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Plus-values mobilières

Donation avant cession : tout est question de chronologie

Le Conseil d’Etat vient de censurer l’administration fiscale dans le cadre d’un contentieux portant sur une opération de donation avant cession portant sur des titres de sociétés.

En application de l’article 150-0 A-1 du CGI , seules sont en principe susceptibles de générer des plus-values imposables les cessions à titre onéreux . Celles-ci s’entendent des opérations emportant transfert à titre onéreux de la propriété des titres (vente, échange, apport…).

A contrario, les mutations à titre gratuit n’entraînent en principe aucune taxation au titre des plus-values. Ces transmissions ne sont en effet pas susceptibles de dégager un gain pour le contribuable qui se dessaisit des titres qu’il possède. Dès lors, la transmission à titre gratuit des titres a pour conséquence l’exonération (purge) de la plus-value latente . Il n’y a aucune taxation à l’impôt sur le revenu de la plus-value constatée sur les titres depuis leur acquisition par le contribuable.

Un montage d’optimisation fiscale fréquemment utilisé consiste à faire précéder la cession des titres d’une donation . Ce type de montage permet ainsi de neutraliser la taxation des plus-values : la plus-value due avant la transmission est purgée par la donation, et la cession qui intervient juste après la donation ne génère aucune plus-value puisque le prix de cession est alors égal à la valeur des titres transmis.

L’administration poursuit assez systématiquement ces opérations de donation-cession sur le terrain de l’abus de droit . Toutefois pour obtenir gain de cause sur ce fondement : il lui faut en effet pouvoir démontrer la fictivité de la donation pour caractériser un abus de droit. Or cela lui est très malaisé compte tenu de la grande liberté qu’offre le droit civil en matière d’organisation des transmissions.

Le Gouvernement avait dans le cadre de la 3ème Loi de Finances rectificative pour 2012 proposé d’instaurer un nouveau régime légal d’imposition des plus-values, spécifique au cas des donations-cessions.

Pour résumé , le gouvernement avait proposé d’insérer un 1bis à l’article 150-0 D prévoyant, notamment, qu’en cas de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres, dans un délai de deux ans suivant leur acquisition par voie de donation ou de don manuel :

  • Le prix d’acquisition des valeurs, titres ou droits concernés à retenir par le cédant pour la détermination du gain net de cession de ces valeurs, titres ou droits était leur prix ou leur valeur d’acquisition par le donateur augmenté des frais afférents à l’acquisition à titre gratuit, ou, si elle est inférieure, la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation au moment de la transmission.

Ce régime adopté par les parlementaires a été censuré par le Conseil Constitutionnel.

Rappelons qu’en pratique, l’opération n’encourt aucune critique de la part de l’administration fiscale lorsque deux conditions sont vérifiées :

  • la donation est préalable à la mutation à titre onéreux des titres, cette dernière ne devant pas être engagée lorsque la donation sera consentie,

  • le prix de cession est appréhendé par le donataire, qui est alors le cédant.

Dans l’affaire soumise à sa censure le conseil d’Etat a justement considéré que cette chronologie était respectée.

Au cas particulier , l’administration fiscale avait dans le cadre d’un ESFP imposé un contribuable au titre de plus-values sur titres dégagées à l’occasion d’une cession de titre sur le fondement de l’article 150-0 A du CGI. Débouté de sa demande en décharge devant les juges du fonds, ce contribuable avait trouvé un écho favorable auprès de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux dont la décision vient d’être validée par la haute juridiction administrative.

Le point de désaccord portait sur la réalité de la chronologie ; l’administration comme les juges du fonds estimaient que la donation était postérieur à la cession. Partant si la vente était parfaite avant la donation l’impôt sur les plus-values était donc exigible lors de la cession (antérieure à la donation).

Chronologie des opérations

  • En l’espèce, le contribuable avait par acte du 23 juin 2000 conclu une promesse de cessions d’actions avec la société X. L’article 6 de cette promesse (conditions suspensives) stipulait que la cession définitive était soumise à un audit avec une remise de rapport fixée au 27 juin 2000 et une faculté pour l’acquéreur de renoncer à cette acquisition au vu de ce rapport.

  • Par ailleurs par acte du 20 juin 2000 (enregistré le le 4 juillet) le contribuable avait déclaré avoir transféré à chacun de ses enfants 450 parts par deux ordres de mouvements inscrits sur le registre de la société le 16 juin 2000 .

  • Enfin le paiement des actions objet de la promesse est intervenu le 10 juillet 2000.

La haute juridiction considère qu’en vertu des clauses de la promesse , la condition tenant à la réalisation d’un audit « présentait un caractère suspensif impliquant que le transfert de propriété ne pouvait intervenir avant sa levée.» . Elle relève également que le paiement étant intervenu le 10 juillet, la donation était bien antérieure à la cession.

La chronologie étant respectée, le Conseil d’Etat a débouté l’administration et déchargé le contribuable de l’impôt de plus-value mis à sa charge.

Publié le mercredi 4 juin 2014 par La rédaction

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