tax est manifestement passé inaperçu et a échappé à la censure. Les mêmes griefs peuvent cependant être formulés à son encontre : la notion de motif principalement fiscal, trop floue, risque d’exposer le contribuable à une appréciation subjective voire arbitraire de l’administration fiscale, et à des divergences des juges du fond.

Dans ces conditions, le contribuable qui envisage de transférer son domicile dans un Etat situé en dehors de l’Union Européenne, de l’Islande ou de la Norvège, et qui a pour projet de donner des titres à ses enfants (ou à toute autre personne) aura intérêt à régulariser la donation avant son départ de France pour éviter cet important aléa fiscal.

Une telle donation aura pour effet de purger les plus-values latentes, et la question de l’exit tax sera donc réglée.

Par ailleurs, réaliser la donation avant le départ hors de France pourrait le cas échéant éviter au donataire (ou au donateur) d’être soumis à une double imposition sur la donation. Il sera de toute manière taxé en France, lieu de situation des biens transmis (article 750 ter du CGI), mais s’il attend d’avoir transféré son domicile hors de France, la donation pourrait en outre être taxable dans son nouvel Etat de résidence.

Article de Pierre-Alain GUILBERT, notaire associé et de Maïder DE LOS SANTOS, consultante de l’office notariale 14 PYRAMIDES NOTAIRES

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