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Plus-values mobilières

Plus value de cessions au sein du groupe familial : l'apport de titres est assimilé à une « revente à un tiers »

Le juge de l'impôt confirme une interprétation stricte de la condition de non-revente à un tiers prévue par les articles 150-0 A et 150-0 D du CGI. Il est désormais clair qu'un apport de titres, même sans contrepartie financière directe et au sein d'une structure contrôlée par le cédant initial, à une personne morale distincte, est assimilé à une « revente à un tiers » aux fins de la remise en cause des avantages fiscaux initialement accordés pour les cessions intrafamiliales.

 

Le contentieux soumis à la Cour trouve son origine dans l'application des dispositions de l'article 150-0 A-I-3 du CGI (Supprimé par l'article 17 de la LF pour 2014), pour les cessions antérieures au 1er janvier 2014, et de l'article 150-0 D-1 quater-B-3° du CGI (disparu à la faveur de l'article 28 de la LF pour 2018) pour celles postérieures.

 

Ces articles prévoient un régime de faveur (exonération ou abattement) pour les plus-values réalisées lors de la cession de droits sociaux au sein d'un groupe familial (conjoint, ascendants, descendants, frères et sœurs), sous réserve que le cédant ait détenu, avec les membres de son groupe familial, plus de 25% des bénéfices sociaux à un moment quelconque au cours des cinq dernières années.

 

Ces avantages fiscaux sont remis en cause si « tout ou partie de ces droits sociaux n'est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans ». À défaut, la plus-value est imposée au nom du premier cédant au titre de l'année de la revente des droits au tiers.

 

Dans ses commentaires BOFIP applicables entre 2012 et 2014, l'administration précisait :

Pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu, la cession doit avoir été réalisée au profit d'un membre du groupe familial et le cessionnaire ne doit pas revendre à un tiers au groupe familial du cédant tout ou partie des droits sociaux dans le délai de cinq ans suivant la date de la cession bénéficiant de l'exonération.

L'exonération n'est pas applicable aux apports ou cessions consentis à une société, même de structure familiale, dès lors qu'une telle société est dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de ses membres. Une telle opération ne garantirait pas, en effet, le respect de l'obligation de conservation des droits sociaux puisqu'elle permettrait en pratique d'éluder cette condition par le biais d'une cession des titres de la société (RM M. Maurice Ligot JO, AN du 24 août 1987 p. 4687).

BOI-RPPM-PVBMI-10-20-30

 

 

Rappel des faits :

En l'espèce, Mme B a cédé des actions de la SAS Bà son époux entre 2011 et 2015. Ces cessions ont bénéficié des régimes fiscaux de faveur susmentionnés. Ultérieurement, en 2015, les époux B... ont apporté l'intégralité de leurs actions de la SAS B à une société qu'ils ont créée, la société CBR I. L'administration fiscale a considéré cet apport à CBR I comme une « revente à un tiers » au sens des articles précités, intervenant avant l'expiration du délai de cinq ans, remettant ainsi en cause l'exonération et l'abattement initialement accordés.

Les contribuables ont contesté cette position devant le TA de Nantes, qui a majoritairement rejeté leur demande par un jugement du 30 septembre 2022.

La Cour administrative d'appel de Nantes avait initialement donné raison aux époux B par un arrêt du 14 novembre 2023, en annulant le jugement de première instance et en les déchargeant des impositions. Cependant, cette décision a été cassée par le Conseil d'État le 8 novembre 2024, qui a renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel de Nantes pour un nouvel examen.

 

Le Conseil d'État a jugé que l'apport de titres à une personne morale distincte doit être regardé comme une revente à un tiers, même en l'absence de contrepartie monétaire. Cette qualification entraîne la remise en cause des avantages fiscaux initialement accordés lorsque l'apport intervient avant l'expiration du délai de conservation de cinq ans.

 

 

La Cour, saisie en renvoi après cassation, a confirmé la position de l'administration fiscale.

 

Elle a jugé que les titres, bien que faisant l'objet d'un apport sans flux financier direct, ont été « revendus à un tiers », à savoir la société CBR Invest, une personne morale distincte des époux. Cette revente étant intervenue avant le délai de cinq ans, elle a logiquement entraîné la remise en cause de l'exonération et de l'abattement.

 

La Cour a écarté l'argument des requérants tiré de la distinction entre apport pur et simple et apport à titre onéreux en matière de droits d'enregistrement, estimant cette circonstance sans incidence sur la qualification de « revente à un tiers » au regard de l'impôt sur le revenu.

En premier lieu, les titres, préalablement cédés par Mme B... à son époux puis apportés par ce dernier à la société CBR Invest, personne morale distincte, doivent être regardés, alors même que cette opération n'a donné lieu à aucun flux financier, comme ayant été, de ce fait, revendus à un tiers au sens et pour l'application des dispositions précitées. Cette revente étant intervenue antérieurement à l'échéance de cinq ans prévue par ces mêmes dispositions, elle est de nature à remettre en cause l'exonération prévue par le 3 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts, s'agissant des gains réalisés avant le 1er janvier 2014, et l'application de l'abattement prévu au A du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, s'agissant des gains réalisés entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015. Si les requérants font valoir que les dispositions du code général des impôts distinguent le régime applicable aux droits d'enregistrement, selon que les apports sont purs et simples ou effectués à titre onéreux, cette circonstance, qui a trait au régime juridique d'une imposition distincte de celles contestées dans la présente instance, est sans incidence sur le bien-fondé des impositions auxquelles ils ont été assujettis. Par suite, l'administration, qui ne s'est pas fondée sur ses propres instructions, était fondée, en application des dispositions précitées, à remettre en cause l'exonération d'imposition des plus-values dont avaient bénéficié les époux B....

Publié le jeudi 26 juin 2025 par La rédaction

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