Le juge de l'impôt apporte des précisions concernant les conditions d'assujettissement à la taxe sur les logements vacants (TLV), particulièrement concernant le critère d'habitabilité du logement au regard de l'importance des travaux nécessaires.
La taxe annuelle sur les logements vacants prévue à l’article 232 du CGI s’applique aux logements vacants situés, au 1er janvier de l’année d’imposition, dans les communes où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement.
Pour mémoire l'article 73 de la LF pour 2023 a étendu cette taxe aux communes qui sans appartenir à une zone d’agglomération continue de plus de 50 000 habitants sont confrontées à une attrition des logements disponibles pour l’habitation principale. De même, l'article 74 du même collectif budgétaire a porté le taux de la taxe sur les logements vacants à 17 % la première année et 34 % la deuxième année, contre, respectivement, 12,5 % et 25 % dans le droit existant, soit une augmentation de chacun de ces deux taux de 36 %.
L'article 232-VI du CGI précise que la taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable.
Commentant cette disposition, la doctrine BOFIP BOI-IF-AUT-60, n°140 précise
La taxe n'est pas due lorsque la vacance du logement est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, cette cause :
- faisant obstacle à leur occupation durable, à titre onéreux ou gratuit, dans des conditions normales d'habitation ;
- ou s'opposant à leur occupation, à titre onéreux, dans des conditions normales de rémunération du bailleur.
Il en résulte que sont notamment exclus du champ d'application de la taxe :
- les logements ayant vocation, dans un délai proche, à disparaître ou à faire l'objet de travaux dans le cadre d'opérations d'urbanisme, de réhabilitation ou de démolition (à ce titre, un délai d'un an peut être retenu) ;
- ou les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur ou acquéreur.
L'appréciation du caractère volontaire ou non de la vacance relève donc essentiellement de circonstances de fait, le contribuable devant prouver qu'il a effectué toutes les démarches nécessaires pour vendre ou louer son logement vacant (mise en vente du logement ou propositions de location dans plusieurs agences, adaptation du prix de vente ou de location aux conditions et évolutions du marché, etc.) ou que l'immeuble ne peut pas être occupé dans des conditions normales.
Le Conseil constitutionnel, par ses décisions n° 98-403 DC et n° 2012-662 DC, a confirmé la constitutionnalité de la TLV tout en précisant que les logements nécessitant des travaux majeurs pour être habitables ne doivent pas être assujettis à cette taxe. Ces réserves d'interprétation lient les juridictions administratives et les autorités fiscales dans l'application de l'article 232 du CGI.
Rappel des faits :
M. B, propriétaire d’un bien immobilier situé au 69 rue Jean Jaurès à Saint-Nazaire, a été assujetti à la TLV pour l'année 2019. Ce bien était vacant au 1er janvier 2019 et restait inoccupé depuis plusieurs années. M. B a contesté cette imposition en soutenant que le logement nécessitait des travaux substantiels pour être rendu habitable, rendant ainsi la vacance indépendante de sa volonté et justifiant une exonération.
Le 19 juin 2020, M. B a déposé une réclamation pour obtenir la décharge de la TLV. Le service fiscal a rejeté sa demande le 29 juin 2020.
M. B a alors saisi le tribunal administratif de Nantes, qui, par jugement du 15 mars 2024, l’a exonéré de la TLV pour l’année 2019.
Le ministre a fait appel de cette décision devant la CAA de Nantes.
M. B soutient que le bien immobilier en question nécessitait des travaux sanitaires et électriques estimés entre 13 400 et 35 000 €, représentant 38 % à 44 % de la valeur vénale de l'appartement. Ces travaux importants rendaient la vacance indépendante de sa volonté, justifiant ainsi une exonération de la TLV conformément aux réserves posées par le Conseil constitutionnel.
La Cour vient de rejeter l'appel du ministre.
La Cour s'est appuyée sur la jurisprudence constitutionnelle, notamment les décisions précitées n° 98-403 DC et n° 2012-662 DC, qui ont précise que ne pouvaient être assujettis à la TLV les logements nécessitant des travaux importants pour être rendus habitables.
En l'espèce, le bien était vacant depuis plusieurs années et nécessitait des travaux sanitaires et électriques estimés à 13 400 €, soit entre 38% et 44% de sa valeur vénale (estimée entre 30 000 et 35 000 euros). La Cour a considèré que ces travaux étaient "importants" et que le logement ne pouvait donc être considéré comme habitable.
L'administration ne pouvait donc pas se fonder sur la seule circonstance que la vacance n'était pas indépendante de la volonté du propriétaire, ni sur sa capacité financière à réaliser les travaux, dès lors que le critère préalable d'habitabilité n'était pas rempli.
Il est constant que le bien appartenant à M. B... était vacant depuis plusieurs années et au 1er janvier de l'année 2019. Il résulte de l'instruction que ce bien était dépourvu de sanitaires, au 1er janvier 2019, et que le montant des travaux sanitaires et d'électricité nécessaires à le rendre habitable était estimé par différents devis à la somme de 13 400 euros alors que la valeur vénale de l'appartement a pu être estimée entre 30 000 et 35 000 euros, ce qui représente un montant de travaux entre 38 % et 44 % de la valeur vénale. Ainsi, il était donc nécessaire au 1er janvier de l'année 2019 de réaliser des travaux importants dans le logement de M. B... pour le rendre habitable. Dès lors, l'administration fiscale ne pouvait, sans méconnaître les dispositions rappelées ci-dessus de l'article 232 du code général des impôts telles qu'interprétées par les décisions n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 et n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 du Conseil constitutionnel, se fonder sur la circonstance que la vacance du logement n'aurait pas été indépendante de la volonté de M. B... au regard de la durée de la vacance et de la capacité de l'intéressé à supporter la charge financière des travaux nécessaires à rendre le bien habitable au sens des dispositions de l'article 232 du code général des impôts, pour l'assujettir à la taxe litigieuse, alors que le critère de l'habitabilité de ce bien n'était pas rempli.
Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a déchargé M. B... de la taxe annuelle sur les logements vacants à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2019 à raison d'un bien situé 69 rue Jean Jaurès à Saint-Nazaire.
TL;DR
Exonération de la taxe sur les logements vacants :
- l'habitabilité du logement constitue un préalable qui doit être examiné avant même la question de la volonté du propriétaire ou de sa capacité financière.
- au cas particulier, le juge a défini un seuil quantitatif permettant d'apprécier le caractère "important" des travaux, en l'espèce environ 40% de la valeur vénale du bien.