S'agissant des modalités d'application de l'article L. 76 B du LPF concernant la communication des documents obtenus de tiers je juge de l'impôt nous rappelle le moment auquel la demande du contribuable doit être formulée pour être considérée comme valable.
L'article L. 76 B du LPF, constitue une garantie fondamentale pour le contribuable dans le cadre d'une procédure de contrôle fiscal. Il impose à l'administration deux obligations distinctes mais complémentaires :
- D'une part, l'administration doit informer le contribuable "de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers" qu'elle a utilisés pour établir l'imposition. Cette information doit figurer dans la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 ou dans la notification prévue à l'article L. 76 du LPF.
- D'autre part, elle doit communiquer "avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande."
Cette obligation s'inscrit dans le respect du principe du contradictoire et vise à permettre au contribuable de vérifier l'authenticité des documents utilisés contre lui et d'en discuter la teneur ou la portée. La jurisprudence a progressivement précisé les contours de cette obligation, notamment en reconnaissant une exception lorsque les documents sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration
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Rappel des faits :
À l'issue d'un ESFP, M. B. a fait l'objet de propositions de rectification datées du 21 décembre 2015 pour l'année 2012 et du 2 septembre 2016 pour les années 2013 et 2014.
Le 18 décembre 2015, soit avant même la première proposition de rectification et bien avant la seconde, M. B. avait demandé à l'administration fiscale la communication de l'ensemble des pièces obtenues de tiers sur lesquelles elle entendait fonder son appréciation dans le cadre de cet ESFP.
Après avoir reçu ces propositions de rectification, M. B. n'a pas renouvelé sa demande de communication des pièces concernées.
Le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes pour les années 2012 à 2014. La cour administrative d'appel de Douai a partiellement réformé ce jugement en remettant à la charge de M. B. les impositions et pénalités relatives aux années 2013 et 2014.
M. B. s'est pourvu en cassation contre cette décision.
Il estime que l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du LPF en ne donnant pas suite à sa demande de communication des documents obtenus de tiers, formulée le 18 décembre 2015. Bien que le pourvoi ne détaille pas l'ensemble de son argumentation, il estimait vraisemblablement que sa demande, antérieure aux propositions de rectification, devait être considérée comme valable pour l'ensemble de la procédure d'ESFP couvrant les années 2012 à 2014, sans qu'il soit nécessaire de la renouveler après chaque proposition de rectification.
Le Conseil d'Etat vient de rejeter le pourvoi de M.B
Pour la haute juridiction :
L'administration n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition en s'abstenant de donner suite à une demande de communication de documents formulée par le contribuable avant même la réception de l'information prévue par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, une telle demande ne pouvant être regardée comme valablement formée.
Appliquant ce principe au cas d'espèce, le Conseil d'État relève que :
- La demande de M. B. date du 18 décembre 2015, soit avant la proposition de rectification du 2 septembre 2016 relative aux années 2013 et 2014 ;
- M. B. n'a pas renouvelé sa demande après réception de cette proposition et avant la mise en recouvrement des impositions correspondantes.
Le Conseil d'État en conclut que l'administration n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du LPF en ne communiquant pas à M. B. les documents obtenus de tiers et utilisés pour fonder les impositions relatives aux années 2013 et 2014.
Dans sa décision, le Conseil d'État substitue ce motif à ceux retenus par la cour administrative d'appel, considérant qu'il justifie légalement le dispositif de l'arrêt attaqué sans qu'il soit nécessaire d'apprécier d'autres circonstances de fait.