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Contrôle et contentieux

Le respect impératif du délai de réponse de trente jours : une garantie du contribuable même en cas de pli non réclamé

Cette décision, qui s'inscrit dans la jurisprudence relative aux garanties procédurales du contribuable en matière de demande de renseignements nous rappelle que le non-respect du délai de trente jours prévu par l'article L. 11 du LPF vicie la procédure d'imposition, même lorsque le contribuable n'a pas retiré le pli recommandé contenant la demande.

 

L'article L. 10 du LPF confère à l'administration le pouvoir de contrôler les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, et lui permet de demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés.

Cette prérogative de contrôle trouve cependant sa limite dans les garanties procédurales accordées au contribuable. Parmi ces garanties figure le délai de réponse prévu par l'article L. 11 du LPF, qui dispose :

A moins qu'un délai ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification.

La jurisprudence administrative a progressivement précisé le régime juridique de cette garantie. Le juge de l'impôt examine, lorsque le délai de trente jours n'a pas été respecté, si cette irrégularité constitue un vice substantiel susceptible d'avoir eu un effet sur la proposition de rectification, ou s'il est établi que, n'ayant privé le contribuable d'aucune garantie, elle n'a pas pu avoir d'influence sur la décision de rectification et est demeurée sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition.

 

Rappel des faits :

Les époux B ont acquis le 26 février 2010, deux maisons situées dans le quinzième arrondissement de Marseille pour un prix global de 100 000 €. Quelques années plus tard, le 25 avril 2014, ils ont revendu ces biens immobiliers moyennant la somme de 420 000 €.

Lors de la déclaration de cette cession, les contribuables ont calculé la plus-value imposable en tenant compte de travaux qu'ils affirmaient avoir réalisés sur ces biens, pour un montant considérable de 286 644 €. 

Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration a adressé aux contribuables, par courrier daté du 22 mai 2017, une demande de renseignements fondée sur l'article L. 10 du LPF. Ce courrier sollicitait la production, dans un délai de trente jours, des justificatifs des dépenses pour le calcul de la plus-value. Il s'agissait de vérifier la nature des travaux effectués.

Le pli recommandé contenant cette demande de renseignements a été présenté à l'adresse des contribuables le 23 juin 2017. Toutefois, les époux B. ne se sont pas présentés à la poste pour retirer ce courrier, qui a été retourné à l'administration revêtu de la mention "pli avisé non réclamé". Face à cette absence de retrait et à l'absence de réponse des contribuables, l'administration fiscale a considéré qu'elle était fondée à remettre en cause la déduction intégrale des dépenses de travaux.

C'est dans ce contexte que, dès le 17 juillet 2017, l'administration a adressé aux contribuables une proposition de rectification remettant en cause la déduction de la somme de 286 644 € dans le calcul de la plus-value. Ce courrier de proposition de rectification a été présenté aux époux B. le 19 juillet 2017. 

 

Contestant les impositions mises à leur charge les époux B ont saisi le TA de Marseille. Par un jugement du 17 mai 2024, le TA de Marseille a rejeté la demande des époux B qui ont fait appel.

 

Il font valoir :

  • que l'administration n'a pas respecté le délai de 30 jours de l'article L. 11 du LPF avant de notifier la proposition de rectification, constituant une atteinte substantielle aux droits de la défense justifiant la décharge.
  • que l'administration exige désormais la justification du paiement effectif des factures de travaux, alors que cette exigence ne figurait pas dans la motivation initiale de la proposition de rectification, violant les principes du débat contradictoire.
  • que les travaux effectués constituent des travaux de reconstruction ou restructuration partielle (déductibles selon l'article 150 VB du CGI) et non de simples travaux d'entretien ou réparation.

La Cour administrative d'appel de Marseille a fait droit à la requête des époux B. sur le fondement du vice de procédure

 

Tout d'abord, la Cour établit la chronologie des faits : le délai de réponse de trente jours, expressément mentionné dans le courrier de l'administration, a commencé à courir le 23 juin 2017, date de la vaine présentation du pli recommandé. La proposition de rectification, notifiée le 19 juillet 2017, a donc été émise avant l'expiration de ce délai, qui s'achevait le 23 juillet 2017. L'irrégularité est donc matériellement constituée.

 

Se prononcant sur le caractère substantiel de cette irrégularité elle relève que le redressement était exclusivement fondé sur le défaut de réponse du contribuable.

En agissant avant la fin du délai imparti, l'administration a donc privé les contribuables de la possibilité de répondre utilement et de faire valoir leurs justificatifs dans le cadre légal prévu à cet effet.

La Cour juge que cette précipitation a eu une influence directesur la décision de rectification. Ni le fait que les contribuables n'aient pas retiré le pli, ni leur comportement ultérieur durant la phase contradictoire ne sauraient réparer a posteriori ce vice initial.

 

4. En l'absence de retrait à la poste du pli recommandé contenant la demande de renseignements adressée aux contribuables, lesquels sont en droit de disposer complètement du délai de trente jours prévu par l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, le délai de réponse qui leur était imparti a commencé à courir dès la date de présentation du courrier par le service postal, le 23 juin 2017. En revanche, cette absence de retrait ne saurait avoir pour conséquence de les priver de la possibilité de se prévaloir de l'irrégularité de la procédure d'imposition résultant du non-respect de ce délai. L'administration ne saurait davantage utilement invoquer le comportement du contribuable au stade, postérieur à la proposition de rectification, de la procédure contradictoire, pour s'affranchir du délai fixé par la loi et repris dans sa demande de renseignements.

 

La Cour conclut que les contribuables ont été privés de la garantie prévue par l'article L. 11 du LPF. La procédure d'imposition étant jugée irrégulière, les époux B sont déchargés de l'imposition mise à leur charge.

Publié le lundi 13 octobre 2025 par La rédaction

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