34 millions de propriétaires. 73 millions de locaux à usage d’habitation en France. Tels sont les chiffres avancés par la Direction Générale des Finances Publiques.
Cette nouvelle obligation déclarative, créée en 2019 par la Loi de Finances pour 2020[1], est entrée en vigueur en 2023, en même temps que la suppression totale de la taxe d’habitation sur la résidence principale. Il est désormais important de s’en préoccuper sérieusement car les propriétaires doivent procéder à la déclaration au plus tard jusqu’au 30 juin 2023. Ce nouveau « service » a de beaux jours devant lui et a vocation à s’inscrire dans la durée.
Mais pourquoi un tel « service » ? L’administration fiscale ne s’en cache pas. L’objectif est avant tout de permettre de contrôler l’affectation des logements à usage d’habitation … et ainsi de faciliter le recouvrement de la taxe d’habitation, de même que la taxe sur les logements vacants … Mais ce n’est pas tout ! Cette nouvelle obligation déclarative a pour objectifs seconds de « dématérialiser les déclarations foncières, de liquider les taxes d’urbanisme, de déclarer l’occupant des locaux d’habitation ou encore de collecter auprès des propriétaires, dans le cadre de la révision des valeurs locatives, les loyers des locaux d'habitation mis en location ». Excusez du peu.
Article de François Bonte, Notaire Associé et Clément Colombel, Notaire stagiaire, MICHELEZ Notaires, Paris
Quelques rappels concernant la réforme de la taxe d’habitation pour mieux comprendre les motivations de cette nouvelle obligation …
La taxe d’habitation est un impôt local perçu par les collectivités territoriales, dont notamment la commune et l’intercommunalité.
La loi de finances pour 2018, validant une promesse de la campagne présidentielle de 2017, a engagé la suppression progressive de la taxe d’habitation (cf encadré) pour tous les Français en ce qui concerne leur résidence principale. La taxe d’habitation reste due pour les « résidences secondaires » et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale.
- En 2023, plus aucun français ne payera de taxe d'habitation sur sa résidence principale.
- Toutefois : Les résidences secondaires et autres locaux non affectés à la résidence principale ne sont pas concernés par l’exonération. Compte tenu de cette dichotomie, il est devenu crucial pour l’administration fiscale de contrôler l’affection des logements. D’où cette nouvelle obligation de déclarer l’occupation des biens immobiliers.
Suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale : rappel du calendrier
Afin « d’amortir » l’impact sur le budget des collectivités, l’exonération a été progressive et a concerné en premier lieu les foyers modestes et les classes moyennes.
Pour 80 % des foyers fiscaux, la suppression a suivi le calendrier suivant :
Les 20 % de foyers fiscaux les plus fortunés, quant à eux, ont été soumis à un calendrier décalé, avec :
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Les logements non exonérés de taxe d’habitation
La taxe d’habitation demeure due par les contribuables concernés qui occupent un bien au 1er janvier de l’année en cours. Elle concerne les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à la résidence principale, ainsi que, dans certaines circonstances, les logements vacants depuis plus de deux ans.
Le redevable sera :
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Dans ce contexte la taxe d’habitation a été rebaptisée « Taxe d'Habitation sur les Résidences Secondaires et autres Locaux Meublés non affectés à l'Habitation Principale ». (Bon courage aux fiscalistes pour lui trouver un acronyme « THRS&LMNAHP » semblant certainement un peu long …).
Qui est concerné par cette obligation déclarative ?
Tous les propriétaires titulaires de droit réel et qui ont la jouissance de biens immobiliers à usage d’habitation sont tenus à une nouvelle obligation déclarative.
L’obligation concerne ainsi les propriétaires personnes physiques, les propriétaires indivis, les personnes morales (en ce compris les sociétés civiles immobilières).
Le propriétaire doit souscrire la déclaration pour les biens situés en France, même s’il vit à l’étranger… l’administration ayant pris soin de traduire son « service » en anglais.
En cas de démembrement de propriété, la déclaration est effectuée par l’usufruitier. Par principe, l’usufruitier sera réputé être occupant sauf précision contraire dans la déclaration.
En cas d’actif détenu entre indivisaires, il semblerait que la déclaration faite par un indivisaire emporte la déclaration pour l’ensemble des indivisaires de manière automatique. L’occupation sera présumée être affectée à l’ensemble des indivisaires sauf à justifier d’une mise à disposition (gratuite ou à titre onéreuse) du local indivis à un seul des indivisaires ou à un tiers.
SYNTHESE |
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Types d’actifs |
Déclaration obligatoire avant le 30 juin 2023 |
La résidence principale |
OUI |
La résidence secondaire |
OUI |
Propriétaire en direct d’un autre immeuble à usage d’habitation |
OUI |
Propriétaire en direct d’un immeuble à usage AUTRE que de l’habitation |
Déclaration possible mais non encore obligatoire |
Propriétaire en indivision d’un immeuble à usage d’habitation |
OUI – la déclaration de l’un des indivisaires emporte déclaration pour l’indivision sauf cas particuliers à préciser. En cas de déclarations multiples, seule la dernière sera prise en compte. |
Associé d’une société civile propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation |
Déclaration par la société obligatoire avant le 30 juin 2023 via l’espace « professionnel » ouvert à son nom |
Propriétaire en démembrement d’un immeuble à usage d’habitation |
OUI – déclaration par l’usufruitier. Le nu-propriétaire pourra visualiser son bien sur son espace « biens immobiliers » mais ne pourra pas déclarer l’occupation. |
Achat récent d’un bien, non encore visible sur impots.gouv.fr |
OUI - en utilisant la messagerie sécurisée avec l’administration fiscale |
Hypothèse du déménagement |
OUI - avec l’occupation modifiée |
Propriétaire étranger |
OUI |
Propriétaire résident en EHPAD |
OUI |
Quels biens immobiliers sont visés par cette obligation déclarative ?
La déclaration vise tous les biens immobiliers à usage d’habitation en ce compris les parking, caves, dépendances… Les propriétaires devront donc déclarer à quel titre le bien est occupé. Quand le propriétaire n’occupe pas le bien lui-même, il devra déclarer l’identité des occupants et la période d’occupation à compter du 1er janvier 2023, la déclaration des loyers perçus dans le cadre d’une éventuelle location du bien n’est pas (encore ?) obligatoire à ce stade.
Quand déclarer en cas de changement de situation ?
La déclaration devra être renouvelée en cas de modification des informations transmises depuis la dernière déclaration. En cas de changement de situation, les propriétaires disposent jusqu’au 30 juin de chaque année pour déclarer la situation d’occupation au 1er janvier.
Ainsi, à chaque changement d’occupation, le propriétaire devra porter à la connaissance de l’administration fiscale cette modification et les informations actualisées le concernant. Il est précisé que la déclaration s’adapte en fonction de l’occupation visée. Par exemple, en cas de location saisonnière ou AirBnb, les occupants ne seront pas demandés afin de faciliter les démarches.
Comment déclarer ?
La déclaration de la situation doit se faire obligatoirement en ligne dans l’onglet « Biens immobiliers » de l’espace sécurisé du site impots.gouv.fr.
Y a-t-il des modalités particulières de déclarations pour les contribuables « grands comptes » ?
En présence d’un nombre de biens immobiliers important, représentant plus de 200 (!) locaux, il est possible pour le propriétaire :
- Soit de réaliser une déclaration individuelle pour chaque bien immobilier ; Via cette déclaration, il est possible de regrouper plusieurs locaux occupés par les mêmes occupants au moment de la déclaration.
- Soit via un échange de fichier appelé « CSV » permettant de regrouper l’ensemble des biens en une seule déclaration.
Cette nouvelle déclaration remplace-t-elle les actuelles obligations déclaratives ?
En aucun cas ! Les déclarations au titre des revenus fonciers, impôt sur la fortune immobilière, déclarations 2072 des sociétés civiles immobilières sont maintenues pour les propriétaires concernés … Cette nouvelle déclaration s’ajoute donc à celles déjà existantes. Nous nous garderons de tous commentaires à ce sujet …
Quelle sanction pour défaut de déclaration ?
En cas de non-déclaration, d’erreur, d’omission ou de déclaration incomplète une amende forfaitaire de 150€ par local pourra être appliquée (article 1770 terdecies du CGI).
[1] Article 16 de ladite loi.
A propos des auteurs :
Situé à Paris, Michelez Notaires regroupe une centaine de notaires, juristes et collaborateurs. Michelez Notaires a développé des domaines de spécialisation reconnus en droit patrimonial, droit de la famille, immobilier institutionnel et d’entreprise, financement, droit forestier et droit international privé.
François BONTE y coanime une équipe dédiée aux stratégies patrimoniales et aux transmissions d’entreprises.
Clément COLOMBEL est élève notaire au sein de l'étude Michelez Notaires - service patrimoine et entreprise. M. Colombel est également président de l'Association de Droit Notarial France (ADN France) : www.adnotarial.fr.