Le juge de l'impôt nous rappelle les conséquences procédurales d'un dégrèvement accordé par erreur et les conditions de reprise du recouvrement par l'administration fiscale.
L'article L. 281 du LPF délimite le champ des contestations relatives au recouvrement des impositions, qui doivent être distinguées des contestations portant sur le bien-fondé de la créance fiscale. Ces contestations peuvent porter notamment sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée.
Le recouvrement des impositions suppose l'existence d'un titre exécutoire valide constituant le fondement juridique de l'obligation de payer. Pour les impositions recouvrées par voie de rôle, ce titre résulte de l'avis de mise en recouvrement ou de l'avis d'imposition. La validité de ce titre conditionne la régularité des actes de poursuite ultérieurs, qu'il s'agisse de mesures conservatoires ou de mesures d'exécution forcée. L'exigibilité de la créance fiscale, distincte de son bien-fondé, constitue ainsi un élément essentiel que le comptable public doit établir pour justifier la mise en œuvre de procédures de recouvrement forcé.
Au cas particulier, la question posée à la Cour était de déterminer la portée d'un avis de dégrèvement, que l'administration prétendait avoir émis par erreur, sur la validité du titre exécutoire initial.
Rappel des faits :
Au cas particulier, la SASU A a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant conduit à l'émission d'un avis de mise en recouvrement le 17 juillet 2017 pour des rappels de TVA. Puis, le 6 juillet 2018, l'administration a notifié à cette même société un avis de dégrèvement partiel, pour un montant de 11 015 €, se rapportant à cette créance. Réalisant son erreur, l'administration a adressé un simple courrier le 20 février 2019, informant la SASU A de "l'annulation" de cet avis de dégrèvement.
Persuadé d'avoir ainsi rétabli sa créance, le comptable public a engagé une saisie conservatoire le 12 octobre 2021 pour recouvrer l'intégralité de la somme, y compris le montant dégrevé.
La SASU A a alors engagé une contestation sur le fondement de l'article L. 281 du LPF, soutenant que l'avis de dégrèvement de 2018 avait légalement annulé le titre exécutoire de 2017 à hauteur de 11 015 €. Selon elle, la créance n'était donc plus exigible pour ce montant. Elle ajoutait que si l'administration estimait ce dégrèvement erroné, il lui appartenait de suivre la procédure contradictoire et d'émettre un nouveau titre exécutoire, un simple courrier "d'annulation" étant dépourvu de toute force juridique.
Après avoir perdu en première instance, l'administration fiscale (qui a fait appel) soutenait que le dégrèvement résultait d'une erreur matérielle, le destinataire réel étant une entreprise individuelle homonyme. Pour l'administration, l'intention de l'administration n'ayant jamais été de dégrever la SASU A, le titre initial de 2017 n'avait pas été affecté. Le courrier de 2019 ne faisait que rectifier cette erreur.
La CAA de Lyon vient de confirmer le jugement de première instance rejetant ainsi l'appel formé par le ministre.
Elle rappelle la règle jurisprudentielle :
Lorsque l'administration... prononce le dégrèvement d'une imposition, sa décision a pour effet d'annuler le titre fondant le paiement de cette imposition
La Cour précise que si l'administration estime ultérieurement avoir consenti ce dégrèvement à tort...
...Il lui appartient... d'émettre un nouveau titre en vue de procéder au recouvrement des impositions qu'elle entend rétablir
Appliquant ce principe au cas d'espèce, la Cour constate que l'avis de dégrèvement de 2018 a bien été notifié à la SASU A et qu'il a donc eu pour effet d'annuler, à hauteur de 11 015 €, le titre exécutoire de 2017. Partant, elle juge que l'administration...
n'a, postérieurement à cette décision du 6 juillet 2018, émis aucun nouveau titre exécutoire.
Dès lors, la créance n'était pas exigible à la date de la saisie conservatoire.
Soulignons que la Cour a écarté l'argument du ministre selon lequel le dégrèvement résulterait d'une erreur matérielle dont la société aurait été informée et qu'il aurait été annulé par la suite.
TL;DR
Un dégrèvement, même s'il est accordé par erreur, annule juridiquement le titre de recouvrement initial.
L'administration ne peut pas simplement "annuler" son erreur par un courrier. Pour rétablir l'imposition, elle doit obligatoirement émettre un nouveau titre exécutoire après avoir respecté la procédure contradictoire, afin de garantir la sécurité juridique du contribuable.