Nouvelle affaire soumise à l'avis du Comité de l'abus de droit fiscal concernant une vente immobilière en viager entre un grand-oncle et sa petite-nièce. L'administration fiscale a requalifié cette vente en donation déguisée, estimant que le montage n'avait pour seul but que d'éluder les droits de mutation à titre gratuit. Le Comité de l'abus de droit fiscal a validé cette analyse ainsi que l'application d'une pénalité de 80%.
Rappel du montage mis en place
Par un acte du 28 décembre 2016, M. Y a vendu la pleine propriété de sa résidence principale à sa petite-nièce, Mme X, pour un prix de 180 000 €, converti en une rente viagère semestrielle de 12 377,24 €, payable à compter du 30 juin 2017. M. Y a conservé un droit d'usage et d'habitation sur le bien cédé. Il est décédé le 21 avril 2018.
Les reproches de l'administration fiscale
L'administration fiscale a constaté, via son droit de communication auprès des établissements bancaires, que M. Y avait en réalité assumé la charge de la rente viagère. Il avait remis des fonds à des intermédiaires (sa sœur Mme A et sa nièce Mme B, respectivement grand-mère et mère de Mme X) qui les ont ensuite transférés à Mme X, lui permettant ainsi de
"fictivement assurer le paiement des frais d'acte et des arrérages de la rente".
Elle a ainsi découvert un circuit financier circulaire :
- M. Y (le vendeur/créditeur) donne des fonds à des intermédiaires (sa sœur et sa nièce, qui sont la grand-mère et la mère de Mme X).
- Les intermédiaires transfèrent ces fonds à Mme X (l'acheteuse/débitrice).
- Mme X utilise ces mêmes fonds pour payer les "arrérages" de la rente à M. Y.
Ce circuit prouve que Mme X n'a jamais réellement supporté le coût de l'acquisition. Le prix était fictif, car c'est le vendeur lui-même qui fournissait les fonds à l'acheteuse pour qu'elle puisse le "payer".
L'administration a considéré que cet acte dissimulait une donation et a mis en œuvre la procédure d'abus de droit fiscal (article L 64 du livre des procédures fiscales) pour appliquer les droits de mutation à titre gratuit.
La position du Comité de l'abus de droit fiscal
Le Comité valide point par point l'analyse de l'administration en se basant sur la notion d'abus de droit par fictivité (article L. 64 du Livre des procédures fiscales). Le Comité retient trois éléments clés pour conclure à une donation déguisée :
- L'absence de contrepartie réelle : Le Comité établit que le prix n'a jamais été payé par Mme X avec ses propres deniers. La "rente" n'était qu'une façade. Les sommes d'argent remises par M. Y à Mme A et Mme B n'étaient pas des libéralités à leur égard, mais des dépôts destinés à être transférés à Mme X pour le paiement fictif de la rente.
- L'intention libérale (Animus donandi) : La volonté de M. Y de gratifier sa petite-nièce est démontrée par plusieurs faits concordants :
- Les liens affectifs forts (admis par Mme X).
- L'existence d'un contrat d'assurance-vie au bénéfice de Mme X, qui témoigne d'une volonté générale de la protéger et de lui transmettre un patrimoine.
- Le montage lui-même, qui ne peut s'expliquer que par la volonté de donner le bien sans en supporter la fiscalité.
- L'incompatibilité des ressources de l'acheteuse : Le Comité souligne que les revenus de Mme X ne lui permettaient pas de payer une telle rente. C'est un indice matériel quasi-irréfutable du caractère artificiel de l'opération.
En conclusion, le Comité a estimé que la vente en viager était un acte fictif dissimulant une donation.
Il a conclu que l'intention libérale de M. Y à l'égard de Mme X était établie, et qu'il n'y avait pas de contrepartie réelle à la cession du 28 décembre 2016.
Par conséquent, il a estimé que l'administration était fondée à mettre en œuvre la procédure d'abus de droit fiscal pour requalifier l'acte en donation et le soumettre aux droits de mutation à titre gratuit.
De plus, le Comité a jugé que Mme X était la principale bénéficiaire de l'abus de droit, justifiant ainsi l'application de la majoration de 80 % prévue par l'article 1729 b) du code général des impôts.
L'administration a pris note de cet avis.