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Impôts Fonciers

Locations de courte durée et taxe d'habitation : l’absence de jouissance personnelle, une preuve difficile à apporter

Le juge de l'impôt nous rappelle, dans le cadre locations saisonnières de courte durée, que le propriétaire qui ne veux pas être redevable de la taxe d'habitation doit apporter la preuve que le bien est exclusivement affecté à la location et qu'en aucune manière il ne dispose de la jouissance personnelle de ce bien.

 

L'article 1408 du CGI prévoit que la taxe d'habitation (THRS) est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables. Ainsi, les personnes physiques ou morales sont passibles de la taxe dès lors qu'elles ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance de locaux imposables. La qualité de l'occupant et la durée de l'occupation sont, en règle générale, sans influence sur le principe de l'imposition.

 

L’article 1407 du CGI dispose quant à lui que ne sont pas imposables à la taxe d'habitation.

Les locaux passibles de la cotisation foncière des entreprises lorsqu’ils ne font pas partie de l’habitation personnelle des contribuables 

 

Il résulte de ces dispositions qu’est en principe redevable de la taxe d’habitation le locataire d’un local imposable au 1er janvier de l’année d’imposition.

Toutefois, par dérogation à ce principe, lorsqu’un logement meublé fait l’objet de locations saisonnières ou de courte durée, le propriétaire du bien est redevable de la taxe d’habitation dès lors qu’au 1er janvier de l’année de l’imposition, il peut être regardé comme entendant en conserver la disposition ou la jouissance une partie de l’année.

Rappel des faits :

Les époux B, propriétaires d'un ensemble immobilier situé à Rochefort, ont été assujettis à la taxe d'habitation pour un montant de 3 739 € au titre de l'année 2022. Ils ont contesté cette imposition par une réclamation du 11 décembre 2022, qui a été rejetée le 3 mai 2023. Ils ont alors saisi le Tribunal administratif de Poitiers pour demander la décharge de cette taxe d'habitation.

 

Le Tribunal vient de rejeter leur demande.

 

Les requérants soutiennent que les logements étaient affectés à un usage professionnel exclusif de location au 1er janvier 2022, sans possibilité pour eux d'en jouir. Ils invoquent également les paragraphes 20, 30 et 40 de la documentation administrative BOI-IF-TH-10-20-20 et les paragraphes 30 et 40 de la documentation administrative BOI-BIC-CHG-10-10-30.

 

Le tribunal rappelle qu'en principe, le locataire d'un local imposable au 1er janvier est redevable de la taxe d'habitation. Toutefois, lorsqu'un logement meublé fait l'objet de locations saisonnières ou de courte durée, le propriétaire est redevable de cette taxe s'il peut être regardé comme entendant en conserver la disposition une partie de l'année, le bien étant alors considéré comme constituant son habitation personnelle.

 

Appréciant la situation des contribuables le Tribunal fait valoir :

  • que lorsqu'un propriétaire met son logement en location saisonnière ou de courte durée sans intermédiaire ou par des plateformes se bornant à mettre en relation propriétaires et locataires (comme Airbnb ou Le Bon Coin), il conserve juridiquement la possibilité d'occuper le bien et doit être regardé comme entendant en conserver la disposition une partie de l'année ;
  • qu'en l'espèce, les taux d'occupation moyens annuels des appartements, estimés par l'administration sur la base des relevés de taxe de séjour, se situeraient entre 20% et 75% ;
  • qu'il n'est pas établi qu'une contrainte juridique (comme un mandat de gestion exclusif) empêcherait les requérants d'en jouir en dehors des périodes de location ;
  • que l'inscription des 11 logements au bilan de l'entreprise individuelle de M. B est sans incidence sur leur capacité à en disposer.

 

Le tribunal en déduit que l'administration a valablement considéré qu'au 1er janvier 2022, les requérants conservaient la possibilité de disposer des logements en dehors des périodes de location, et a pu les assujettir à la taxe d'habitation. La doctrine administrative invoquée par les requérants ne fait pas une interprétation différente de la loi fiscale.

 

En conséquence, le tribunal a rejetté la requête des époux B

 

 

Le sénateur du Bas-Rhin s'est fait l'écho de cette situation dans une question publiée le 30 mai 2024 rappelant que l'administration fiscale et la jurisprudence considèrent comme "habitation personnelle" tout bien dont le propriétaire peut disposer une partie de l'année, même s'il est disponible à la location. Cela entraîne une sur-imposition fondée sur l'apparence théorique d'un usage personnel intermittent, même sans usage réel. En effet, le régime fiscal de ces biens peut s'avérer très lourd lorsqu'ils sont mis en location. En effet, en plus de l'imposition et des prélèvements obligatoires sur les revenus locatifs, ces biens sont soumis à la taxe foncière, à une taxe de séjour pendant les périodes d'occupation, et surtout, ils risquent d'être assujettis à la fois à la CFE et à la THRS.

Il a donc demandé au gouvernement  :

s'il est envisagé de restreindre l'interprétation de l'« habitation personnelle » évoquée à l'article 1407 du CGI, par voie de circulaire ou d'instruction.

 

Affaire à suivre...

Publié le vendredi 31 mai 2024 par La rédaction

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